vendredi 17 juin 2016

    Les Chroniques de Yelgor : La Nuit de l'Auberge Sanglante chap 6/25







    [Chapitre 4 : Qui c'est, le Boss ?]
    [Chapitre 5 : Voulez-vous sauver le Monde ?]

    Élu par les chefs de chaque village du comté, le Prévôt patrouillait dans les petits hameaux qui parsemaient le territoire. Zed se retrouvait à la tête du scrutin depuis dix ans grâce à une méthode qui avait fait ses preuves. Il défaisait les prétendants au poste avec l’assistance discrète de ses fidèles et distribuait généreusement bourre-pifs et marrons aux bourgmestres récalcitrants et à leurs administrés. Cela offrait quelques récréations à ses hommes qui pouvaient ainsi lutiner gratuitement quelques gueuses sous l’œil de leur idiot de mari et de la marmaille terrifiée.

    Seuls quelques excentriques situés aux confins de son territoire osaient le défier… comme cette putain d’auberge qui accueillait aventuriers, traîne-savates, Gobelins et autres Kobolds puants. Un rassemblement de guignards et de vilains qui se gaussaient de son autorité en beuglant des chansons paillardes qui l’étrillaient souvent. Il avait averti le seigneur Vanakard de cette sédition manifeste, mais celui-ci préférait se vautrer dans les plaisirs de la chair plutôt que d’accorder toute l'attention nécessaire que requérait cette grave affaire. Devant l’apathie de son seigneur, Zed avait pris les choses en main.

    Il s’était rendu le soir même à l’auberge pour intimider la tenancière rétive, cependant les événements ne s’étaient pas déroulés comme prévu. D'abord, il n’avait pas eu un soutien logistique important – trois hommes à moitié bourrés en plus de ses deux adjoints déjà bien éméchés –, mais en plus la Noctule possédait une compétence martiale supérieure à la leur. Le saccage et les viols concomitants, fondamentales opérations destinées à instiller une saine terreur dans le cœur des administrés, s’étaient achevés avant d'avoir commencé. La Noctule avait pulvérisé ses cinq compagnons, brisant le moindre de leurs os. Elle avait peaufiné son ouvrage en gravant un horrible souvenir sur son visage à l’aide d’un couteau rouillé. Ce soir, il lui rendrait la monnaie de sa pièce. Au centuple !

    Son escouade cernait les entrées et les sorties de l’auberge et de l’écurie. Une quinzaine de soldats seigneuriaux revêtus d’une armure rutilante, l’étoffe pourpre de leur cape portant les armoiries de Mabs
    — une biche entourée accompagnée de deux branches de houe sur un fond sanguinolent , jouaient des épaulettes pour encercler les consommateurs saisis d’effroi. Ses hommes se contentaient de désobéir à l’injonction de remettre leurs quincailleries, intimidant une jeune Kobold qui les observait avec une lueur de crainte au fond de ses yeux bestiaux. Les gardes jetaient des regards obliques sur les clients. Les trois homme appartenant corps des mages — les seuls citoyens entraîner à la manipulation des armes ésotériques des Anciens ,— tripotaient nerveusement les Poings de Feu qui pendaient à leurs côtés. De chaleureuse, l’atmosphère vira à une ambiance glaciale que les flammes des cheminées ne parvenaient pas à réchauffer.

    Zed avisa la matrone qui se dirigeait vers lui, un sourire crispé imprimé sur sa face camuse. Tandis qu’elle slalomait entre les tables et les clients, il anticipa le plaisir de sa victoire imminente. L’alcool dont il s’était abreuvé avant d’entamer la soirée lui échauffait le sang. Les doigts de sa main droite se serrèrent encore un peu plus sur sa fidèle hache. Il laissait les joujoux de magiciens aux autres. Le combat à distance, ce n’était pas son truc. Il préférait sentir le fer déchirer la peau de ses adversaires, se frayer un chemin dans les organes.

    Il lança un regard torve à la Noctule qui le dévisageait. Plus grand d’une bonne tête, il la toisa pour lui rappeler qu’il lui était en tout point supérieur. Il écarta les bandelettes sales qui dissimulaient sa cicatrice, un ignoble sourire qui labourait ses joues, laissant à l’air libre ses molaires. Les pansements n’étaient là que pour recouvrir le fin filet de bave qui ruisselait continuellement de la balafre. La plaie purulente l'élançait à chaque bouchée. Se nourrir lui était devenu si pénible qu’il ne se sustentait plus que de bière et d’hydromel pour endormir les mille et une griffes de la souffrance.

    Ses yeux d’un bleu acier foudroyèrent la femelle mafflue. Ils se toisèrent un long moment. Seul le mugissement de la tempête de neige ponctuait la tension silencieuse. Dans son coin, le Chevalier s’apprêtait à affronter la catastrophe. Le Prévôt au visage dissimulé par une couche anarchique de lanières crasseuses ne lui inspirait aucune confiance. Les adjoints se rassemblèrent autour de leurs chefs, dressant une haie de métal et de muscles face à la Noctule.

    — Ma fhère
    Allyfah ! Fous ne favez pas fomme fe fuis heureux fe fenir fous foir !
    — À tel point que vous en oubliez les règles élémentaires de politesse. Vous n’avez toujours pas appris à lire, vous et vos soudards.
    — Affons, il ne faut fas le frenfre d’auffi haut ! Fachez que f’ai de frandes noufelles à fous annonfer !

    Le Prévôt s'empara de la chope d'un paysan attablé au comptoir et lampa une longue rasade cul sec. Le liquide ambré dégoulina le long de ses plaies, se répandant en taches brunâtres sur les pansements, sinuant sur sa gorge et son pourpoint pourpre pour s’étendre sur son plastron d’acier enluminé d’une croix rouge, symbole de l’Unique. Il gargouilla un instant. Ses yeux brûlants d’une haine infinie restaient fixés sur la Noctule qui surveillait le fâcheux et ses sbires.

    — Je m’adreffe à fous les abfufis fui font attablés ifi ! Foyez heufeux, far le feigneur Fanakard, frand frofecteur du dufhé de Mabs fa s’adreffer à fous !

    Le Prévôt caressa son sigil. Une couleur verdâtre jaillit de la chevalière et un hologramme palpitant se déploya dans la salle.

    Le seigneur trônait sur son fauteuil d’acier dont les pattes d’araignée mécaniques supportaient son postérieur gargantuesque. Il portait une longue cape de fourrure entrouverte sur son torse velu en partie dissimulé par la montagne de chair de sa bedaine. Les reliefs d’un repas se desséchaient en flaques croûteuses sur la proéminence de graisse eczémateuse. Son visage marqué par les entrelacements de cicatrices boursouflées se fixa sur les spectateurs figés. Ses petits yeux porcins, rendus vagues par l’excès d’hydromel, suintaient de malignité. Un énorme Araknee apprivoisé somnolait à ses pieds. Ses chélicères cliquetaient, rêvant à quelque proie juteuse. Des gouttes de venin perlaient à l'extrémité de ses crochets noirs, corrodant le plancher de bois.

    Cela faisait des années, depuis que les phalanges du roi Jehan avaient pacifié les cités de l’Est, que les villages qui se regroupaient autour de la citadelle de Mabs n’avaient plus entendu parler de leur suzerain légitime. Si les paysans et les guildes continuaient de payer les taxes en nature et en argent au château, plus personne ne savait ce qui s’y tramait. C'était une des nombreuses raisons qui avaient attiré Alita dans cette zone stable où les roitelets locaux se désintéressaient de leur population. Elle tenait à taire ses anciennes relations avec Jehan, ce putain « d'Élu de la prophétie ». Le seigneur Vanakard péta, puis entama sa diatribe.

    — Par le poids de mon autorité et en raison d’é… d’… à cause de choses graves qui se passent au château, j’ai décidé de faire sé… euh… truc… cession. Mon allé… mon truc… euh… Je ne…

    Un petit prêtre à la barbe drue s’approcha du seigneur. Il portait une bure noire dont l’unique ornement consistait en un soleil blanc qui rayonnait sur son thorax. En son centre, des symboles cursifs dessinaient un œil. Il chuchota à l’oreille de son maître.

    — Ah ! Merci, mon brave Sujkun ! Donc… Mon allégeance va désormais aux dignitaires de l’Ordre et ma foi à Sol, l’unique Dieu de la prophétie que Jehan l’Usurpateur a… pro… pra… profané. Voilà ! J’ai parlé ! D’autres lois seront bientôt proclamées, cependant que les sous-hommes et les mécréants disparaissent dans les plus brefs délais de mes terres. Mes Prévôts et leurs adjoints se chargeront des manœuvres de dispersion ! Sol, le grand et le très miséricordieux soit avec vous ! 


