Je recommence un vieux projet qui a connu plusieurs itérations, voir ici, et que j’ai dessiné sous forme de fanzine en 2011. Pour les besoins d’un dossier éditorial, mais aussi pour le plaisir de me dérouiller un peu le poignet, je retrouve à l’occasion d’une illustration de couverture mes crayons et mes gouges pour réaliser une linogravure.
1 : Trouver une idée.
Pas la moindre des tâches ! Il faut une bonne dose de patience et s’escrimer avec les schémas tout faits qui nous encrasse la tête pour essayer de partir sur autre chose…[1]
Le défi d’une illustration est qu’il faut raconter en une seule image toute une histoire. Une couverture est d’une certaine façon un pitch visuel qui doit présenter les grandes lignes de la trame qu’elle supporte sans pour autant dévoiler le cœur du récit aux lecteurs éventuels.
Je devais mettre en scène mon personnage principal, Ethel Arkady, ses ennemis, et ce que ces deux entités symbolisent dans le scénario.
Après plusieurs essais infructueux, j’ai suivi ce raisonnement :
- Les chaînes qui entravent Arkady sont ses liens avec les autres protagonistes. Des antagonismes ou des alliances qui brident sa soif d'absolue.
- Elle est nue, donc vulnérable.
- Pourtant, bien qu’aveugle, elle cependant capable de sentir ses opposants. Elle est armée et sait manier son épée pour se libérer.
- À l’inverse d’une épée classique, celle d'Arkady est plus courte et sinueuse. Elle évoque sa façon de penser erratique en comparaison avec les lignes droites du bâtiment qui la cerne, qui symbolise les schémas de réflexion rigides de ses adversaires.
- L’immeuble et l’œil font référence aux grandes multinationales et autres organismes douteux. Les silhouettes derrière les fenêtres sont les vampires qui l’observent se démener pour s’extirper de son inconfortable situation, comme des enfants guettant les tentatives désespérées d’un insecte pour leur échapper.
Et si vous vous posez la question, avant de formuler tout ceci sous forme de texte, je n’en avais qu’une très vague idée. Ce sont des motifs qui se sont cristallisés au fur et à mesure des brouillons et de la réflexion.
2 : La Linogravure
La linogravure fait partie des techniques qui me permettent d’aboutir à une plus grande stylisation par rapport à ce que je pourrais obtenir avec des techniques plus classique, bien qu’elle demande un temps fou à mettre en place. La plaque de lino achevée, il est possible de reproduire le dessin autant qu’on le souhaite et de multiplier les variations.
Étape 1 : On établit un brouillon en prenant soin de peaufiner le cadrage, les zones de noir et de blanc. Cet essai détaillé ne nous quittera plus de toute la réalisation. Comme le transfert sur la plaque passe par plusieurs phases, une déformation de notre motif va apparaître, qu’on le veuille ou non.
Étape 2 : Passage au calque. J’utilise un critérium à mine grasse B ou 2B pour décalquer le brouillon en rajoutant ou en retirant parfois des détails. On retourne ensuite le calque pour l’imprimer à l’envers sur la plaque de lino selon la même méthode. De petites erreurs peuvent survenir, il ne faut pas hésiter à en tenir compte.
Étape 3 : Je repasse au bic toutes les lignes de construction.
Étape 4 : la plus longue et la plus propice aux accidents de parcours : creuser la matière. Comme la plaque devra par la suite accueillir l’encre, les zones en creux correspondent aux blancs et les zones intactes au noir.
À suivre…
_____________________________________________________________________
[1] - Petite remarque en passant : J’ai de plus en plus de mal à apprécier les couvertures de livres ou les affiches de films qui encombrent nos murs ou nos bacs. La plupart d’entre elles, surtout depuis l’avènement des logiciels de traitements d’images, se contentent de ressasser les mêmes mises en scène, les mêmes cadrages… La prise de risque est certes minime, ce qui a marché fonctionnera encore, mais l’ensemble dégage un manque de saveurs et d’intelligence. Il reste quelques exceptions, mais c’est hélas ! de plus en plus rare…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire