mercredi 30 mai 2018

    Bibliothèque des Ombres : Une histoire naturelle des dragons : Mémoires de Lady Trent.1/Mary Brennan

    En attendant le tome 2 des aventures de Kane, changeons radicalement d'ambiance pour une petite virée en terre victorienne pour une série de Science-Fantasy qui promettait... Eh oui ! C'est au passé car après lecture, la chose est tout de même assez décevante, nonobstant une lisibilité certaine... 
     
     
    Éditeur : L'Atalante
    Traduction : Sylvie Denis
    Illustrations : Todd Lockwood
    349 p.

     
    Dans un monde évoquant le nôtre, la jeune Lady Trent, obsédée par les dragons, essaie de satisfaire sa passion malgré les interdits d'une société patriarcale. En manipulant son entourage grâce à sa ruse, elle se rapproche peu à peu de son rêve. C'est son mari qui lui offrira l'occasion de participer à une expédition dans une région désolée, à la recherche de dragons des montagnes… Au cours de laquelle elle se confrontera à une énigme mortelle.
    Empruntant le style de la fiction Victorienne [1], les quelques illustrations qui ponctuent le récit parachevant le pastiche littéraire d’une élégante façon, ce titre, auréolé du prix Imaginales 2016, est-il à la hauteur de sa flatteuse réputation ? J’eusse aimé être enthousiaste, mais hélas si l’ensemble se laisse parcourir avec un certain entrain, on en ressort avec le sentiment d’un rendez-vous manqué.
     
    Cette œuvre partait pourtant avec un capital sympathie élevée. L’approche naturaliste d’une des plus emblématiques créatures de la fantasy possède le mérite de l’originalité et fleurète à de nombreux moments avec la science-fiction. La préoccupation environnementaliste de l'auteur s'insère à merveille dans sa thématique, prouvant que le genre peut traiter de problèmes contemporains sans y perdre de son identité. De ce côté-ci tout du moins la réussite est éclatante. J’ai d’ailleurs regretté que l’éthologie dragonique passe assez vite à l’arrière-plan – même si cette piste est récupérée en conclusion de l’histoire.
     
    Néanmoins, tous ces points forts ne masquent pas une intrigue parfois indigente, dans laquelle les affaires humaines prennent le pas sur les considérations naturalistes. Cet écueil se matérialise à mi-temps du livre lors d’un ventre creux de plusieurs centaines de pages qui auraient pu être expédiées, tant le récit s’enlise dans un bourbier d’ennui, à base de machination « surnaturelle », à la conclusion navrante et convenue [2].
     
    D’ailleurs, l’auteure ne déroge pas à une règle tacite du divertissement fictionnel en nous présentant en personnage principal une énième héroïne haut placée – avatar féminin de « l’homme providentiel » – qui adopte un ton et une posture dont la condescendance m’a coupé plus d’une fois dans ma lecture. Pis encore, les méfaits sont mis sur le dos des habituels arrivistes carnavalesques, aidés par ces salauds de pauvres, ajoutant une dernière louche à ce brouet infâme.
     
    Dommage d’avoir sacrifié un traitement audacieux, jouant sur les nombreuses similitudes thématiques rapprochant la SF & la Fantasy, sur l’autel d’une problématique sociétale qui aurait mérité une illustration moins caricaturale. La pilule « féministe », bâtissant sa démonstration sur un contexte social qui n’existe plus depuis deux-cents ans sous nos latitudes, est ainsi rédhibitoire en ce qui me concerne.
     
    Si ce sujet intéressait Mary Brennan, pourquoi diantre ne pas avoir fait de l’héroïne une Nicole Viloteau ou une Diane Fossey –, avec un accent mis sur les relations houleuses entre les dragons et les hommes en faisant desdites créatures des êtres intelligents, ajoutant une couche de complexité et de réflexion bienvenue dans le roman ? Pourquoi se complaire dans de sempiternelles intrigues de cours, tout cela pour aboutir à une morale ma foi fort consensuelle, de plus assénée avec la subtilité d’une marche militaire ?
     
    Une curiosité dont le style appréciable fait passer le goût des nombreuses et amères maladresses, que celles-ci soient voulues ou non.
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    [1] – Style littéraire qui se rapproche parfois du gothique dont il reprend la narration souvent sous forme épistolaire, avec une emphase mise sur les décors qui représentent les émotions du héros. Un élément fantastique ou science-fictif apparaît dans certains récits, sans que cela soit une caractéristique essentielle. Il se distingue aussi par des titres de chapitres à rallonge – qui feront le délice des pasticheurs – et un jeu de références méta-textuels, mentionnant d'autres œuvres. Publiés à leurs époques sous formes de feuilletons, ces œuvres ont bénéficiés d’illustrations en noir & blanc, souvent des gravures. Parmi les écrivains les plus connus qui ont travaillé ce genre, citons : les sœurs Brönte, Charles Dickens, Bram Stocker, Wilkie Collins
     
    [2] – Une séquence pénible victime illustrant à merveille ce que j'appelle : le syndrome « Scooby-Doo » – le monstre n’est qu’un déguisement utilisé par les conjurés pour faire peur aux héros en instrumentalisant les superstitions locales – qui est loin d’être satisfaisante et qui permet à l’auteure de se débarrasser avec fainéantise d’un arc narratif dont elle ne savait que faire…

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