dimanche 22 juillet 2012

    Cinoche P comme Pourri : Bat-catastrophe !!

    La récente tuerie autour du blockbuster de Christopher Nolan ouvre à nouveau les vannes d’un marronnier agaçant des JT en mal de sensations : la mauvaise influence d’un certain cinéma sur les esprits. Les faits sont plus complexes que ce type de raccourcis absurdes…



    Ça faisait longtemps que les médias n’avaient pas remis le couvert, à un tel point que cela m’étonnait un peu ! Revenons en arrière un petit moment, à l’époque des années 90 où ma cinéphilie se nourrissait de films d’horreur des années 70 à 80 tandis que le climat devenait pesant pour les amateurs de genre. Groupe de pressions catholiques, parents d’élèves relayés par la presse s’acharnaient sur ces pellicules censées distiller au sein des cerveaux des envies de meurtres. On citait à l’appui des cas de tueurs en série ou d'assassinats sordides soi-disant inspirés par des films d’horreur. Des pédopsychiatres envahissaient les plateaux de talk-show pour nous effrayer en analysant des scènes de Derrick ! Ont été traînés dans l’opprobre les films d’animation, les jeux vidéo et assimilés. 

    Le cinéma d’horreur est devenu célèbre autant pour ses excès que pour sa stylisation esthétique. Mais cela ne va nullement pousser aux crimes. On ne fait pas un carton après avoir en avoir regardé. Ce type d’allégations démontrent un certains manquent de finesses et de professionnalisme en même qu’une méconnaissance du sujet. Mais il tout ce qui appartient à une certaine forme de culture parallèle devient nécessairement suspect .[1]
    Image de David Michael Chandler.

    Au-delà du massacre gratuit d’une dizaine de personnes, j’oserais faire remarquer que nous ne vivons pas dans une société baignant béatement au pays des bisounours. Entre les effets pervers de la crise financière, le concassage de neurones menés depuis plus d’une décennie par les médias mainstream et l’encouragement appuyé aux communautarismes, le quotidien devient parfois étouffant. Un esprit peut basculer. Pour se donner une bonne conscience, il est nécessaire de trouver des boucs émissaires excusant un tel comportement. 

    À la lecture de certains articles, on apprend que le tueur est un solitaire qui a entassé depuis longtemps un magnifique arsenal. La tempête couvait dans sa tête bien avant la sortie du film. En remettant les choses dans leurs contextes, la libre possession d’armes à feu a sûrement un léger rôle à jouer dans le fait que les USA affichent un taux de mortalité par balle relativement élevé [2]. Ajoutons à cela une guerre sociale exacerbée [3] au nom d’un capitalisme effréné ne profitant qu’au plus riche. On a alors un bon terreau pour des explosions de crimes. 

    Pourquoi faire péter les valves de la haine durant l’avant-première de The Dark Knight Rises ? Simple ! Le film très attendu garantit un impact traumatique sur les consciences. Comme on le voit, il ne faut pas chercher bien loin pour trouver des explications plausibles sûrement plus convaincantes que « C’est la faute au film ! » [4]. Est-ce que ces messieurs dames les journalistes s'ennuyaient tellement qu'ils ont sauté sur l'occasion pour faire des liens foireux entre tout et n'importe quoi ?

    Donner une explication crédible à un événement comme celui-ci nécessite autre chose que des théories éculées. Un véritable travail de fond reste toujours à faire pour disséquer les nombreux paradoxes de nos sociétés. J’ai cependant la certitude que le cinéma n’est pas responsable de nos actions dans le quotidien. Jusqu’à preuve du contraire, les films français n’ont jamais provoqué de crise d’hystérie et pourtant ceux-ci sont de plus en plus exécrables au fil des décennies. La série des Saw malgré sa connerie abyssale et son inspiration délétère à base de voyeurisme n’a pas engendré de tueur aux pièges !! [5]

    J’ai moi-même consommé une certaine quantité de films d’horreur dans ma jeunesse, du plus bénin au plus violent. La fréquentation des réalisateurs d'horreurs m'a amené à découvrir d'autres artistes de toutes disciplines. Cela m'a ouvert les yeux sur le langage propre au cinéma, à ce qu'était la mise en scène et l'importance du montage pour accentuer l'impact d'une image et du hors champ, toutes ces choses dont j’ai pris conscience de manière presque naturelle et instinctive. Par contre, les litres de faux sangs ne m’ont jamais donné envie de passer à l’acte.

