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    lundi 2 septembre 2024

    Les Aventures d'Ethel Arkady : Pornopolis : "Les Spéciaux"

    Après des vacances bien mérité, ce qui explique mon absence récente des réseaux divers et variés, voici une nouvelle fournée d’illustrations pour Pornopolis par mon ami ExpExp… 

    Ce n’est pas la première fois que le bougre s’immisce dans l’univers d’Ethel Arkady, d’abord pour la couverture de mon premier roman, La Femme Écarlate, à avoir franchi toutes les étapes de la création, et ensuite pour Pornopolis, dépeignant un moment fort pénible de la vie de ma féline, d’où le recours à son style si particulier.

    Basé sur le rythme et la répétition, il lui réalise plusieurs itérations d’un même dessin afin d’en obtenir la meilleure, ou la plus bizarre possible, ce qui me laisse une grosse liberté de choix.
    Avec son trait brut de décoffrage, ExpExp offre un contrepoint aux illustrations précédentes, d’autant que cette scène correspond plus à un affrontement entre deux volonté et donc ne nécessite pas une approche sensuelle, laquelle demeure l’apanage de mon second complice, que je ne présente plus pour ceux qui suivent mes errances créatives.

    En bref, dans ce roman, j’aime à juxtaposer des styles parfois antinomiques, mais surtout, des dessins réalisés par des gens que j’estime ! Et j’espère que mes (quelques) lecteurs s’y retrouveront !

    Secondes Version

    Dans les premières recherches, il m’a envoyé une Arkady cyberpunk, plaçant un canon laser en lieu et place de son bras ! Cette conformation à peu de chance de se produire dans le monde de la féline, mais ce personnage existerait peut-être dans les Chroniques de Yelgor, tout comme une certaine « Fos », mais ceci est une autre histoire !



    Enfin, quelques versions abstraites, parce qu'ExpExp demeure incapable de ne pas transformer et de tordre à l'infinie ces images !



    jeudi 28 novembre 2019

    Dessins du dimanche : Personnages Joueurs & BD



    Je ne suis pas très présent sur la toile, car je traverse une période de transition et de travail intense avec quatre romans achevés entre 2018-2019. En conséquence, l’exercice de la critique me paraît des plus vains et je l’abandonne. Enfin, peut-être pas complètement, mais de manière moins absurdement détaillée qu'autrefois. 

    Je conserverais une sorte de « carnet de lecture » plus lapidaire. Ce sera surtout un partage des œuvres qui m’auront influencé, marqué au fer rouge, d’objets artistiques que je suis infiniment reconnaissant d’avoir connus et dont la fréquentation est plus que recommandable en cette décennie de médiocrité terminale. Car voyez-vous, Je suis fatigué par le commentaire tel qu’il se pratique sur le oueb. La critique ne devrait jamais verser dans la sentence pré-adolescente cynique et blasé, ni même dans l’outrance de la vision idéologique qui fait encore les beaux jours de sodomisateurs de diptères et des censeurs de tous poils

    Plutôt que de joindre mon encre à ce bourbier saumâtre, je vais me focaliser sur mes créations et utiliser ses lieux comme brouillon et/ou vitrine de mon humble production artistique. En attendant voici un petit dessin, toujours pour Tranchons & Traquons. Un Ours, prêtre de l’Unique, qui sera proposé comme prétiré dans un scénario complet à venir et qui se déroulera dans le Royaume de Yelgor



    En bonus : les deux premières planches d'une BD jamais sorti de mes cartons et que je ne finirais certainement jamais tant la technique utilisé m'a pris des heures carrées. De plus, si je devais l'achever, je reprendrais tout à zéros. Attention aux fôtes d'aurtografes qui piquent si vous vous aventurez dans la lecture de ce délire... 
    Titre envisagé : Monstrueux !




    dimanche 19 mai 2019

    Dessin du Dimanche : Kyros Thanasis

    Un portrait en pied d'un personnage tiré d'une campagne de jeu de rôle en court depuis un an. Il s’agit d’un guerrier Wolfen, une créature issue des pages de Tranchons & Traquons. Je lui ai conféré un habillement de cuir digne d’un spadassin du XVIe siècle. Le revolver est un petit ajout de ma part, une improvisation pour renforcer la coloration « western » de mon scénario.

