Tel un gilet jaune antisémite, adorateur du Suprême Leader, Poutinien & d’extrême droite, je souhaite respecter les traditions et vous proposer une histoire écrite dans le cadre d’un concours sur le thème de la Liberté. Celle-ci possède la noirceur et l'ironie d’une tasse de café soluble premier prix, et vous arrachera les tripes à vous faire chier du sang dès la première ligne. Elle n’a pas été du goût du jury, aussi plutôt que de la laisser dormir dans un coin du disque dur, je la mets à votre aimable disposition. Joyeux Sol Invictus.
Photograhie : Pixabay |
#AnneNielsen.
Je trouve que les serviteur respecte pa assez quand je vien chet vou et je pense que c’e bien de dire me que #JulienSorel me respecte pa.
#LaCommune.
Nous avons enregistré votre plainte N°250-B223-Z422. Soyez assurée que vous aurez de nos nouvelles dans quelques jours.
Les événements se multipliaient à la vitesse de l’éclair en notre époque de communication électronique. Un simple tweet suffisait pour détruire les vies des concitoyens aussi sûrement qu’une balle. Le sous-directeur de la section KBX-20232 de la Commune se tenait droit comme un I derrière son bureau en polystyrène expansé. Son costume de vinyle noir le recouvrait d’une armure d’assurance tandis que sa tête distendue jaillissait de la fine ouverture laissée par une cravate anthracite trop serrée. Il amena à sa bouche ses petits doigts boudinés, essuyant un mince filet de bave. Le soleil qui entrait par la fenêtre illuminait ses oreilles décollées, traçant la carte du réseau de ses vaisseaux sanguins.
Je trouve que les serviteur respecte pa assez quand je vien chet vou et je pense que c’e bien de dire me que #JulienSorel me respecte pa.
#LaCommune.
Nous avons enregistré votre plainte N°250-B223-Z422. Soyez assurée que vous aurez de nos nouvelles dans quelques jours.
Les événements se multipliaient à la vitesse de l’éclair en notre époque de communication électronique. Un simple tweet suffisait pour détruire les vies des concitoyens aussi sûrement qu’une balle. Le sous-directeur de la section KBX-20232 de la Commune se tenait droit comme un I derrière son bureau en polystyrène expansé. Son costume de vinyle noir le recouvrait d’une armure d’assurance tandis que sa tête distendue jaillissait de la fine ouverture laissée par une cravate anthracite trop serrée. Il amena à sa bouche ses petits doigts boudinés, essuyant un mince filet de bave. Le soleil qui entrait par la fenêtre illuminait ses oreilles décollées, traçant la carte du réseau de ses vaisseaux sanguins.
— Nous avons reçu un tweet de mécontentement, Monsieur Julien Sorel… Vous savez forcément ce que cela signifie…
— Attendez… Julien Sorel se décomposa sur sa chaise.
— Mais je n’attends rien, Monsieur Sorel continua le sous-directeur. Rien du tout. Nous sommes orientés vers l’ACTION. Vers l’efficience ! Chaque minute qui passe fait baisser notre moyenne de performance, et vous le savez !
— Mais je…
— Silence ! Nous vous avons donné votre chance, à VOUS ! Une simple statistique dans la courbe sans cesse grandissante du chômage. Une CHANCE de PROUVER à la société ce que vous VALEZ !
— Mais enfin c’est ridi…
— Ne me coupez pas la parole ! Un bon employé doit savoir écouter… Écouter ! Vous comprenez ! Nos concitoyens ont d’abord besoin d’une écoute, d’un sourire. Nous offrons plus que des services ! Ceux qui viennent chez nous doivent repartir satisfaits ! TOUS ! Notre image de marque est en jeu et nous ne pouvons pas nous permettre une seule erreur !
— Mais je vous ass…
— Nous avons eu un mauvais Sweet ! Vous comprenez ce que cela signifie ?
— Attendez… Julien Sorel se décomposa sur sa chaise.
— Mais je n’attends rien, Monsieur Sorel continua le sous-directeur. Rien du tout. Nous sommes orientés vers l’ACTION. Vers l’efficience ! Chaque minute qui passe fait baisser notre moyenne de performance, et vous le savez !
— Mais je…
— Silence ! Nous vous avons donné votre chance, à VOUS ! Une simple statistique dans la courbe sans cesse grandissante du chômage. Une CHANCE de PROUVER à la société ce que vous VALEZ !
