dimanche 8 décembre 2019

    Bibliothèque des Ombres : carnet de lecture 01 : Shirley Jackson ; Fritz Leiber ; Clive Barker

    Une première fournée d’œuvres et d’auteurs qui m’auront marqué au fer rouge pendant mon adolescence et dont je ne me suis jamais totalement remis de la fréquentation. En vous souhaitant une bonne découverte.


     Maison Hantée/Shirley Jackson

    Avant d’être une série télévisée, ce roman de Jackson est l’une des pièces maîtresses du conte spectral, presque un archétype : quatre chercheurs sont payés par un richissime milliardaire pour ramener une preuve de la vie après la mort. Pour ce faire, le groupe de scientifiques va élire domicile à Hill House, l'Everest des maisons hantées… Avec son architecture aux angles bizarroïdes, son historique lugubre aux fragrances de folie, les chasseurs de fantômes auront forte affaire.

    Reposant sur la figure du narrateur « non fiable » en la personne d’Eleanor Vance, le récit développe ses arabesques en triturant en profondeur la psychologie des personnages par subtiles touches impressionnistes avant que les mâchoires du piège ne se referment sur eux.
     
    Laissant à l’appréciation du lecteur la teneur fantastique de son récit, les phénomènes pouvant très bien n’être issu que de la psychée fragilisée des protagonistes, Shirley Jackson s’impose avec ce titre comme une géante de l’écriture au style raffiné qui joue avec maestria de l’ambiguïté du genre qu’elle aborde. Un pur chef-d’œuvre !

    Maison Hantée a connu trois adaptation aux qualités très différentes, bien que les lecteurs les plus cinéphiles préféreront  toujours le coup de maître de Robert Wise, The Haunting de 1963 qui, tout en élaguant le roman, parvenait à retranscrire le mélange de malaise, de tensions sexuelles et de folie qui l'habitait. A l'inverse, le remake des années 90 de Jan de Bont, et la série nanardesque Netflixienne ne mérite pas que l'on s'y attarde.

    Le Cycle des Épées/Fritz Leiber

    Regroupant toutes les nouvelles que Fritz Leiber à consacrer au couple de Fafhrd & le Souricier Gris, un barbare nordique et son acolyte voleur et sorcier à ses heures, cette intégrale permet de redécouvrir une pierre angulaire quoi qu’injustement méconnue de la fantasy qui aura occupé l’auteur pendant plus de trente ans.

    Évoluant dans la ville imaginaire et pourrissante de Lankhmar, nos deux héros affrontent dieux anciens et puissantes guildes pour s’enrichir les poches. À l’opposé de leurs homologues preux chevaliers, ces deux compagnons sont des mercenaires, des coupe-jarrets et des gredins sans foi, ni loi qui survivent grâce à leurs épées et à leurs roublardises dans un monde décadent.

    Le Cycle des Épées, loin d’une fantasy manichéenne archétypale, propose un vaste univers empreint d’une romantique noirceur. Le style à la fois poétique et complexe de Leiber en élabore les contours grotesques et fascinants ainsi qu’une galerie de personnages truculents.
     
    Et si Fafhrd & le Souricier Gris ont la galéjade facile et la rapière chatouilleuse, ils n’en négligent pas non plus la compagnie d'accortes ribaudes – parfois aux beautés très exotiques – au gré de leurs rencontres, ce qui apporte en sus une épice érotique dans un genre qui demeure souvent plus chaste qu’une vieille nonne nonagénaire.

     Livres de Sang/Clive Barker


    Originaire de Liverpool, soit le trou du cul de l’Angleterre, Clive Barker surgit dans les années 1980 comme une révélation dans le landernau fantasticophile avec ces Livres qui regroupent plusieurs nouvelles dans des styles différents – pourtant tous de la même plume – et dont la palette embrasse toutes les nuances du fantastique : de l’horreur gore poisseuse en passant par l’humour décalé ou l'inquiétante étrangeté cher à Freud.
     