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    Voici un peu de musique pour agrémenter votre lecture.


    dimanche 12 juin 2016

    Dessin du Dimanche : L'Ordre Noir : Traquenard à Central-Park

    Après plus de cinq ans d'abandon total, je reviens à ma BD l'Ordre Noir avec une refonte de mon premier fanzine. Les débuts sont hésitants, dur de se remettre dans le bain, de récupérer des réflexes en ce qui concerne le découpage, la mise en scène spécifique à la BD... Je vais essayer de terminer cette histoire d'ici la fin de l'année.



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    Avec un peu de musique pour se mettre dans l'ambiance...

    

    dimanche 5 juin 2016

    Bibliothèque des Ombres : Vampirella : Anthologie vol.1/Collectif

    Depuis quelques années les classiques du comics sont publiés par de petits éditeurs — Akileos et Delirium en tête — qui exécutent un travail patrimonial sur des comics dont nous n’avons eu, il y a fort longtemps, que quelques vagues échos. L’importance de la production « Pulp » en comics qui court des années 50 avec les E.C. Comics jusqu’aux éditions Warren n’est plus à démontrer, et cette nouvelle sortie mérite que l’on s’attarde un peu sur leurs histoires.



    Des années 1945 au milieu des années 50, les éditions E.C. (pour Educational) Comics ont édité plusieurs revues explorant tous les genres : du comics patriotique sentant bon l’odeur des pieds de bidasses (Frontline Combat) en passant par l’humour (Mad), la science-fiction (Weird Science), le polar (Crime Story) et l’horreur (avec les fameux Tales From the Crypt), ces opuscules ont été un vivier de talents que ce soit dans l’écriture de nouvelles aux chutes ironiques ou dans la réalisation de planches dans un noir et blanc stylisé du plus bel effet.

    Cette esthétique influença tout un pan de l’imaginaire américain et de nombreux artistes ont tiré leurs chapeaux à cette vaillante bande d’histrions culturels. Emblématiques de cette inspiration dont ils se revendiquent, Stephen King et George A. Romero unirent leurs efforts pour accoucher de Creepshow, un film unique en son genre, hommage brillant à la Crypte dont les deux trublions ont dévoré les pages pendant leurs adolescences…



    L’année 1954 sera fatal aux succès d'E.C. Comics avec la diffusion du brûlot Seduction of Innocents du psychiatre Fredric Wertham. Ses thèses environnementalistes très discutables l’orientèrent dans une croisade contre les comics qu’il rendit coupables des maux de la société[1]. Ce barnum médiatique aboutit à la création d’un Comics-Code : un système d'autocensure rigide rédigé par les éditeurs en réaction à des manifestations de parents hystérisés par les prophéties apocalyptiques de Wertham. Le Comics-Code poussera la célèbre crypte à fermer ses portes et seul le titre Mad échappa à la purge. De ce champ de bataille ravagé émergèrent les leaders incontestables du marché : Marvel et DC comics.

    Adieux morts-vivants visqueux, maris jaloux sadiques, femmes aussi lascives que fatales, robots détraqués, scientifiques fous et vengeances d’outre-tombe. La fin des E.C. Comics laissa un grand trou dans le paysage de la BD américaine que les Encapés conquirent, en dépit d’une censure qui obligea souvent les scénaristes à se perdre dans les ornières du ridicule.

    Le Comics-Code maintenant sa main de fer sur l'industrie du comics, comment publier un nouveau titre lorsque l’on est un éditeur débutant accroc au fantastique ? James Warren a LA solution ! Il passa tout simplement du format « comics » au format « magazine » sans retoucher la recette de base. Libéré du joug qu’impose la publication à destination de la jeunesse – étudiée à la loupe par un quarteron de pédopsychiatres fébriles –, il fonda coup sur coup Creepy puis Eerie, deux magazines de BD pour adultes. Et, profitant de l’occasion, il offrit à bons nombres de dessinateurs transfuges des E.C. Comics une place au sein de son équipe. Cela vaudra à ces deux titres des planches où s'étalent un noir et blanc contrasté seyant à merveille aux contes morbides de l'oncle Creepy. En plus des vieux de la vieille, de nouveaux talents apparurent : Richard Corben, Bernie Wrightson, Neal Adams (X-Men)… Les couvertures couleur étaient enluminées par Franck Frazetta, Vicente Segrelles, Jeff Easly… Excusez du peu ! 

    Bon, et Bernie Wrightson en BD, ça donne ça...

    L’argument de vente « Adulte » émancipait Warren des restrictions de la censure, mais le magazine était souvent lu par les adolescents, car on y retrouvait l’ironie cinglante dont faisaient preuve les Tales from the Crypt. Le nouveau format offrait un territoire d'expérimentation aux dessinateurs qui réalisaient souvent des planches composées d’une seule illustration – l’introduction du récit – qui en plus de donner le ton, étaient des chefs-d'œuvre de composition picturale. Cerise sur le gâteau, certaines histoires transposaient des morceaux d’anthologie de la littérature fantastique. Edgar Allan Poe, H.P. Lovecraft et Bram Stocker se paraient d’encre de chine pour atteindre une nouvelle audience.

    En 1968, les éditions Warren connurent des difficultés financières. En plein milieu d’une tempête, James Warren lança un troisième titre – improvisé grâce à une pin-up d’origine française – : Vampirella.

    Ajout tardif à la collection, Vampirella, outre son personnage phare dont le costume plus que suggestif demeure une des innombrables énigmes des comics, mettait en scène des femmes « fantastiques » ou aux prises avec le fantastique. Plus encore que les deux autres magazines, Vampirella fleuretait avec une inspiration feuilletonesque et super-héroïque. Aux commandes l’on retrouvait les habitués des publications Warren plus une flopée de nouveaux dessinateurs ibériques qui apportèrent avec eux une esthétique très particulière, qui restera attachée aux années 70.

    Gentiment coquin, le magazine regorgeait de beautés fatales en prises avec des monstres pervers et des sorciers fous. L’érotisme léger, assumé par les auteurs, attira le chaland. Les éditions Warren échappèrent de peu à la faillite et leur mascotte perdura jusque dans les années 80. Néanmoins, le dénudé – souvent gratuit –, ne fais pas tout. Les récits et les graphismes novateurs imposeront le titre dans la culture populaire.

    Vampirella par Jose Gonzalez

    Le choix éditorial effectué par les éditions Delirium présente un panel complet du magazine dans ce qu’il a pu avoir d’audacieux et de décevant. De fait, passé la couverture de Frazetta qui promet l’horreur et le stupre, on ne peut qu’être dégrisé par la première histoire. Le scénario ne fonctionne pas et même le côté « vintage » n’excuse pas la maladresse de cette Vampirella. Le script hésite sans-cesse entre une SF débridée lorgnant du côté de Barbarella[2] et un comique de situation poussif. On a l’impression d’assister à un de ces naufrages spectaculaires dont le monde éditorial du comics possède le secret[3]. Ce début calamiteux permet de jauger l'évolution du titre au fil du temps et d’en apprécier ses multiples sursauts d’audaces.

    En plus des histoires impliquant Vampirella, cette anthologie comprend des nouvelles oscillantes entre l’épouvante, la science-fiction et la fantasy. Un panel exhaustif qui se compose quelques perles aux chutes grinçantes. Que ce soit aux crayons, au lavis ou dans un pur noir et blanc, les auteurs trouvent le moyen le plus juste pour créer une ambiance qui colle au sujet profitant des libéralités de l’éditeur pour tenter des découpages inhabituels. Si les dialogues ou retournements de situations accusent le poids des années, certains morceaux d’anthologie graphiques ne connaissent pas encore de successeurs.

    Certains contes font preuves d’une cruauté surprenante, versant à l'occasion dans le Rape & Revenge[4] à la limite du crapoteux. La nouvelle Wolf-hunt écrite par Joe Wehrle et illustrée avec maestria par Esteban Maroto suit la vengeance d’une jeune louve-garou séquestrée et violée par un abominable chasseur. Un script qui fleure bon le cinéma d’exploitation crade des années 70, mais que la mise en image tout en sobriété de l’espagnol sauve de justesse d’une complaisance malsaine.

    Vampirella par Esteban Maroto
     D’autres auteurs jettent leurs dévolus sur des héroïnes accomplissant des prouesses autrefois réservées aux seuls hommes. Ainsi, Amazonia et l’œil d’Ozirios met en scène une reine guerrière aussi peu vêtue que son frère d’armes Conan dans une fantasy de carton-pâte. Le dessinateur Billy Graham transcende son sujet en insufflant une énergie inouïe à ce scénario classique grâce à un trait vigoureux et un découpage qui fait la part belle aux batailles dantesques.

    Enfin, certains récits usent la figure du tueur en série avec un ton glaçant. She’ll never Learn écrit par Steve Keats et illustré par Ken Bears nous place dans le point de vue de l’assassin. Le tout est rendu dans une narration chaotique qui saute d’une scène à l’autre sans lien apparent, épousant le désordre mental du héros.

    De son côté, Vampirella se dote d’une mythologie bien à elle – on rejoint ici l’influence super-héroïque du titre – grâce à laquelle le feuilleton se densifie agréablement. L’équipe aux commandes du titre change et les dessinateurs issus de l’école espagnole débutent pour le plaisir des mirettes. C’est Jose « Pepe » Gonzalez qui prend manipule les pinceaux, exécutant le grand écart entre un gothique morbide et un érotisme léger grâce à son trait expressif. Les récits du scénariste Archie Goodwin confèrent, touche par touche, personnalité et enjeux dramatiques forts à notre héroïne.

    Encore un peu de Gonzalez...
     James Warren a-t-il senti le vent tourner lorsqu’il a créé la vampire sexy ? En effet, le personnage constitue un melting-pot d’influences disparates dont la gestion s’avère complexe pour les artistes. La genèse farfelue de Vampirella – Drakulon, une planète dont l’eau ressemble au sang et qui finit par être détruite par ses soleils jumeaux – sonne comme un décalque cheap des origines de Superman. Si les auteurs dotent Vampirella de plusieurs points faibles, il n’en reste pas moins qu’on se retrouve face à une sorte de monstre de Frankenstein de la BD qui oscille entre l’épouvante gothique et le super-héros. C’est tout à l’honneur d’Archie Goodwin et Jose Gonzalez d’avoir hissé ce matériau mercantile au-dessus du lot des publications de l’époque. Le titre sera repris après la faillite du magazine, mais sa « résurrection » opérée sous les auspices d’un effet de mode évanescent – le style manga aux couleurs flashy – démontrera tout le potentiel risible du personnage.

    Au final, cette première anthologie demeure très fréquentable si l’on veut bien passer au-dessus de quelques stéréotypes disséminés ça et là. Il est néanmoins regrettable que ce panel de nouvelles mettant en scène des héroïnes n’ait pas accueilli d’artistes aux féminins. Le regard porté sur ces protagonistes reste masculin et nous n’échappons pas à quelques idées préconçues – surtout dans le graphisme et les représentations picturales –, qui réclament la bienveillance des lecteurs et lectrices qui souhaitent se lancer dans l’aventure.

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    [1] — Habitué à fréquenter le barreau en tant qu’expert, Fredric Wertham participa au procès d’un des pires tueurs en série que les États-Unis aient connu en la personne d’Albert Fish, ceci expliquant peut-être l’acharnement de sa croisade anti-comics…

    [2] — Bande dessinée française gentiment égrillarde de Jean-Claude Forest créée en 1962 et adaptée au cinéma par Roger Vadim en 1968.

    [3] — A ce titre, allez jeter un œil sur la liste des super-héros Marvel pour vous faire une idée des tréfonds que sont capables d’atteindre des commerciales en mal de concepts vendeurs. Le plus improbable du genre : Squirel Girl !

    [4] — Rape & Revenge : sous genre cinématographique  dont l’argument scénaristique consiste en une héroïne agressée sexuellement par plusieurs hommes. Laissée pour morte, la victime survit, panse ses plaies et applique la loi du Talion dans une escalade de violence… Le Genre oscille entre une exploitation malsaine (la scène de viol est parfois filmée de manière complaisante) et une certaine charge féministe contre une société encline à pardonner l'innommable. Le ton teigneux, typique des séries B des années 70, des Rape & Revenge a fait couler beaucoup d’encres en prêtant le flanc à la censure par ses outrances. Néanmoins, certains de ces films ont eu le mérite de questionner les soubassements de notre société et notamment le poids que les institutions judiciaires font peser sur les victimes d'agressions… Même si ce discours prend souvent la forme de grands coups de lattes dans la gueule du spectateur…