vendredi 7 octobre 2011

    Cinoche B (comme Bon....) : Clochard Violents.

    Cinoche "B" comme Bon parce qu'il n'y a pas que les blockbusters et le cinéma intello à la Godard, parce que l'absence de moyen a souvent été un carburant pour des idées cinglées, des revendications sociales, des recherches esthétiques foudroyantes. Parce que le système de distribution actuelle tue peu à peu ce type de cinoche populaire qui a eu son heure de gloire dans des années 60-90. Découverte ou re-découverte de pellicules carnassières.... 
     
     
    Hobo With a Shotgun de Jason Eisener.
     

    Certes c'eût été dommage de commencer cette rentrée scolaire et politique, annonçant une rigueur féroce sur son visage blafard sans parler de films de clochards, un genre social pour le moins délaissé en friche par les studios hollywoodiens et les films d'Auteurs Parisiens Français. L'occasion de parler de cinoche bourrin, régressif, barbare nous renvoyant un reflet déformé des conséquences de notre soif de capitalisme.

    Je ne vous propose pas une France fantasme comme dans Plus belle la Vie ici, mais une Amérique de cauchemar...

    Cauchemar qui deviendra bientôt le notre....

    Hobo with a Shotgun est une petite perle Bis, issue d'un concours organisé à l'occasion de la sortie de Grindhouse de Quentin Tarantino et Robert "J'en Branle plus Une" Rodriguez largement supérieure aux films sympathiques quoique bancales des deux duettistes....

    Pourquoi ?

    Car il y a un vrais travail sur le genre dont il garde la ligne scénaristique linéaire tout en s'en servant pour montrer une image peu ragoûtante des États-Unis, sur fond de ruelles pourraves et de paupérisation galopante.

    Car s'il bien un sujet qui fâche, c'est celui-là. Malgré ses errances au-delà du bon goût et de la vraisemblance, Hobo... n'hésite pas à filmer une réalité gommée de tous les films mainstreams d'Amérique et de France - cachez ce gueux que je ne saurais voir !

    "Hope-Town" ou "Scum-Town" comme l'on rebaptisé avec justesse ses habitants, n'a rien à envier à nos cités... Même crasse, même vide culturel, même culture du gangster à la petite semaine (ici poussé au plus haut degré du n'importe quoi hystérique pour notre grand bonheur...) On peut même y voir deux satires télévisuelles en la présence d'un réalisateur sadique explosant des clodos à coup de barre de fer (ce qui rappelle cette aberration qu'est l'émission Jackass) et d'un baron de la pègre se prenant pour un présentateur de jeux télévisées.....

    Cerise sur le gâteau Rugter Hauer apporte son charisme et donne une vrais densité au personnage du clochard tandis que la photo de Karim Hussain[1] amplifie les couleurs au maximum, conférant une vrai atmosphère onirique à cet exercice de style. La réalisation nerveuse de Eisener use de travellings complexes et de cuts violents dans le mouvement pour démultiplier la violence des impacts. Le montage frôle les limites de l'épilepsie mais demeure d'une redoutable efficacité immersive.....

    Et si certains effets spéciaux pèchent par manquent de budget, cela n'en colle que plus à l'atmosphère de la chose. Même s'il s'agit ici d'un "simple" film de divertissement, avec suffisamment d'idées tarées derrière la caboche pour ne pas perdre de vue l'aspect fictionnelle, le personnage SDF confère à cette œuvre une dimension politique que n'a pas nécessairement voulut son auteur.

    S'insérant dans le genre de "Vigilante"[2] Hobo... en est un des spécimen les plus jusqu'au boutiste tant son réalisateur pousse le curseur de la caricature et de la satire au maximum.

    Tout comme la condition ouvrière a disparu des écrans en moins de deux décennies, à part quelques rares exceptions, il est frustrant de voir que la culture populaire ne se préoccupe pas de ceux que le système à laisser sur le carreau. Nous préférons rêver de strass, de paillettes et d'appartement New-Yorkais quand bien même les signes ostensibles de richesses ne vont pas sans une pauvreté encore plus grande. Et même si le réalisateurs prend bien garde de filmer son sujet sous couvert d'une provoc' un peu potache, il en reste pas moins que ces choix de sujet le distingue du tout-venant politiquement correct.

    Au final, ce Hobo... en dépit de toutes sa stylisations touchent parfois plus juste, pince plus habilement le nerf enflammé qu'une décennie de films français à hautes concentrations de pathos.

    Stuck de Stuart Gordon.   


    Note: ne pas se fier à la bande-annonce qui fait miroiter une comédie, ce film, bien que porté sur un humour noir féroce est loin d'être vraiment rigolo....


    Depuis trois films, le réalisateur Stuart Gordon a viré sa cuti, passant de l'horreur Lovecraftienne au film noir et désespéré, plongeant ses racines dans les méandres les plus noirs de l'esprit humain. Stuck, son dernier opus en date propose de suivre le processus de clochardisation d'un individu lambda dans l'Amérique des années 2000. 