    samedi 13 avril 2019

    Bibliothèque des Ombres : Moi ce que j'aime c'est les Monstres/Emil Ferris

    AVERTISSEMENT : Ceci n’est qu’un avis que vous n’êtes en aucune manière obligé de partager. Mon humble but ici est de proposer une lecture de mon ressenti. Si d’aventure vous vous sentez l’âme d’un justicier en déposant une pêche dans la section des commentaires, sachez que cela ne me fera pas changer d’avis et que vous perdrez votre temps. En vous remerciant pour votre compréhension…

    Cet imposant pavé de plus de 500 pages nous est présenté dans un bel écrin par les éditions de M. Toussaint Louverture [1]. Nous suivons les aventures de Karen Reyes – avatar fantasmé de l’auteur – qui enquête sur le meurtre de sa voisine de palier, une certaine Anka Silverberg… Reyes apparaît comme l’une de ces adolescentes complexées, fascinée par les monstres, elle s’imagine souvent en privé « dur à cuire » à la dégaine de lycanthrope.

    Le dessin au bic, vendu comme une des originalités de l’ouvrage alors que la technique a déjà été exploitée plusieurs fois [2], n’est pas dénué de cachet. Les couvertures de faux magazines de cinoche horrifique type « Fantagoria » qui séparent les chapitres sont d’une facture tout à fait appréciable et convoquent une contre-culture à laquelle je ne peux qu’être sensible. C’est d’ailleurs la partie la plus appréciable de la BD. La patte d’animatrice et de publicitaire de l’auteure transparaît dans la composition des planches, dans l’attention accordée à une homogénéité symétrique qui frappe l’œil dès la première vision.

    Si le graphisme est à la hauteur, où est le problème ? Simple ! Emil Ferris ne sait pas réaliser une bande dessinée. La lourdeur pachydermique de son découpage chaotique m’a assommé. En conséquence, la lecture de cette œuvre s’est étirée sur des semaines et des semaines du fait de longues pauses. Revenir à ces pages pachydermiques a nécessité de prendre une inspiration profonde pour essayer de décortiquer ces arabesques nonsensiques comme un Champollion fou.

    La narration écrite se perd dans des circonvolutions abracadabrantesques, fait des nœuds dans sa propre histoire, abuse d’une pénible glossolalie rhétorique qui surligne chaque minuscule détail superfétatoire. On pourrait mes rétorquer à raison que c’est un effet de style littéraire, mais ici cela ne fonctionne pas et procure non l’immersion mais une prégnante migraine après dix minutes de lecture. L’ensemble aurait dû subir une relecture attentive : entre les répétitions, les adverbes et les phrases alambiquées placées de manière gratuite au petit bonheur la chance, c’est un festival d’horreur pour les yeux.

    Je ne pense pas que les traducteurs soient pour quelque chose dans ce massacre. Ce style, je le reproche à l’auteure ! Et si le conditionnement de l’édition française est un écrin à la limite de la flagornerie, je ne subodore pas que ses responsables aient eu un quelconque mot à dire sur le produit d’origine. Mes piques s’adressent surtout à la publication américaine, aux personnes qui auraient pu convaincre Ferris de tailler dans le vif d’un script abscons.

    N’en déplaise aux nombreux laudateurs, une BD transmet ses informations nécessaires à la suspension consentie de l’incrédulité et à la maturation des émotions par le prisme de l’image ; or ici, on est loin du compte : la mise en page sous forme de cahier, qui part d’une bonne idée pour coller au thème de l'adolescence, nuit à la clarté de l'ensemble ; les dessins correspondent avec une remarquable exactitude aux interminables descriptions embrouillées que l’on a lues quelques minutes plus tôt ; le découpage saute d’une séquence à l’autre sans rime, ni raison, se permet des torsions pour flatter l’œil, mais perd en route sa logique événementielle… N’est pas Fred qui veut, etc.… En résumé, l’auteure sacrifie le confort de son auditoire sur l’autel d’une esthétique snobinarde assez insupportable.

    Puisque l’ouvrage se place dans la catégorie très discutable des « romans graphiques », je reviens un petit moment sur sa narration : si nous emboitons le pas à une adolescente, alors le style ampoulé de l'auteure n’épouse jamais les perceptions de son personnage. On sent le poids de l’adulte qui essaie – sans jamais y parvenir – de retrouver ses sensations de jeunesse. Sans parler de singer l'écriture d’une gamine dans l’Amérique en plein bouleversement des années 60, ce qui est une vraie gageure[3] en soi, il est tout de même possible de créer l'illusion d'une voix intérieure, en usant d'une prose en décalage constant avec les situations rencontrées...[4] Les outils stylistiques existent, encore faut-il avoir l’imagination pour les utiliser. Je ne m'étendrais même pas sur l'apparition des appétences charnelles qu’explore ce pénible monologue et qui n’échappe pas au psychologisme de comptoir. Cette complaisance laudative a poussé de quelques crans supplémentaires ma détestation de cette BD. C’est une appréciation subjective, mais ce sujet n’apporte à mon sens pas grand-chose à l’histoire et il est exposé de manière si prosaïque, avec si peu de subtilité, que cela en devient embarrassant.

    Conséquence de tout cela, le propos initial se délite dans un bric-à-brac incompréhensible. En dépit du marasme ambiant, certaines séquences fonctionnent. J’ai tout de même goûté le passage sur le traitement des prostituées dans l’Allemagne Nazie, qui est raccord avec la symbolique du monstre créé par Ferris, bien que cette séquence soit amenée dans le récit avec la finesse d’un bulldozer aviné [5].

    Mais plus encore que ce qui aurait dû rester un modeste récit à la première personne, un de ces exercices égotiques sans plus d’incidence que nous inflige depuis quelques décennies déjà le milieu de la BD dite « underground », s’est retrouvé par la grâce d’un air du temps délétère propulsé au rang de chef-d’œuvre insurpassable.

    C’est non sans ce que je nomme, de manière péremptoire, une certaine fierté que les rabats du quatrième de couverture nous apprennent qu'Emil Ferris a contracté le virus du Nil lors d’un voyage en Égypte. Conséquence immédiate, notre auteure a dû réapprendre à dessiner, et c’est de cette résurrection miraculeuse qu’est né ce fœtus de BD.

    Qu’on soit bien d’accord, cela est fort dommageable pour elle, mais cela ne contribuera pas à me rendre plus sympathique cet ouvrage qui m’est apparu comme, au mieux, antipathique. Qu’on se le tienne pour dit : on a tous nos problèmes et être malade, handicapé ou même tétraplégique n’est pas ce qui nous dote du talent ultime ! Comme l’époque nous oblige à souligner l’évidence : quels que soient votre condition physique et votre sexe, vous n’excellerez dans votre domaine de prédilection qu’avec une pratique journalière, assidue et une remise en question de tous les instants. Être affecté d'un quelconque particularisme n’est pas et ne sera jamais un sésame pour produire une œuvre de qualité. Je ne dis pas qu’Emil Ferris n’a pas sué sur ce livre, en revanche je maintiendrai qu’avant de passer le stade la publication, le manuscrit aurait dû bénéficier d’un travail éditorial musclé pour éviter des scories et gagner en efficacité tout en perdant des pages superflues dans l’opération.

    Je demande à un auteur de m'entraîner à la découverte, à travers une narration qui respecte les règles de l’art, une vision, une interprétation du monde, une rêverie, quelque chose qui me montre le meilleur de l’humanité, étant donné que nous sommes quotidiennement confrontés à la médiocrité de notre apathique époque. Que la santé de madame Ferris soit défaillante est une donnée biographique qui peut éclairer certaines choses si d'aventure la passion qu'elle nous inspire nous pousse à disséquer ses œuvres, à essayer de comprendre le pourquoi du comment de la formation de ses thèmes de prédilections, mais ce n’en est en aucun cas un argument valable pour adopter une posture de supériorité qualitative. Et cela ne nous dispense pas, en tant que lecteurs avisés et matures, de débrancher notre esprit critique !

    Comme je m’attaque à un ouvrage qui bénéficie d’une impressionnante aura de légitimité dans le minuscule milieu éditorial, je vais tenter de tirer ici une conclusion de tout cela. Il y a une myriade de points problématiques à soulever sur ce livre, mais d’une part cela aurait étiré au-delà du raisonnable ce texte déjà bien trop long, d’autre part cela aurait nécessité des recherches documentaires que je n’ai hélas, ni le temps, ni les moyens et surtout pas l’envie de mener. Donc :

    J’appuierai ici sur un point que me reprocheront sûrement les idiots de notre merveilleuse époque : je n’ai rien contre les femmes dans les arts. Que du contraire même !

    Cependant, les travaux qu’elles fournissent doivent être à la hauteur de mes attentes. Dans le cas qui nous occupe, j’ai plus l’impression que cet album a été produit pour satisfaire à des desiderata sociétaux plutôt que qualitatifs, ce qui a sur moi un effet émétique foudroyant !

    D'autant que ce type d’œuvres masquent mal une idéologie, qui tend de plus en plus vers la propagande se généralise. Particulièrement dans le monde de la BD francophone et américaine qui me paraît plus perméable aux discours simplistes faisant une part belle aux raisonnements tronqués et autre sophisme. L’ironie dans le cas d’Emil Ferris c’est que celle-ci traite du nazisme en usant d’une symbolique pompière qui maquille à la truelle son sermon implicite et explicite.

    Mais peut-être que je me trompe, que je sur interprète. Peut-être… Il n’en demeure pas moins qu’au final toute cette littérature est survendue à l'excès, car, au risque de me répéter, ce n’est pas vos orientations sexuelles, vos maladies ou vos handicapes qui font votre talent. C’est un travail constant et opiniâtre, quelles qu’en soient les conséquences sur soi et sur les autres qui sont la marque des artistes digne de ce nom… À l’inverse de l’imagerie d’Épinal, pratiquer ce sacerdoce n’est pas enviable et le prix à payer en est souvent élevé que ce soit dans ses relations sociales, amoureuses ou laborieuses. Cela n’a rien de glamour. C’est une répétition ennuyeuse de gestes pour réussir à arracher à la vase une création qui ait un minuscule intérêt.

    Ce qui me fout en rogne c’est de placer sur un piédestal la personne derrière le crayon plutôt que le résultat sur la planche. En l'état Emil Ferris m’a infligé un pensum assommant. Et si je comprends l'idée qui sous-tend ses scènes, la matérialisation sur le papier échoue sur tous les tableaux à être lisible.

    Mais des femmes qui écrivent et qui dessinent avec un peu plus de talent et de faconde, il y en a ! Et il y en aura toujours. Et c'est tant mieux ! Tellement en fait que je ne pourrais pas avoir assez de deux vies pour parcourir les œuvres qu’elles nous ont donnés. Néanmoins, je ne m’adonnerais pas à cette ivresse sur le simple fait qu’elle ait une vulve comme appareil reproducteur, mais bien parce qu’elles ont eu un cerveau et une imagination d'une puissance infinie qui a embrassé tous les paradoxes de la créature humaine.

    D’ailleurs pour certaines d’entre elles qui rentrent dans mon panthéon personnel des auteurs qui m’ont le plus marqué et je serais incapable de de pratiquer la dissection critique sur leurs travaux de peur d’y égarer ma plume dans un océan de richesses. Plus tôt que de perdre votre temps précieux dans la lecture de ces monstres navrants, abîmez-vous dans les mondes d’Ursula K. Le Guin, allez à la rencontre de la féline Omaha auquel Kate Worley a prêté sa voix, goûtez aux vaudevilles survoltés de Rumiko Takahashi, à la science-fiction douce amère de Moto Hagio, explorez les origines de la littérature gothique avec Mary Shelley ou avec les sœurs Brönte, creusez les profondeurs de l’horreur avec Shirley Jackson ou Tanith Lee, frissonnez avec le western cannibale d’Antonia Bird : Vorace… et tant d’autres.

    Quand on cherche, on trouve !

    ____________________________________________________

    [1] — lesquels ont réédité le plus fréquentable Watership Down de Richard Adams, que je vous recommande plutôt…

    [2] — notamment par Cromwell, l’auteur d’Anita Bomba dont je vous conseillerai plutôt la fréquentation. D’autant que les éditions Akileos ont sorti une bien belle intégrale.

    [3] — Un petit tacle gratuit à Oscar & la Dame Rose d’Eric Emmanuel Schmidt qui est un cas d’école de non-écriture dans le genre, avec ses phrases simple à la naïveté mécanique qu’on croirait jaillir d’une IA qui simulerait l’écriture d’un enfant.

    [4] — L’auteur de SF Jack Womack dans le glaçant Journal de nuit dont la réalité cauchemardesque est à nos portes parvient à simuler le style d’une adolescente de douze ans de manière crédible, avec toutes ses contradictions.

    [5] — Bien que le même sujet a été traité d’une manière beaucoup plus réussie et assez poignante dans la 27e lettre de Will.

    lundi 12 novembre 2018

    Photographies : Le Village Condamné

    Suite de mes pérégrinations photographiques... Un soupçon d'Innsmouth dans le Nord-Pas-de-Calais...






     

    vendredi 22 juin 2018

    Bibliothèque des Ombres : Kane : intégrale, vol.2/Karl Edward Wagner

    Deuxième livraison de cette intégrale avec quelques belles nouvelles qui font honneur au genre, comme quoi la longueur ne fait pas la qualité, surtout en Fantasy... Une lecture idéale, à la fraîche pour les longues soirées languissantes d’été… De préférence devant un sommet montagneux.

     Éditeur : Gallimard
    Collection : Folio SF : Fantasy
    Traduit par Patrick Marcel
    688 p.

    Ce deuxième volume comporte l'ultime roman consacré au personnage, six nouvelles et d'un poème, sur lequel je ne reviendrais pas tant l’appréciation de cette forme littéraire est sujette à la subjectivité de chacun.

    — Le Château d’Outre-Nuit
    Troisième roman de la saga de Kane et peut-être le plus faible des trois en ce qui me concerne. On retrouve néanmoins la fameuse « touche gothique » exacerbée de Wagner avec plaisir, d’autant que le titre, dans sa version française, semble renvoyer « Au Château d’Otrante » d’Howard Walpole.

    Un empereur paranoïaque, habitué des purges politiques, commet l’erreur de laisser vive une sorcière – Efrel –, quoique dans un sale état après une séance de torture excentrique. Replié sur son île pour panser ses atroces mutilations, Efrel ourdit complots et conjurations contre le royaume de son ennemi et Kane pourrait être la pierre d’achoppement de sa vengeance… Un Kane qui de son côté compte bien profiter d’Efrel pour s’asseoir sur le trône…

    En dépit du retour d’un Kane menaçant et d’entités marines sur lesquelles planent l’ombre du maître de Providence, ce récit est plombé par une intrigue qui manque de substance et un recours parfois évident aux clichés les plus éculés de l’héroïc-fantasy comme cette princesse attachée nue lors d’un sacrifice…

    Malgré cette baisse de régime, le roman possède quelques fulgurances, fonctionnant surtout autour du personnage d’Efrel et de sa relation avec un Kane prêt à tout, vraiment TOUT, pour asseoir son pouvoir…

    Les nouvelles oscillent quant à elle entre le meilleur et le plus passable. Je me contenterais de citer celles qui ont eu le plus d’impact sur moi :

    — Lame de Fond.
    Kane nous apparaît en redoutable thaumaturge protégeant ses amantes contre la mort, quitte à se débarrasser d’elle lorsqu’elles se rebellent contre lui. Une histoire qui exhale un parfum de romantisme noir et qui établit les ravages du temps sur l’esprit de notre immortel.

    — Deux Soleils au Couchants.
    Kane et un géant – Dwasslir – recherchent le tombeau du dernier roi des géants. Sur fond de discussion sur les tentants et les aboutissants de la civilisation, évoquant un débat qui aura fait couler un fleuve d'encre entre R.E. Howard et H.P. Lovecraft, Wagner dépeint le crépuscule d’une race dont Kane se fait le témoin silencieux. Une nouvelle empreinte de mélancolie dans laquelle la malédiction de l’immortalité devient tangible, tant Wagner nous amène à ressentir le vertige qu’entraîne une vie sans fin qui voit s’écrouler tous les rêves et les espoirs des vivants dans la poussière de la décomposition. Kane apparaît très humain, brouillant l’idée que l’on se fait de ce personnage aux multiples facettes.

    — La Muse Obscure.
    Opyros se tue à la tâche, cherchant dans ses manuscrits raturés la trace qui le mènera au poème parfait. Pris dans les affres d'une rédaction qui lui résiste et le met au supplice, il ouvre son cœur à son ami Kane qui s’avère un fin connaisseur des subtilités littéraires... Wagner nous offre ici une histoire qui tourne autour de considérations sur l’acte d’écriture et des difficultés inhérentes à toutes pratiques créatives. Un texte salvateur pour tous ceux qui tâtent de la plume, du pinceau ou même du marteau dans la manière dont l'auteur envisage ce travail très particulier, qui tient de l'ascèse volontaire et de la recherche de perfection passant par une remise en question permanente. Mais l'art est une maîtresse exigeante et Kane propose à Opyros une aide surnaturelle en lui signifiant néanmoins que celle-ci n’est pas sans danger. Si par la suite le récit se perd dans des péripéties martiales annexes, il s’achève par la folie et un Kane amer, condamné à reprendre la route en solitaire.