    Il est ainsi impossible de savoir vers quoi vont tendre les histoires, mais toutes sont déjà marquées par le sceau de l’écrivain qui a une prédilection pour les métamorphoses, une franche sympathie pour les monstres et l'exploitation d'un paysage urbain déliquescent.
     
    Clive Barker se sera imposé avec cette œuvre comme un auteur atypique, possédant une vision empruntant à une multitude d'influences hétéroclites tout en demeurant d’une impressionnante cohérence thématique dans son ensemble.
     
    À travers cette intégrale les lecteurs pourront croiser au hasard des pages : un démon gaffeur, des membres qui se rebellent contre leur propre corps, des fées antiques attendant d'infortunés visiteurs dans des thermes abandonnés ou un cinéma hanté par mauvaise conscience suppurante de toutes ses plaies des cauchemars de celluloïds…


     

    jeudi 28 novembre 2019

    Dessins du dimanche : Personnages Joueurs & BD



    Je ne suis pas très présent sur la toile, car je traverse une période de transition et de travail intense avec quatre romans achevés entre 2018-2019. En conséquence, l’exercice de la critique me paraît des plus vains et je l’abandonne. Enfin, peut-être pas complètement, mais de manière moins absurdement détaillée qu'autrefois. 

    Je conserverais une sorte de « carnet de lecture » plus lapidaire. Ce sera surtout un partage des œuvres qui m’auront influencé, marqué au fer rouge, d’objets artistiques que je suis infiniment reconnaissant d’avoir connus et dont la fréquentation est plus que recommandable en cette décennie de médiocrité terminale. Car voyez-vous, Je suis fatigué par le commentaire tel qu’il se pratique sur le oueb. La critique ne devrait jamais verser dans la sentence pré-adolescente cynique et blasé, ni même dans l’outrance de la vision idéologique qui fait encore les beaux jours de sodomisateurs de diptères et des censeurs de tous poils

    Plutôt que de joindre mon encre à ce bourbier saumâtre, je vais me focaliser sur mes créations et utiliser ses lieux comme brouillon et/ou vitrine de mon humble production artistique. En attendant voici un petit dessin, toujours pour Tranchons & Traquons. Un Ours, prêtre de l’Unique, qui sera proposé comme prétiré dans un scénario complet à venir et qui se déroulera dans le Royaume de Yelgor



    En bonus : les deux premières planches d'une BD jamais sorti de mes cartons et que je ne finirais certainement jamais tant la technique utilisé m'a pris des heures carrées. De plus, si je devais l'achever, je reprendrais tout à zéros. Attention aux fôtes d'aurtografes qui piquent si vous vous aventurez dans la lecture de ce délire... 
    Titre envisagé : Monstrueux !




    vendredi 13 septembre 2019

    La Femme Écarlate : la Couverture

    Pitch :
    Alan Svartur et les siens se retrouvent coincés dans la petite communauté de Skull-city après une panne de voiture. Les autochtones manifestent un intérêt grandissant pour les citadins et peu à peu, l’hospitalité des « bons gars du sud » se transforment en piège…

    Commencé en Juin 2017 et achevé en Octobre, La Femme Écarlate est le texte qui m’aura demandé le moins de maturation, coulant de ma plume en quelques mois sans en passer par des mutations successives, version après version. Ce court roman s’inspire en grande partie du cinéma et de littérature Gore des années 80. Mon goût prononcé de l'excessif  – âmes sensibles s’abstenir parce que je vais très, mais alors très loin dans l’abject – n'a pas spécialement plu aux maisons d'édition..

    De manière comique, c’est ma critique sur le livre Redneck Movies : ruralité & dégénérescence dans le cinéma américain de Maxime Lachaud qui a mis le feu aux poudres de mon imaginaire avec un petit bout de texte fictionnel en préambule, reproduisant l'ambiance les archétypes du gothique sudiste. Ma compagne – outre son rôle de correctrice avisée – a pour sa part ajouté du carburant dans la rédaction avec quelques suggestions bien tordues qui se retrouvent telles quelles dans le résultat final.

    N’ayant pas envie de faire dormir ce récit – que je trouve réussi, une fois n’est pas coutume –, je vais donc le mettre à disposition d’un potentiel public en profitant des facilités d’impression que fournit la toile. Mais il me fallait une couverture… Et je ne peux pas toujours solliciter Duarb Du & Didizuka qui m’ont déjà gâté en terme d’iconographies remarquables.

    J’ai demandé à une vieille connaissance de mes années d’étude, un de ses dessinateurs stakhanovistes au trait se partageant quelque part entre un expressionnisme bouillonnant et un penchant pour la simplification stylisé de la forme de réaliser la devanture de l’ouvrage : EXP. Étant disponible, il a accepté la tache, ce dont je lui suis reconnaissant.

    Exp fait partie de ces personnes qui ont baigné comme moi dans la culture gore et punk avant que le grand ripolinage des années 2010 n’emporte tout ça dans les oubliettes psychiques. Qui de plus idéal que lui pour illustrer ce roman atypique ?

    Tout comme pour celle des Chroniques de Yelgor avec Duarb Du, nous avons commencé par discuter autour de croquis avant d’aboutir à la couverture finale…
    Voici les différentes étapes :



    Trois brouillons simples qui reprennent une idée similaire : donner un symbole au clan de dégénérés révérant la fameuse « Femme Écarlate ». Pour ce faire, il fallait conjuguer la vision des collines arides de la région, ainsi que l’image des serpents, ces reptiles ayant un rôle non négligeable dans l'intrigue. Mon choix s'est porté sur le premier essai qui avait un quelque chose d’ésotérique avec une légère pointe d’influence de films d’horreur des années 80. 





    Deuxième version, aux traits d’abord pour bien cerné le motif, retravailler ensuite dans un écarlate faisant écho au texte. Cette fois, le dessin se simplifie pour devenir une sorte de logo : l’emblème de la religion du cru. Le titre est inclus dans la montagne de feu, mais à ce stade il se fond un peu avec le reste.




    Plusieurs essais « psychédéliques », mais un brin trop chargé en ce qui me concerne. Cependant, le titrage jaune se détache bien de l’ensemble, ce qui nous aiguillera pour la version finale.




    Une version épurée qui s’approche beaucoup de la version final, mais le titrage un peu trop anguleux est difficilement lisible.J'ai aussi demandé de virer le « Jean-Michel » du nom, pour gagner en sobriété.



    Je vous invite à jeter un œil sur ces BDs dans lesquelles se manifeste son goût de l’humour (noir) et de la dérision. Les amateurs des opuscules désormais disparus comme Hara-Kiri ou Zoo du Professeur Choron en auront pour leur pesant de cacahouètes. Pour ma part j’ai eu la chance d’assister à la naissance de son trio de crétins de prédilection, les flics de l’enfer, les pieds nickelés de la bavure : Mass ; Turba & Fion. Tout un programme !
    Cliquer sur l'image !

    http://www.lulu.com/shop/search.ep?contributorId=1452671


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    Un peu de musique pour se mettre dans l'ambiance... 

    dimanche 18 août 2019

    Dessin du Dimanche : Personnages Joueurs

    Comme j’ai achevé deux romans (en relecture), il m’est difficile pour le moment de reprendre la plume. Du coup un peu de dessin pour se changer les idées avec des personnages conçus pour une campagne de jeu de rôle que je mène depuis un an, sous les règles de Tranchons & Traquons.

    Shilarya la Marionnette voleuse

    Serafina l'Elfe vengeresse

    lundi 15 juillet 2019

    Les Chroniques de Yelgor : La Couverture

    Retour sur les Chroniques de Yelgor, pour la réalisation de la couverture en prévision d'une sortie papier que je devrais concrétiser dans les mois qui viennent. Pourquoi faire une version « livre » alors que l’histoire a déjà été contée ? D'une part, cela pérennise mieux le travail accompli qu’une succession de pixels agencés dans un serveur des GAFA, d’autre part j’ai refondu le texte, ajoutant des séquences inédites, perfectionnant certaines scènes pour étoffer un peu plus l’univers.