— Mais enfin c’est ridi…
— Ne me coupez pas la parole ! Un bon employé doit savoir écouter… Écouter ! Vous comprenez ! Nos concitoyens ont d’abord besoin d’une écoute, d’un sourire. Nous offrons plus que des services ! Ceux qui viennent chez nous doivent repartir satisfaits ! TOUS ! Notre image de marque est en jeu et nous ne pouvons pas nous permettre une seule erreur !
— Mais je vous ass…
— Nous avons eu un mauvais Sweet ! Vous comprenez ce que cela signifie ?
D’un geste le sous-chef sorti de sa pile de dossiers impeccablement rangé une mince feuille blanche qu’il posa sous les yeux de son employé. Sous le sigle en forme de colibri, la phrase s’étalait, assemblage de déjections alphabétiques. Julien Sorel sentit une nouvelle fois la crise de rage l’assaillir. Il ramassa sa main droite en un poing compact, enfonçant ses ongles mal coupés dans sa chair. Une perle de sang jaillit de la coupure.
— Cela a été partagé vingt-huit fois en l'espace de deux heures ! VINGT-HUIT FOIS !
Le sous-chef appuya sur la dernière affirmation, dégustant ses lettres comme un vin capiteux. La comptabilité des mauvaises performances de ses sujets le plongeait dans une joie extatique. Ses petits yeux porcins se rétrécirent jusqu’à n’être plus qu’une mince ligne dans son visage lunaire. Les muscles zygomatiques dessinèrent une expression animale abjecte.
— J’ai fait des recherches sur vous mon petit Sorel… Vous n’êtes pas assez SOCIABLE !
— Mais je ne vois pas ce que ça…
— Je comprends votre petit jeu ! Je vous connais, mon petit Sorel. Des individus comme vous j’en bouffe quinze à la douzaine dans la semaine. Vous avez bien un compte Fesses de Bouc, mais vous ne partagez rien avec vos proches. Dans une semaine, le nombre de Farts de votre page ne se monte qu’à quatre. QUATRE !! Et je peux même voir que le 01/03/2025 vous avez essayé de partager… Comment qualifier ça ? Des croûtes de votre cru, c’est ça ?
— Mais je… Ce que je fais chez moi est…
— C’est du temps que vous grappillez sur votre TRAVAIL, sur votre efficacité. Vous revenez le lendemain, fatiguez, énervé et voilà ! Une plainte partagée…
— Ce que je fais chez moi…
— Nous regarde ! Je suis un Responsable moi ! Il me faut des chiffres positifs dans le RAPPORT à la fin du mois, vous comprenez ? Je n’ai que faire « d’artistes du dimanche ». Vous n’avez aucune chance, AUCUNE, de devenir un jour un artiste officiel… Il faut du talent pour ça ! Votre croûte ne vous a valu que deux Farts. DEUX…
Julien Sorel, blême, s’agitait sur sa chaise en grinçant des dents sous l’humiliation. Des ressorts s’ébrouaient sous ses jambes, le tançant de s’opposer au sous-chef, de lui coller un pain qui aplatirait en une pulpe sanglante le tubercule couperosé qui lui servait de nez. Pourtant, les longues heures de dressage scolaire, puis la terreur du chômage avaient fonctionné au-delà de toute espérance. Une force spectrale le condamnait à subir l’humiliation forcée, le scrotum solidement vissé à son inconfortable chaise, impuissant face à son tourmenteur.
Comme tous ceux de ma génération élevée par le net pensa-t-il, je ne vaux guère mieux qu’un toxicomane qui a besoin de son injection de popularité numérique ! Je suis prêt à toutes les bassesses pour qu’on me lèche au moins une fois dans ma vie mon fondement merdeux. Cela justifie les crédits qui n’en finissent pas, les sacrifices quotidiens, la soumission la plus larvaire.
L’épilogue, grotesque, se profilait. Pouvait-il saisir l’occasion de s’enfuir de cette prison sans mur ? Comment s’évadait-on lorsque l’on était l'otage de quelque chose d’intangible comme le Néo-Capitalisme ? La pensée de l’arme qu’il portait en permanence sur lui transperça son lobe occipital, comme une évidence limpide, la démonstration hyaline d’une équation dont il traquait depuis des années l’évanescente solution.
— Aussi, mon cher Julien Sorel, je vous annonce que nous nous passerons de vos services. Vous recevrez votre certificat DZ-222 par courriel dans la semaine qui vient. Il ne vous restera plus qu’à pointer au chômage… Mais suis-je bête ! Vous ne pouvez plus, vous avez déjà épuisé tout votre crédit chômage… Et bien, bon vent alors et vogue la galère !
