dimanche 25 novembre 2018

    Bibliothèque des Ombres : FluidRat/Rem Sakakibara

    Pagination : 3 vol.
    Traduit par Aline Kukor
    Black Box éd.

    Sainen, journaliste aux méthodes parfois douteuses travaille pour une feuille de chou locale. En quête d’un nouveau sujet racoleur, il tombe sur une fille en fuite, peu vêtue et phobique de la gent féline… Traqué par un groupuscule industriel nauséeux, notre héros devra accepter une vérité surprenante : sa compagne de circonstance est une « FluidRat », un être capable de passer d’un corps humain à un corps de rat au contact des sécrétions humaines… Ces êtres étonnants portent des germes pathogènes qui aiguisent les convoitises… Sainen louvoiera entre ses velléités héroïques et ses calculs opportunistes, aidant malgré lui sa compagne d’infortune.

    Après un prologue sous forme de légende, l’auteure démarre tambours battants son récit. Assez atypique au milieu de la masse des mangas stéréotypés que nous servent ad nauseam les grands éditeurs, FluidRat se distingue par un sujet insolite alimenté par les nombreuses rencontres et péripéties. Il est dommage que l'histoire s’achève d’une manière assez brusque tant il y avait de matière pour une courte saga.

    L’auteur construit sa mythologie en usant de contes connus (le joueur de flute de Hamelin par ex.), pour mieux coaguler son univers fictionnel. Le mouvement de balancier imprimé entre le mythe et la vérité est la clé de voûte thématique de ce récit aux innombrables transformations qui font échos à la condition existentielle des protagonistes métamorphes. Ces rebondissements déchireront aussi les humains qui les accompagnent, les mettant devant le dilemme moral de choisir entre se libérer de son encombrante « persona » ou de demeurer un rouage huilé d’un système inique.

    Le récit montre une belle brochette d’humanité putride qui nous change – si ce n’est agréablement, au moins de manière plus honnête – des héros au cœur purs l’éternel sourire vissé sur leurs bouilles de tête à claques : des personnages plus retors que la moyenne, que ce soit le scientifique psychotique – un des rares clichés du scénario – ou les deux journalistes « fouille merdes » qui ne cessent de se tirer la bourre sans faire attention aux dégâts collatéraux. Le dessin énergique et le découpage allié au soin apporté aux graphismes des onomatopées, dans les séquences de métamorphoses en particulier, achèvent de faire de ce triptyque une petite réussite.

    Enfin, ce n’est pas habituel, mais je vais clore mon laïus pour souligner l’excellente idée de l’éditeur de supprimer les jaquettes, ces objets aussi disgracieux que non pratiques. Du coup le livre tient bien en main. Mentionnons la nette amélioration de la traduction et le soin apporté à l’adaptation graphique au sein des différents phylactères, ce qui n’a pas dû être une sinécure sur ce titre, au vu de la profusion d’informations dans les planches.

    Malheureusement FluidRat risquera de passer sous les radars, l’encombrement des étals dans les librairies masquant les bons titres, et la distribution de Black-Box, loin des circuits conventionnels, complique encore l’équation.

    Pourtant cette histoire de petits rats méritent que vous lui accordiez un peu de votre temps.

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