    Le support livre aura donc son intérêt propre, en plus de donner un écrin aux magnifiques illustrations de mes deux acolytes. Je ne retire pas le récit du blog et je compte bien le poursuivre dans les années qui viennent.


    Toujours réalisée par mon complice dans le crime, Duarb Du, qui a dû relever le défi de toute couverture qui se respecte : esquisser les personnages et l'action sans cependant trop en dévoiler. Un exercice ardu comme le démontrent les quelques essais ci-dessous. Créer n'importe quoi, une illustration, une histoire, un objet, ne procède pas d'un processus rectiligne contrairement à ce que la mythologie contemporaine de l'artiste génial par essence, parce « qu'artiste » nous inculque.

    C'est au contraire une combinaison fastidieuse d'échecs et d'erreurs avant d'aboutir à quelque chose qui a un modeste d'intérêt. L'illustration de Duarb Du ou ma propre composition n'échappe pas à ce cycle immuable de pensée sans cesse en mouvement.

    Le démarrage d’un nouveau projet en particulier consiste souvent à régurgiter les lieux communs les plus éculés, les stéréotypes ancrés en profondeurs sur la semelle de notre esprit, avant de réussir à les détourner pour modeler cette masse d'informations médiocres en un objet un peu valable. En art comme en chimie, rien ne se perd, rien ne se créer, mais tout se transforme.



     Une première proposition qui présente tous les personnages importants du récit, mais qui, outre son statisme un peu hiératique, me rappelait un peu trop les pires affiches de cinéma actuelles, avec cette manie de présenter la gueule des acteurs de manière chorale, sans rien d'autre autour.


    Ma composition préférée, Allytah dégainant littéralement l’épée de son cœur. Très fort, très symbolique… Hélas, dans l’optique d’une couverture nous devons cependant circonscrire le sujet de peur de perdre le spectateur dans une interprétation qui n’est pas judicieuse. La symbolique marcherait mieux sur une illustration pour le texte ou même pour un portrait isolé du reste du récit. J’envisage la couverture comme un pitch visuel, cette représentation ne m’apparait donc pas pertinente, bien que l’appréciant énormément. Un croquis non utilisé, mais que j’aime beaucoup et qui saisit les tourments du personnage.


    Une vue de l’auberge. Pas une mauvaise suggestion, mais sans personnage autour, le dessin est « vide » de toute présence. J’ai conscience qu’un bâtiment isolé, quant il est en plus sublimé par un cadrage ou un éclairage idoine, peut apparaître comme un être à part entière – par exemple Hill House dans le film The Haunting de Robert Wise (1963) ou la maison coloniale de la saga cinématographique Amityville —, mais ici l’auberge n’est qu’un décor parmi d’autre et elle n’a pas d’incidence majeure sur le récit si ce n'est d'être le point de départ des pérégrinations de nos héros, comme dans tout bon gidéaire qui se respecte.


    Croquis adoubé, même si la composition est très classique. En même temps l’exercice de la couverture limite les possibilités délirantes, c’est à la fois sa limite et le sel de l'exercice. Être immédiatement lisible entraîne souvent une réduction du champ créatif. L’auberge reste en arrière plan. Elle conserve ainsi son rôle d'abri et de lieu à protéger de la violence des hommes. Au second plan le trio de personnage le plus notable, prêt à en découdre. Les seconds couteaux passent à la trappe pour ne pas surcharger l'image d'information, d'autant plus qu'il faut placer les titres. Le premier plan est une masse indistincte de guerriers qui marchent sur le bâtiment et ses défenseurs. Ça fonctionne !


    Couverture avec les titres. Il y a quelques retouches par rapport à l’image d’origine : les flocons de neige ont été atténués pour ne pas gêner la lisibilité du titrage.


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    Un peu de musique pour se mettre dans l'ambiance...