mardi 11 août 2015

    Une décennie (plus ou moins) au cinéma part 1 : Battle Royal de Kinji Fukasaku (2000)


    En attendant que je finisse mon long article sur les vampires – car il me reste des longs-métrages à voir, mais j’ai moins de temps à y consacrer – voici une sorte de petite liste des meilleurs films que j’ai pu voir dans les années 2000.

    Pourquoi ?

    Je me plains souvent que le cinoche actuel n’est plus qu’un conglomérat de merdes abominables. Et il est en grande partie vrai que nos glacials multiplexes nous abreuvent de films honteux.

    En caricaturant d’un côté, on a de grosses productions américaines truffées de CGI foireux et produites par des majors toutes puissantes n’embauchant que des « Yes-Man » comme Stevie McDaube, réalisateur de pubs sélectionné pour diriger un énième remake du reboot du prequel de la séquelle de Bouse-Man contre les Extraterrestres en 3D dolby-surround 3.3.2.1. Garanti sans scénario avec adjonction de messages bien patriotiques à la gloire d’un néo-capitalisme gerbant.

    Et de l’autre on a un cinéma français bien ravagé par l’égotisme d’une petite caste de nantis. C’est ainsi que Jean-Marie Fils-à-Papa nous pond sa énième bouse sur sa vie sexuelle avec gros plan en 3D sur une bite en train d’éjaculer [1]. Titre : Ma Vie Sexuelle d’Étudiant à Science-Po dans mon Appart de 380 mètres carrés à Paris… En bref, des étrons pelliculés.

    Et pourtant, il m’est arrivé de voir de bons films pendant ces quinze dernières années, d’où l’idée de faire une petite rétrospective des quelques péloches qui me sont restées dans la mémoire.

    Cette liste n’est en aucun cas exhaustive ou objective. Je nage exprès en pleine subjectivité pour proposer quelques œuvres qui ont une saveur relevée, bien loin de la fadeur avec laquelle nous assomment les Studios Hollywoodiens.

    Préférant vous allécher plutôt que d’analyser [2] ces petites perles, je fonctionnerais par résumé succinct accompagnés de quelques notes sur le réalisateur et sa démarche artistique.



    Kinji Fukasaku n’est pas vraiment le premier publiciste sorti de la jambe de Jupiter. Déjà responsable de quelques films sur la maffia japonaise bien agités de la caméra, ce réalisateur est un nihiliste qui se caractérise par un style coup de boule : caméra à l’épaule pour coller au plus près des personnages, montage cut, hyper-violence des paroles et échanges de coups…

    Ses personnages sont dirigés par leurs bas-instincts et leur trajectoire s'achemine dans une spirale de folie furieuse. S’il a réalisé quelques films plus commerciaux, ses œuvres les plus impressionnantes n’en demeurent pas moins des péloches hargneuses comme Combat Sans Code d’Honneur ou le Cimetière de la Morale [3].

    C’est donc à plus de 70 balais que Fukasaku sort de sa tanière pour filmer Battle-Royal. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le film peut faire couler de l’encre. Réalisé avec l’équivalent du budget papier-cul d'un blockbuster décérébré de Michael Bay, papy nous secoue les neurones avec un brûlot politique au vitriol.

    L’histoire est très simple. 

    Dans un Japon aux tendances nazillonnes, à une année indéterminée, la loi Battle-Royal est votée. Elle a pour but d’endurcir la jeunesse en choisissant chaque année une classe dont les membres devront s’entretuer sur une île déserte jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.

    Et c’est sur ce constat que Fukasaku va brosser un portrait sans concession de la jeunesse japonaise.

    L’île n’est qu’une métaphore du pays et les personnages incarnent les différentes réactions de chacun face à une loi inique. Entre les joyeux toutous qui frétillent de la queue pour tuer son prochain, les psychopathes qui se révèlent, les opportunistes et ceux qui veulent changer le système une joyeuse foire d’empoigne bordélique s’engage.

    Traversé de fulgurances gores et d’humour noir, la narration propulse ses personnages dans un monde où toutes les aspirations humaines sont phagocytées par le décret arbitraire.

    Sous ses airs de film d’action décérébré avec scénario prétexte, Battle-Royale est donc une parabole politique à double fond, comme seule peut en pondre la bonne SF. Rien à voir avec Hunger Game son minable quasi-remake américain qui efface toutes les fulgurances idéologiques de l'original …

    Et, cerise sur le gâteau, on retrouve Takeshi Kitano en prof psychopathe. Que demander de plus ?


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    [1] – ce qui serait parfois très long et fastidieux, tant certaines œuvres fonctionnent à plusieurs niveaux…

    [2] – Il paraît que c’est hype à Cannes… Je n’ai rien contre le fait de filmer de telles choses dans le principe mais il faut que ce soit un minimum justifié par une démarche esthétique et un discourt cohérent, sinon c’est de la provoc’ snobinarde à deux ronds.

    [3] – De tous les films de yakuzas que j’ai pu voir, celui-là est le plus barré de tous avec son personnage aussi violent qu’idiot. Un véritable barbare avec un QI de moule avariée sans aucune once de morale – d’où le titre – qui va jusqu’à supplier son ex-boss qu’il a auparavant trahi, de le sauver… Délaissant le pathos à deux ronds et la fascination pour le clinquant des organisations criminelles, Fukasaku montre dans sa pire horreur le type de monstres que ce système fabrique.

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