Le couperet venait de s’abattre sur sa tête l’envoyant promener dans un panier immatériel. Avec clarté ses neurones galvanisés par l'adrénaline lui dictaient ses prochaines actions. Il connaissait les dernières lois votées et ce que, en ces temps de crise économique terminale, la perte des points de chômage entraînait. Les Web-Canaux diffusaient avec régularité les reportages sur ces clochards que l’on euthanasiait sous la pression de la vindicte populaire.
Les mêmes esclaves qui scandaient des slogans publicitaires en guise de revendications politiques, ignorant que leurs emplois étaient morts et enterrés depuis longtemps. Ils courraient comme des lemmings après une époque révolue, incapable de changer de paradigme. En cette seconde historique, Julien Sorel n’appartenait plus à ce troupeau d’aveugles. A présent, la trouille qu’exerçait la camarde relâchait son emprise sur son esprit et son corps.
— Et bien alors ? Vous ne m’avez pas entendu, je vous ai dit que cet entretien était terminé.
Toutes les années d’éducation de Julien Sorel s’effondraient, comme un barrage rongé par une crue régulière. Les eaux déchaînées envoyèrent valser les réflexes pavloviens et les années de coaching intensif. Toute son existence lui revint comme un boulet amer dans la bouche. Ses liens métaphoriques défilaient comme autant de coups de poing alimentant le feu sacré de sa fureur divine. Les humiliations à répétitions de ses professeurs, les lacis de ses condisciples, les rejets amoureux s’ajoutèrent les uns aux autres pour justifier le geste qu’il préméditait depuis longtemps dans ses rêves d’enfant contrit.
Ses pieuses aspirations d’art furent les premières à être réduites en miettes, il ne correspondait pas au profil d'un artiste agrégé. Depuis il se contentait de suivre de loin l’évolution de ses camarades de promotion, certains se gaussant de lui. Les injonctions de santé, de bonheur et de succès qui s’étalaient sur les grandes surfaces des affiches publicitaires concassèrent ses notions de morales. N’avoir ni l’un, ni l’autre, revenait à devenir un paria, à glisser sur la dangereuse pente du chômage et de l’opprobre public.
Il s’était astreint pendant des années à se composer un masque de sourire pour faire face aux railleries qui le cernaient de toutes parts. Enfermé dans les rues de la Ville, se cognant contre les murs de béton et de verre d’une existence morne, il consentit à se compromettre, préférant un moindre mal à une inféodation totale et unilatérale. C’était un combat sans trêve entre lui et ceux qui acceptaient sans broncher cette réalité amorphe.
Mais le sentiment de liberté qui gonflait dans son cœur, alors même que le sous-chef venait de proclamer sa mise à mort prochaine l’exaltait. Dans son porte-document, la baïonnette allemande, prise de guerre d’un aïeul de la famille mort depuis des éons dans le chaos boueux de Verdun, vibrait d'une nouvelle vie. Soudain, elle symbolisait sa lutte contre son asservissement volontaire. Une façon de se rappeler que si sa génération s’accordait au patronyme de « génération Fesses-de-Boucs », autrefois des générations héroïques avaient foulé la Terre et changé la face de l’humanité.
Ses contemporains devaient s'emparer des armes, montrer à ces cinquantenaires aigris et corrompus qu’une réalité plus violente, plus viscérale existait toujours dans l'âme humaine. Les traits du sous-chef se décomposèrent en une grimace grotesque lorsqu’il se leva, le torse bombé, la lame rouillée, mais encore mortelle, à la main.
Le sous-chef recula derrière le maigre paravent de son bureau tandis que son monde s’écroulait. Des flatulences nauséabondes explosèrent. Julien Sorel exécuta un arc de cercle parfait de son bras droit, zébrant l’air. L'acier corrodé ouvrit une large échancrure vermeille dans la gorge puis le sang jaillit en un flot mordoré, aspergeant Julien de sa chaude douceur.
Julien Sorel savait que le Service de Prévention aux Citoyens ne tarderait pas à débarquer pour l'occire séance tenante. Peut-être parviendrait-il à en embrocher un ou deux avant d'être réduit en pulpe par les « Pacificateurs Urbains ». En attendant, il savourait son geste fatal, observant la destruction définitive de l’homme qui symbolisait les compromis et la corruption.
—————————————————————————————
Parce que la musique adoucit les mœurs (paraît-il...).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire