Un livre de cinoche un peu particulier pour ce mois-ci qui ne se contente de lever le voile sur le grivois, mais aussi sur un tout un pan d'une certaine cinéphilie bis made in France.
Ce grand livre se propose de faire un état de la carrière de l’actrice Brigitte Lahaie. Ce qui aurait pu être une idée saugrenue se transforme dans ses pages en un voyage dans un cinéma français autre dont peu de cinéphiles soupçonnent l’existence… Mais pour que cela aboutisse, il aura fallu aux auteurs passés par l’étape presque obligée aujourd’hui du crowdfunding. Une aubaine pour Panama Jack qui semble s’être ici approprié le projet lorsque celui-ci s’est avéré viable, alors même que l’éditeur a les reins assez solides pour supporter un projet éditorial risqué. Cela commence à devenir une manie de la part de Panama Jack de procéder à de telles manœuvres mercantiles, cherchant dans les dérivés de l’économie électronique le moyen de se faire plus de beurre en conservant ses billes dans des comptes offshores. Soit exactement l’inverse du métier d’éditeur. Mais passons outre. Brigitte Lahaie a sans doute été une actrice très sculpturale, mais méritait-elle pour autant un ouvrage ?
Le livre ne revient tant pas sur la personnalité de « la Scandaleuse » que sur son parcours dans les courants souterrains du cinéma français. Tout un monde se divisant entre producteurs fauchés et réalisateurs s’étant trouvés à un moment ou à autre de leurs carrières obliger de tourner de l’alimentaire pour boucher les fins de mois. Un univers d’artisans parfois besogneux, parfois talentueux auquel le porno aura donné l’opportunité de s’exercer sous le masque de pseudonymes goûteux. Car la (re)-naissance en France de la pornographie en tant que genre à part entière aura été l’occasion d’une dizaine d’années d’énergie créatrice dont ce livre se veut – à travers la figure de Brigitte Lahaie – un témoignage non complaisant.
Le porno dont il est question n’a pas grand-chose à voir avec les capsules filmées à la sauvette que l’on peut trouver par palettes entières dans les boyaux du Oueb 2.0. Ici, l’on parle de mise en scène, de techniques d’éclairage et même de travail avec les acteurs. Oh ! Rien qui ouvre les sésames des festivals cinématographiques guindés, mais une manne qui aura néanmoins permis à des artisans de peaufiner leurs arts et d’accoucher de pellicules dignes d’intérêt autres que masturbatoires. On sera étonné – ou pas – de l’exigence et de l’ambition de certains réalisateurs qui ont œuvré dans cette courte période allant de 1975 à 1981.
Les films-clés sont à ce titre tous décortiqués, laissant transparaître des scripts réussissant parfois à placer la question de la sexualité — dans son spectre le plus large, tant excitant qu’intellectuel — au sein d’une dramaturgie qui lui aura été adaptée. Nous sommes assez loin du film de boules fade et les ténors du genre chiadent les scénarios qui enrobent les coïts. L’occasion de découvrir que ce cinéma honni par-dessus tous – au point de mériter une taxation disproportionnée avec la fameuse loi X qui mettra in fine un arrêt économique à toute cette aventure – aura attiré des personnalités de tous bords telles Gérard Kikoïne, Jean Rollin (pour des raisons pécuniaires) et des compositeurs émérites comme Alain Goraguer.
Le livre se penche avec un égal intérêt sur la carrière hors boulard de l’actrice, avec – évidemment – la présence indispensable de Jean Rollin comme tête de proue d’une filmographie bigarrée, naviguant aux franges d’un cinéma français classique qui s’enfoncera, lui, toujours plus profondément dans sa sclérose intellectualisante. Des collaborations érotiques avec l’inénarrable stakhanoviste de la caméra Jess Franco, en passant par les comédies pouêt-pouêt de Jean-Marie Pallardy ou Max Pécas, c’est à un voyage dans une dimension souterraine d'un imaginaire hexagonal que nous invite cet ouvrage rétrospectif. Un cinéma comme on l’aime : outrancier, raté, fauché, fantaisiste et souvent poétique.
De poésie, il en est question avec Jean Rollin qui fera de Brigitte Lahaie sa muse. Les budgets anémiques dont disposa le réalisateur ne l'auront jamais empêché de créer des séquences suintant d’une aura bizarre et étrange. Au sec cartésianisme, Jean Rollin oppose des ruptures de tons abrupts, des dénudés surréalistes, des femmes vampires mélancoliques et une ambiance autre, exigeant parfois l’impossible de ses acteurs. La collaboration Rollin-Lahaie finira par laisser des traces dans les mémoires de certains cinéphiles, amenant avec le temps à une reconsidération de l’œuvre de cet auteur atypique. N’oublions pas de mentionner le bref attachement entre Lahaie et le distributeur roublard René Château (les films que vous ne verrez jamais à la TV) et quelques participations à des zéderies comme ce film de guerre tourné à l’économie par Jess Franco, produit par firme Euro-ciné célèbre pour sa pingrerie et dans lequel Lahaie croisera le comte Dracula en personne : Christopher Lee.
Un ouvrage fort épais et distrayant donc, illustré de photographies des différents films et de documents inédit. Ceux qui veulent déflorer une part non reconnue de notre cinéma hexagonal en auront pour leurs investissements. On y dénichera pêle-mêle des parties de jambe en l’air épicées, des proto-giallis, du gore, du polar musclé et des vampires romantiques. Bien plus que l’actrice en elle-même, c’est à un voyage dans un imaginaire passé que nous invitent les auteurs.
Le DVD accompagnant le livre n’est hélas pas à sa hauteur avec sa conférence dont la prise de son est hélas assez médiocre. Cela n’arrêtera pas les plus motivés, mais cela fut un vrai frein en ce qui me concerne.
Le livre ne revient tant pas sur la personnalité de « la Scandaleuse » que sur son parcours dans les courants souterrains du cinéma français. Tout un monde se divisant entre producteurs fauchés et réalisateurs s’étant trouvés à un moment ou à autre de leurs carrières obliger de tourner de l’alimentaire pour boucher les fins de mois. Un univers d’artisans parfois besogneux, parfois talentueux auquel le porno aura donné l’opportunité de s’exercer sous le masque de pseudonymes goûteux. Car la (re)-naissance en France de la pornographie en tant que genre à part entière aura été l’occasion d’une dizaine d’années d’énergie créatrice dont ce livre se veut – à travers la figure de Brigitte Lahaie – un témoignage non complaisant.
Le porno dont il est question n’a pas grand-chose à voir avec les capsules filmées à la sauvette que l’on peut trouver par palettes entières dans les boyaux du Oueb 2.0. Ici, l’on parle de mise en scène, de techniques d’éclairage et même de travail avec les acteurs. Oh ! Rien qui ouvre les sésames des festivals cinématographiques guindés, mais une manne qui aura néanmoins permis à des artisans de peaufiner leurs arts et d’accoucher de pellicules dignes d’intérêt autres que masturbatoires. On sera étonné – ou pas – de l’exigence et de l’ambition de certains réalisateurs qui ont œuvré dans cette courte période allant de 1975 à 1981.
Les films-clés sont à ce titre tous décortiqués, laissant transparaître des scripts réussissant parfois à placer la question de la sexualité — dans son spectre le plus large, tant excitant qu’intellectuel — au sein d’une dramaturgie qui lui aura été adaptée. Nous sommes assez loin du film de boules fade et les ténors du genre chiadent les scénarios qui enrobent les coïts. L’occasion de découvrir que ce cinéma honni par-dessus tous – au point de mériter une taxation disproportionnée avec la fameuse loi X qui mettra in fine un arrêt économique à toute cette aventure – aura attiré des personnalités de tous bords telles Gérard Kikoïne, Jean Rollin (pour des raisons pécuniaires) et des compositeurs émérites comme Alain Goraguer.
Le livre se penche avec un égal intérêt sur la carrière hors boulard de l’actrice, avec – évidemment – la présence indispensable de Jean Rollin comme tête de proue d’une filmographie bigarrée, naviguant aux franges d’un cinéma français classique qui s’enfoncera, lui, toujours plus profondément dans sa sclérose intellectualisante. Des collaborations érotiques avec l’inénarrable stakhanoviste de la caméra Jess Franco, en passant par les comédies pouêt-pouêt de Jean-Marie Pallardy ou Max Pécas, c’est à un voyage dans une dimension souterraine d'un imaginaire hexagonal que nous invite cet ouvrage rétrospectif. Un cinéma comme on l’aime : outrancier, raté, fauché, fantaisiste et souvent poétique.
De poésie, il en est question avec Jean Rollin qui fera de Brigitte Lahaie sa muse. Les budgets anémiques dont disposa le réalisateur ne l'auront jamais empêché de créer des séquences suintant d’une aura bizarre et étrange. Au sec cartésianisme, Jean Rollin oppose des ruptures de tons abrupts, des dénudés surréalistes, des femmes vampires mélancoliques et une ambiance autre, exigeant parfois l’impossible de ses acteurs. La collaboration Rollin-Lahaie finira par laisser des traces dans les mémoires de certains cinéphiles, amenant avec le temps à une reconsidération de l’œuvre de cet auteur atypique. N’oublions pas de mentionner le bref attachement entre Lahaie et le distributeur roublard René Château (les films que vous ne verrez jamais à la TV) et quelques participations à des zéderies comme ce film de guerre tourné à l’économie par Jess Franco, produit par firme Euro-ciné célèbre pour sa pingrerie et dans lequel Lahaie croisera le comte Dracula en personne : Christopher Lee.
Un ouvrage fort épais et distrayant donc, illustré de photographies des différents films et de documents inédit. Ceux qui veulent déflorer une part non reconnue de notre cinéma hexagonal en auront pour leurs investissements. On y dénichera pêle-mêle des parties de jambe en l’air épicées, des proto-giallis, du gore, du polar musclé et des vampires romantiques. Bien plus que l’actrice en elle-même, c’est à un voyage dans un imaginaire passé que nous invitent les auteurs.
Le DVD accompagnant le livre n’est hélas pas à sa hauteur avec sa conférence dont la prise de son est hélas assez médiocre. Cela n’arrêtera pas les plus motivés, mais cela fut un vrai frein en ce qui me concerne.
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