Gros plan sur la bande dessinée argentine qui mérite d'être bien plus connues sous nos latitudes.
Perramus : la ville & l'oubli /Juan Sasturain & Alberto Breccia :
Éditions Futuropolis
Ayant obtenu l’oubli auprès d’une sorcière après une délation, un homme sans nom – qui deviendra le fameux « Perramus » – est embarqué dans une série de voyage aux frontières de la réalité en compagnie de l’écrivain Jean-Louis Borgés et d’acolytes excentriques. Leurs buts : sauver la Vérité qui se meurt sous les bottes de la dictature des Généraux.
En 1976, l’Argentine bascule sous le régime dictatorial des Généraux. L’absurde et l’arbitraire régissent la vie du dessinateur Alberto Breccia. De cette époque il tire, en compagnie du scénariste Juan Sasturain, cette épopée grotesque, aux confins du réalisme fantastique cher à Gabriel García Márquez. Usant sans retenu d’un trait torturé, de lavis blafards, associés à de nombreux collages et autres expérimentations visuelles inédites, Breccia nimbe d’une angoisse omniprésente le moindre geste de ses personnages.
Car, outre les visages grimaçants que Breccia impose à toutes les figures de l’autorité, les métamorphosant en gargouilles immondes, l’histoire n’est pas en reste en termes de surréalisme absurde, grotesque et effrayant. Un nabab de l’exploitation de guano, une île prisonnière d’une guerre perpétuelle contre un ennemi dérisoire, un réalisateur de bande-annonce pour des films de propagande qui ne seront jamais tournés… ne sont que quelques exemples des aberrations croisées par nos héros.
Chef-d’œuvre de la Bande-Dessinée mondiale, Perramus est surtout un avertissement minutieux sur les symptômes de la dictature que sont l’absurde et l’arbitraire. Une lecture importante !
La Grande Arnaque : Intégrale / Carlos Trillo & Domingo Mandrafina
Édition Ilatina
Dans un pays imaginaire d’Amérique du sud, un général corrompu transforme sa nièce en une idole destinée à édifier sa population. Agressée par son oncle, objet des désirs libidineux d’un ex-officier SS, l’idole décide d’échapper à l’emprise de ces hommes malfaisants. Elle se réfugie auprès d’un privé miteux pour établir un plan afin disparaître. Mais le duo croisera sur sa route le tueur le plus redouté de la junte : l’Iguane…
Les nouvelles éditions iLatina déterrent le patrimoine, assez peu connu dans nos contrées, de la BD sud-américaine et pour cette première salve livrent des incunables du genre. Tout comme Alberto Breccia, avec qui il a déjà travaillé, le scénariste Carlos Trillo a vécu la sinistre dictature des généraux. Il se sert ici du polar hard-boiled pour explorer les ressorts de la propagande à travers ses personnages, dont le fameux Iguane.
Le noir et blanc sobre et les trognes expressives de Mandrafina font des merveilles pour matérialiser cette histoire sur la manipulation des symboles par un pouvoir oppresseur dont la justesse reste, hélas, d’actualité.
Éditions Ilatina
Cartographe née dans les cimes de l’Amazonie, Alva Mayor entraîne avec lui les aventuriers à la conquête des prétendues cités d’or qui les attendraient dans les profondeurs de la forêt.
En plusieurs contes cruels, le scénariste Carlos Trillo déroule une intrigue historique dans une ambiance moite, matérialisée par le noir et blanc suffocant d’Enrique Breccia. Entre réalité et mysticisme, Alvar Mayor entraîne à sa suite des Européens rendus fous par la quête de richesse, tombant souvent dans les hallucinations engendrées par la fièvre de l’or, partageant en cela le destin d’un certain Aguirre.
Jetant un regard désabusé sur le monde qui l’entoure, le personnage principal navigue entre ses deux cultures, ce qui lui permet de faire le lien entre les différents protagonistes qu’il aura l’occasion d’emmener dans son sillage. À la veulerie ordinaire répondent les mythes ancestraux qui acquièrent une réalité presque palpable et dangereuse dans l’environnement sylvestre.
Bien que chaque histoire possède sa propre fin, toutes partagent comme thématique commune une plongée dans les méandres de l’inconscient humain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire