dimanche 22 juillet 2018

    Dessin du Dimanche : L'Ordre Noir, découpage 02

    Suite de mon arlésienne : le découpage de ma BD en cours depuis plus de dix ans… Je crois que je vais enfin pouvoir achever une longue séquence d’action de plus de 30 pages… Une bonne manière de montrer les compétences d'Ethel Arkady en matière d’exécution de vampires... En attendant un résultat plus définitif, quelques recherches en cours. Bon dimanche à vous !
     


    Planche à refaire. La perte du collier protecteur...

    dimanche 15 juillet 2018

    Bibliothèque des Ombres : Kane : intégrale, vol.3/Karl Edward Wagner

    Ultime tome des aventures de Kane, où nous le retrouvons confrontés à des ennemis appartenant aux répertoires du Gothique (démons, vampire, loup-garou…) ce qui ne fait que confirmer les intentions de départ de K.E.Wagner d’épicer sa fantasy d’une bonne dose d’horreur. Conteur hors pair, l’auteur trouve souvent le moyen de nous embarquer dans des ambiances réussie, ce qui compense largement certaines faiblesses narratives. Cependant, le virage à 180° opéré dans les dernières nouvelles risque de prendre à revers la plupart des habitués aux récits de mécaniques de fantasy. Gare au choc ! Wagner bouleverse la donne en projetant Kane en plein dans les décadentes années 70…

    Éditeur : Gallimard
    Collection : Folio SF : Fantasy
    Traduit par Patrick Marcel
    714 p.

    Dernier recueil des aventures de Kane qui regroupe neuf nouvelles, un poème, le début d’un roman et un article de Wagner exposant les tenants et les aboutissants de sa création… Plus encore ici que dans les précédents volumes, Wagner s’emploiera à montrer les ravages du temps sur son personnage, jusqu’à un final surprenant resté – hélas – inachevé.

    — Le Nid du Corbeau.
    La jeune Klesst possède des yeux bleus hantés par la folie et pour cause : elle est née du viol de sa mère par Kane qui, en piteux état et pourchassé par les autorités de la région, va trouver refuge dans l’auberge de son ancienne victime… Une nouvelle qui revient sur l’ambivalence de Kane et les conséquences de ces actes. Wagner introduit une nouvelle variable dans son mythe avec la présence de Sathonis – Satan – auquel a été promise Klesst dans un souhait de vengeance. S’ensuivra une véritable quête pour Kane pour parvenir à sauver Klesst qui l’amènera à questionner son libre arbitre lors d’une joute verbale avec le seigneur-démon. Joli morceau atmosphérique en huis clos, peuplé de personnages tordus, nimbé d’un ton gothique, une orientation qui se confirmera durant tout ce troisième volume, Wagner abandonnant une fantasy plus classique pour verser avec encore plus d’assurance dans l'épouvante, évoquant au passage autant Edgar Allan Poe que les productions cinématographiques de la Hammer.

    — Réflexion pour l’hiver de mon âme.
    Cherchant à exterminer les derniers survivants de la secte de « La Croisade des Ténèbres », Kane est surpris par une tempête de neige. Obligé de se réfugier dans un château isolé, il devra s’accommoder d’un seigneur terrifié et d’un loup-garou en furie… Confirmant l’orientation horrifique de la saga, Wagner confronte cette fois son héros à un mythe de la littérature fantastique. La dénomination de « Gothique sous acide » convient à merveille à cette histoire qui dégage une brume d’angoisse et de folie exacerbée. Si l’identité du lycanthrope ne fait guère de doute pour le lecteur, l’énigme n’étant pas le point fort de Wagner, les tours et détours du récit s’avèrent souvent prenants et font de ce texte un des meilleurs de son auteur qui, à travers ses mélanges expérimentaux d’alchimistes, se détachent peu à peu de l’ombre de ses ainés.

    — La Froide Lumière.
    Gaéthaa, surnommé « le Croisé », est renommé pour détruire dans son sillage les « forces du mal » au nom de Dieu. Engageant la crème des mercenaires dans sa guerre sainte inextinguible, il prévoit d’éliminer Kane qui s’est retiré du monde dans une ville fantôme. Usant des méthodes les plus litigieuses pour parvenir à ses fins, Gaathéa attisera les braises du trouble dans l’esprit de son fidèle second, Alidore. Sans doute le chef-d’œuvre de ce volume ! Wagner nous fait partager les moments dépressifs de Kane, son vertige temporel qui ne cesse de le poursuivre, pour le confronter à une bande qui – sous couvert de morale – n’a rien à lui envier dans la rouerie et la brutalité. Il règne une imagerie de western dans ce texte, que ce soit dans l’emploi d'une ville en ruine, servant de toile de fond aux affrontements, ou dans le schéma de la lutte d'un héros isolé et mal en point face à une cohorte de mercenaires n’hésitant pas à molester et à violer les locaux pour parvenir à leurs fins. Alors qu’elle avait disparu, la thématique du fanatisme religieux remonte sur le devant de la scène avec une virulence renouvelée, les propos de Gaéthaa étant d'une rare violence tandis que Kane endosse malgré lui les oripeaux ambivalents d'un protecteur de la justice avec un certain panache.

    — Mirage.
    Dernière nouvelle à nous présenter un Kane dépressif, ce récit le confronte à une vampire qui ressuscite par nécromancie un royaume oublié pour l'attirer le maudit dans ses raies. Kane choisit de mettre à l’épreuve son invulnérabilité dans le creuset du vampirisme. Un texte qui vaut le détour ne serait-ce que par son travail sur les ambiances et un affrontement attendu. Insistant une fois de plus sur le fardeau de l’immortalité, Wagner s’emploie à décrire le spleen morbide de son héros lors d’une étincelante tentative de suicide dans un univers d’ombres.

    — L’autre.
    Kane parvient presque à se hisser sur le trône, sauf qu’il a omis un léger détail dans les religions locales… Un court récit qui croise les deux plus puissantes thématiques de Wagner d’une manière virtuose s'achevant sur un sacrifice absurde entraînant une réaction monstrueuse de Kane quelques siècles plus tard. Une des rares nouvelles qui repose sur une chute abrupte d'une logique imparable. Une pièce qui prouve qu’on peut tisser une fantasy passionnante en un minimum de mots tout en décochant un uppercut dans la face du lecteur. Brillant !

    — La Touche Gothique, Lacunes, Dans les tréfonds de l’entrepôt ACME, Tout d’abord juste un spectre.
    Les derniers textes du recueil amorcent un virage à cent-quatre-vingts degrés dans l’épopée de Kane. Après avoir subi sa malédiction, il prépare un plan d’action pour occire le Dieu qui l’a damné. En chemin, il croise les pas de l’albinos de Michaël Moorcock dans un court récit décousu et anecdotique dans sa conclusion, puis il débarque dans notre 20e siècle dans lequel il joue le rôle d’un bon petit diable, expérimentant sur ses contemporains des super-drogues aux effets aussi incongrus qu'atroce ou des sex-toys très particuliers... quand il ne se bat pas en duel avec sa fille Klesst contre Sathonis pour la possession de l’âme d’un écrivain… Effectuant un virage stylistique, Wagner se rit des attentes du lecteur pour diriger la saga de Kane vers son apothéose – qui ne sera jamais rédigée – dans un débordement de langage cru, de séquences érotiques et d’éthylisme forcené. L’ensemble des quatre nouvelles devait aboutir à un final exposant le plan complexe de Kane pour en finir avec Dieu. L’inachèvement de cette épopée nous laisse avec une kyrielle de points d’interrogation. Reste que ces textes dans lesquels Kane endosse un costume de biker décontracté demeurent jouissifs. En abandonnant le passé nébuleux de Kane pour notre monde, Wagner questionne la notion de « fantasy » pour l’installer dans notre époque contemporaine.

    Outre la première version de « Lynortis », le cycle se conclut par un fragment de roman : « Dans le Sillage de la Nuit » dont le prologue revenait vers une aventure plus caractéristique de Kane, celui-ci devant se confronter a un vaisseau extraterrestre crashé sur une plage. L’article « Kane passé et à venir » permet à l’auteur de disserter sur les rouages ayant abouti à la création de son personnage et aux grandes thématiques qu’il explore. Un texte passionnant pour tous ceux qui s'intéressent à l’écriture et à ses processus.

    Immense fresque de Fantasy, Kane s’impose dans la fantasy en nimbant sa prose d’une pincée d’horreur mais surtout – par-delà ses fulgurances sanglantes – dans l’exploitation d’un vertige temporel omniprésent. Si le « Dieu fou » qui a maudit Kane existe bien pour celui-ci, Wagner ne le définit jamais et les religions ne paraissent être pour lui que des illusions, quand il ne s’agit pas d’instruments employés pour contrôler les hommes afin de mieux les sacrifier sur l’autel d’intérêts cupides. En refusant tout manichéisme et toutes obédiences, Wagner nous met en face d’un personnage atypique au sein de ce genre codifié, un héros irrévérencieux qui se mue en une allégorie de la liberté dans ce qu’elle possède de plus ambigu.