    Bien plus malsaines me paraissent les téléréalités qui ont fait leurs trous sur les ondes hertziennes ces dernières années, des programmes déshumanisant à l’extrême ceux qui y participent. Si on devait trouver des responsables à des actes meurtriers, je parierais plus pour ces coupables là. 

    La dramaturgie [6] nous présente des modèles à suivre et les contes de fées en particulier relèvent du parcours initiatique. Les meilleurs héritiers de cette structure indémodables restent les films d’horreur ! [7] Les productions de téléréalités dont le studio Endemol est le pionnier [8], se vautrent dans un esprit putassier avec une  la jouissance d’un cochon dans son auge. Véritables chancres culturels, ces programmes dévoient tous le spectre des émotions humaines pour les pervertir au dernier degré. Ainsi, le sentiment amoureux y devient un sentiment de possession et d’humiliation, pas très loin de celui qu’éprouve le tueur en série vis-à-vis de sa victime. L’être humain adulte est infantilisé, obligé de se soumettre à une autorité extérieure toute puissante, le dieu Audimat.

    On assiste médusé à l'apologie d'un égocentrisme merdeux qui évacue aux oubliettes toute humanité et dont l'influence se fait plus vivement sentir dans la recherche compulsive de certains esprits faibles de la popularité, du buzz, non pas comme la récompense d’un dur labeur, mais juste pour devenir célèbre. Ces programmes possèdent certainement un pouvoir de fascination bien plus nocif que le plus taré des films gores.


    Vous voulez d’autres coupables ? Pourquoi passer des publicités agressives dans des séances de cinéma pour enfants ? Pourquoi, dans un monde ou la communication visuelle est devenue endémique s’entêter à ne pas créer des cours d'analyse visuelle dans les écoles. De tels enseignements fourniraient aux consommateurs des moyens de prendre du recul face à l’esprit retord des publicitaires.

    Si on veut trouver des raisons, relier entre eux des éléments qui n’ont rien à voir alors autant choisir la voie la plus logique. Quand on constate qu’actuellement certains citoyens, le cerveau lavé par la culture de consommation de masse et la religion en viennent à s’emporter à la moindre vexation et à souhaiter faire la peau de n’importe qui, il ne faut pas s’étonner que d’autres pètent les plombs et fassent un carton dans un cinoche.

    En ce qui me concerne, j’irais voir The Dark Knight Rises, qui trouvera peut-être sa place dans cette section de mon blog. Ou alors peut-être irais-je après écumer les salles UGC de Belgique et de Navarre, la bave aux lèvres, la rage au ventre et un masque sur la gueule pour créer une mini-apocalypse….

    EDIT : Il semblerait que TF1 (aussi nommée "La Boîte à Cons") ait retiré son articles sous la pression des commentaires envoyés par les internautes tandis que notre guignol meurtrier prétende être le Joker du second volet de la trilogie Batman de Nolan.... 

                                                                             

    [1] - Flirtant souvent avec le commerce le plus éhonté mais ceci est un autre sujet.

    [2] - Le tueur portait sur lui, outre des grenades lacrymogènes, ce qui explique le masque, un fusil d’assaut quand même…

    [3] - Pas de protection sociale, de sécu ou de chômage aux USA !! Une fois que tu es viré c'est la ligne droite vers la clochardisation.

    [4] - À ce propos il est important de noter que la violence fictionnelle existe depuis l’aube des temps, dans les poèmes épiques, la bible et les contes de fées originaux sans pour autant être un problème majeur ! Un sujet qui a opposé Platon qui reprochait au théâtre de pervertir les citoyens et Aristote qui se reposait sur le concept de la catharsis

    [5] Mon préféré est Saw 6, essayez de le prononcer rapidement pour voir… Il y aurait encore de nombreuses choses à dire sur cette branche de l'horreur qu'est le Torture Porn auquel appartient la série des Saw mais cela fera l'objet d'un autre article, en son temps...

    [6] Vocable qui réunit les différents médiums relevant de la narration…

    [7] Quelques des œuvres les plus significatives du genre sont d’ailleurs bourrées de références à ces vénérables ancêtres, comme Suspiria ou la Compagnie des Loups.

    [8] Pour ne citer que ce génial producteur flamand....

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