    La première partie est une mise en situation sociale exemplaire, à base de fonctionnaires obtus et de propriétaire rapiat jusqu'à la moelle. Bienvenu dans une fiction "réaliste" qui te met des coups de lattes dans la gueule à chaque cuts. Les personnages sont tous plus veules les uns que les autres, assujettis à la course au prestige symptomatique de la génération net 2.0. Le couperet va tomber sur cette mascarade et tous seront être entraînés dans une danse de mort. 

    Le titre souligne la thématique du film. Chaque personnage est englué dans les chaînes de l’interdépendance sociétale mais pas forcément pour les mêmes raisons. Si les voisins immigrés clandestins qui font la sourde oreille par crainte de la police ont une "bonne raison" de ne pas s'en mêler, les action de l'infirmière gériatrique confinent à la folie obsessionnelle.

    Possédée par la dérisoire promotion professionnelle qu'on lui fait miroiter, elle manipule son amant - un dealer veule et cupide - pour assassiner notre pauvre clochard. Ici toutes les injections de la société (une voiture, un travail, ma TV écran plat coin carré...) se retrouvent brandit comme justificatif d'un meurtre abject. Affichant une mentalité de psychopathe, l'héroïne incarne l'aboutissement d'une génération égotiste qui place les valeurs de l'entreprise en parangon de vertu. L'employé modèle - en quelque sorte - s'avère être un monstre d'égoïsme qui se dissimule sous un minois affable œuvrant dans le social.

    Finalement ce sera à l'humble de se "décoincer" de sa position et de rendre coups pour coups dans une escalade d'ultraviolence gore. N'ayant plus rien à perdre, le héros de cette bien triste farce sera en position de force pour écraser ces assaillants dans un renversement des rôles paradoxale mais crédible. 

    Tournée un budget équivalent à deux secondes d'images d'Avatar, Stuck est la preuve éclatante qu'une petite série B peut établir un état des lieux d'une humanité rongée de l'intérieur par des valeurs futiles. Le cinéma n'est donc pas tout à fait mort et certains de ses artisans continuent de pondre des œuvres âpres et critiques. 

    Un autre cinéma, bien loin des fastes hollywoodiens mais possédant tellement plus de sens.... 
     
     
    
    Street-Trash de Jim Muro.  


    Probablement le film le plus gore et excessif des trois films proposés ici, Street-trash va très loin dans le mauvais goût crade et les effets spéciaux crapoteux. Production TROMA dont il partage bon nombre d'acteurs, le premier et dernier film de Jim Muro suit une petite communauté de clochard parasitant une casse de voiture. Nos joyeux larrons seront confrontés à un alcool acide, le Viper.

    Le gore n'est finalement là que pour servir de prétexte à la vision dantesque d'une Amérique des oubliés du capitalisme dont les rangs ne cessent de grossir. Plus agressif mais aussi le plus décalé que ces comparses de celluloïd Street-Trash ne s’embarrasse pas de considération politiques, se contentant d'une comédie grasse aux liquéfactions pâteuses. Tous ces personnages psychotiques se débattent dans des monceaux de détritus n'ayant rien à envier aux favelas avant d'exploser, rongés par la Viper.

    On se demande ce qui est passé dans la tête du jeune réalisateur, dont la caméra, par contraste aux gueules cassés et aux décors fétides, ne cesse de slalomer entre les carcasses de voitures et les corps crasseux, pour avoir choisis de traiter un pareil sujet. Peut-être, en pleine période raeganienne (et ça ne c'est pas arrangé depuis....) était-il temps d'essayer de se réveiller, de constater qu'au-delà des yuppies, existait un tiers-monde distant d'à peine quelques mètres.

    Aussi déconnecté de la réalité apparaissent-elles, ces œuvres sont des mises en garde contre ce qui peut nous avaler à tous moments. Un retour à la barbarie que les gens ne veulent pas voir, que les distributeurs évitent et qui désertent les écrans, laissant la place à de fades intrigues sur fond d'une opulence fantasmé par écrasante majorité des spectateurs. Avant les catastrophes écologiques, ils seraient peut-être de bons tons d'arrêter ce massacre et de redistribuer les cartes de la richesse plus équitablement.

    On pourra me reprocher de choisir ces trois films, bruyants, tapageurs, bricolés pour servir un tel propos mais aussi fauchés (à l'image du sujet) soient  ces productions, elles ne contiennent aucune "poésie" naïve susceptible de bien faire digérer la soupe à la grimace chez le festivalier cannois...

    Street-Angel de Jim Rugg et Brian Maruca.

    Un Comics à propos d'une jeune SDF pour finir cette thématique. Ouvrage ayant eu très peu de succés cela s'avère une bonne lecture, délires pops en bonus. Un trailer signé par Didizuka



    Et ils se marièrent et eurent beaucoup d'Enfants Mutants.....         

                                                              

    [1] - Réalisateur d'un des films d'horreur les plus tarés que j'ai pu voir avec Subconscious Cruelty.
      
    [2] - Sous-genre du polar qui décrit la vengeance d'un citoyen sur des malfrats que les forces de police laissent en liberté. Un produit de la fin des années 70 début des années 80 - totalement réacs qui hérissa les poils de la censure. Death Wish de Michaël Winner, (1973) avec un Charle Bronson déchaîné et notre bon vieux Batman appartiennent sont affiliés à ce genre.

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