    — Miséricorde.
    Kane est employé par une jeune femme ambitieuse pour voler une couronne aux mains de quatre frères versés dans les poisons et la magie noire. Si les forces en présence dépassent le guerrier roux, celui-ci dispose d’un avantage non négligeable : son immortalité. C’est avec une parfaite connaissance du terrain que Kane piège ses adversaires avant de les enrôler sous sa coupe. Une nouvelle distrayante dans laquelle Wagner fait la démonstration des privilèges qu’offre le temps à son personnage. Très « western » dans son esprit, c’est une récréation bienvenue au sein de textes plus graves.

    — Lynortis.
    Pour avoir sauvé une certaine Sessi, Kane se retrouve impliqué dans une chasse au trésor dans les ruines de l’antique Lynortis, une ville détruite par un long et atroce siège auquel a pris part Kane. Cette nouvelle comporte deux versions : une ébauche composée par Wagner lors de son adolescence – qui se trouve dans le troisième tome – et celle qui fut éditée dans le deuxième volume. Le premier jet nous amène à rencontrer un Kane enamouré, ce qui fait un choc ! Outre que le style flamboyant est déjà là, cette première variante demeure bien fade et se complaît souvent dans les pires travers de l’héroïc-fantasy. Ce qui n’est pas le cas de sa reprise, qui se concentre ici sur les conséquences de la guerre à travers des descriptions apocalyptiques, dont la présence de mutilée et surtout d’anciennes mines « magique » explosant sans prévenir sous les pas des infortunés explorateurs et dont le fonctionnement n'est pas si éloigné de nos armements chimiques…. Dans une ambiance proche des westerns spaghettis – avec ces bandes de mercenaires sans foi, ni loi et son chimérique trésor – ce texte s’enorgueillit d’une belle montée en puissance et d’une atmosphère poisseuse, en harmonie avec son atroce sujet.

    L’ensemble du volume dégage toujours autant de puissance dans sa narration, même si l’auteur sacrifie la chute de ses nouvelles au profit de la création d’une atmosphère vénéneuse. Chez Wagner, seul le chemin compte, et emprunter le pas de Kane amène le lecteur dans le tourbillon du temps qui demeure le principal ennemi de notre personnage, son monde ne cessant de se décomposer. Cette déliquescence permanente est palpable dans la plupart des textes et explicite souvent en creux les actes extrêmes de notre protagoniste.

    dimanche 26 novembre 2017

    Cinoche B comme Bon... : Offscreen 2017 : Cannibales et Contes de Fées

    Apparu en marge du Festival Fantastique de Bruxelles, l’Offscreen dépoussière des pelloches rares et/ou peu connues du grand public. Une occasion donc pour s’abreuver à une autre source que celle des distributeurs classiques des multiplexes et de déguster des cinémas différents, de nous secouer dans nos habitudes audiovisuelles. La programmation – touffus comprenant autant des nouveautés que moult rétrospectives – ne m’a pas permis d’assister à toutes les projections, néanmoins j’ai pu découvrir quelques perles…



    1. Grave de Julia Ducornau (2017).



    L’œuvre d'ouverture de ce festival et en même temps la bête à hype du moment est-elle la hauteur de sa flatteuse réputation ? Pour ma part, je n’ai pas accroché à ce timide délire cannibale, la réalisatrice se refusant toute exagération propre à ce style de cinéma. Si la première demi-heure bien sociétale sur les bizutages en école supérieure de médecine annonce une ambiance anxiogène à base de rituels stupides, le reste demeure convenu, voire assez chiant.

    Comme c’est trop souvent le cas quand les français s’essaient au cinéma « de genre », la cinéaste se contemple en train filmer. C’est appliqué, parfois réussi, mais en général assez plat. La faute peut-être à un parti-pris graphique très faible – on est loin des décadrages, des focales déformantes, de l’emploi ingénieux du hors-champs et autres astuces qui font parties de la panoplie du réalisateur d’horreur – ce qui donne une consistance atonale à l’ensemble. Oui, c’est trash et vulgaire, mais cela ne suffit pas à transcender son sujet qui n’est qu’effleuré.

    La réalisatrice préfère perdre son temps à nous dépeindre les beuveries estudiantines dans toutes leurs décadences, échouant systématiquement à les utiliser pour nourrir son propos. Tous les acteurs mâchent leurs mots – une désagréable manie des dialogues « réaliste » qui plombe le cinéma « d’auteur » français – tant et si bien que je n’ai compris certains échanges qu’en lisant les sous-titres néerlandais. Le scénario ne décolle que vers la fin et la toute dernière image aurait pu servir d’incident déclencheur et nous emmener dans un autre film, plus perturbant.

    Une œuvre auteurisante, dans le mauvais du terme, qui a de plus à une fâcheuse tendance au fétichisme gratuit. Une projection dispensable, et ce n’est pas parce que c’est estampillé « de genre » et « réaliser par une femme » que cela en fait une merveille. En ce qui me concerne, dans un registre similaire, le Vorace d’Antonia Bird n’a pas encore trouvé d’équivalent dans l’excellence.

    2. La Belle et la Bête de Juraj Herz (1978).


    La rétrospective conte de fée tchèque m’aura permis de redécouvrir des adaptations de classiques pour le moins surprenantes, stylisées, souvent faites de bric et de broc, mais suffisamment audacieuses pour que l’absence de budget soit palliée par une inventivité de tous les instants. Cette version de la Belle et la Bête est une bonne entrée en matière, introduite par un préambule du réalisateur lui-même. Le recours à la fantasy n’a rien d’étonnant dans le contexte politique communiste de la Tchéquie de l’époque, la censure idéologique demeurant assez forte. Pourtant, les quelques échantillons de ce cinéma présentés à l’occasion de ce festival ont conservé une puissance d’évocation peu commune.

    Si le genre horrifique n’était pas permis, Juraj Herz se sera servi des contes pour laisser libre cours à ses envies de fantastiques et d’épouvante, conférant une aura maléfique au récit de Madame Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Oubliez donc la mièvre Bête de l’oncle Walt, car la première demi-heure décrit un monstre impitoyable. Dans une forêt toujours enveloppée de brume, la « Bête » — d’abord filmé comme un tueur en série de slasher, souffle et caméra subjective incluse — fond sur une caravane de marchands en un enchaînement d'attaques mortelles. La créature, un mélange d’homme et d’oiseau de proie, ne plaisante pas et ceux qui entrent dans son territoire le paient au prix de leurs vies.

    Mais la Bête ne serait pas grand-chose sans un décor à sa démesure. Le château déliquescent qui renvoie à une noblesse en fin de règne, évoque plus la Maison de Usher et E.A. Poe que les fanfreluches que l’on appose volontiers à ce conte romantique. Peuplée d’anciennes statues inquiétantes, de serviteurs mutiques constitués de suie et de marécages méphitiques, la demeure de la Bête n’eût certes pas déplu au Dracula de la Hammer. D’autant que le réalisateur joue dès qu'il le peut avec les zones d’ombre et le hors champ (coucou Grave…) pour instaurer une atmosphère de cauchemar. Idée originale : la déformation en Bête, en partie inexpliquée, semble provenir d’une malédiction ancestrale se transmettant de génération en génération ainsi que le suggère une série de portraits.

    Si l’histoire d’amour demeure convenue, fleuretant avec le ridicule le plus achevé, c’est qu’elle n’intéresse pas Juraj Herz que l’on sent plus impliquée dans la création d’une ambiance ténébreuse et dont les nombreux effets de style saisissant n’ont rien à envier aux films gothiques de Mario Bava. Malgré ses faiblesses, en partie imputable aux conventions du genre, cette adaptation conserve une aura aussi fascinante que la version de Jean Cocteau.


    3. La Petite Sirène de Karel Kachyna (1976).


    Cette œuvre pousse la bizarrerie un cran plus loin par un procédé esthétique simple et efficace. Ne possédant pas les moyens pour un tournage en milieu sous-marin, le réalisateur a décidé de se passer d’eau. Ainsi les acteurs évoluent-ils dans une faille, illuminée par un complexe système d’éclairage bleutée. Les mouvements lents, quasi hypnotiques qu’ils doivent exécuter pour bouger sont accentués par des costumes céruléens au tissu lourd. Ce dispositif achève de poser sur l’ensemble une ambiance onirique qui sied à merveille à ce conte.

    Plus proche de la version d’Andersen que de celle de l’oncle Disney, le film dégage une impression prononcée de mélancolie et de déréliction. Une curiosité à voir pour son travail sur les couleurs, ses décors et sa mise en œuvre très particulière qui – avec pas grand-chose – parvient à nous emmener dans un autre monde.


    3. La Bête de Walerian Borowczyk (1975).
     


    Longtemps victime des foudres de la censure, cette bizarrerie a été récemment rééditée sur galette numérique, depuis la rétrospective consacrée au réalisateur par le centre Pompidou. Variation érotique de La Belle et la Bête, le film s’ouvre sur une situation vaudevillesque au possible : un châtelain désargenté tente de sauvegarder son domaine en mariant son fils à une riche américaine. Pour être valable, la cérémonie doit être célébrée par un Cardinal, et dans un temps imparti. C'est donc un groupe de personnages, tous plus cupides les uns que les autres, qui se retrouvent à attendre Godot.

    Sauf que cette introduction n’est qu’un prétexte élaboré pour préparer le morceau de bravoure. Car en s’ouvrant sur des gros plans de sexe de chevaux à l’occasion d’une sailli, le réalisateur nous vend assez vite la mèche. Son propos tournera autour de nos rapports contrariés avec le sexe et notre inconscient pulsionnel. Et le conte éponyme dans tout cela ? Il intervient lorsque ladite fiancée – un peu niaise – découvre une étrange légende locale et commence à fantasmer sur les exploits de son héroïne qui aura tenu en respect une fameuse « Bête »… Le film éclate en une séquence hallucinante dans laquelle une jeune châtelaine est poursuivie puis prise de force par un loup-garou priapique. Si les effets de la créature demeurent sommaires, il faut avouer que la scène reste d’une efficacité assez troublante. D’autant qu'elle dure, s'allonge excessivement, accompagnée par une sonate pour clavecin répétitive...

    En effectuant des ponts par le biais du montage entre le songe et la réalité, usant d’une certaine forme de pensée magique, ce film ne cesse de s’adresser à notre inconscient – peut-être la fameuse « Bête »… 



    4. The Cat who wore Sunglass de Vojtech Jasny (1963)


    Une petite ville de la province de Tchécoslovaquie accueil une bande de saltimbanques comportant dans leurs rangs un magicien volubile, mais surtout un certain chat portant des lunettes de soleil. Le félin possède un pouvoir : son regard révèle la nature des gens qu’ils fixent, les teintant d’une couleur symbolique. Ceux que le sortilège touche ne peuvent pas s’empêcher de danser et de se perdre dans une folle sarabande.

    Fable sur le communisme, avec ses mesquins délateurs zélés qui se retrouvent soudain exposés, comédie enfantine et musicale, ce film c’est un peu de tout cela à la fois. La photographie et la mise inventive finisse par emporter l’adhésion et ce sont surtout les morceaux d'anthologie comme le spectacle de magie ou les scènes pendant lesquelles le chat révèle la « nature » de chacun qu’explose la créativité des artisans tchèques.

    Si tout cela s’avère assez léger – quoique la parabole soit tout à fait applicable à notre économie capitaliste –, ce n’en est pas moins un plaisir pour les yeux, d’autant que les acteurs s’y adonnent avec un vrai entrain, en particulier les gamins qui sonnent souvent juste.


    5. Valerie and her Week of Wonder de Jaromil Jires (1970)


    Le jour de ses premières règles, la jeune Valérie bascule dans un monde menaçant dans lequel la guette un étrange vampire qui ressemble à son père.

    Comme dans énormément films présentés dans cette rétrospective la mise en scène et le jeu des lumières flattent les yeux et l’on sent que les artisans ont l’habitude de créer des enchantements avec pas grand-chose sous la main. Il n’y a pas un photogramme qui ne soit pensé et composé avec soin. En revanche, il n’en est pas de même pour le scénario.

    Décousu à l’extrême, mais surtout incroyablement malsain vis-à-vis de sa juvénile héroïne exposé de manière un peu trop équivoque, cette œuvre prête le flanc à une critique virulente. Car si l’on aurait pu avec un pareil canevas obtenir quelque chose de fantastique, les trop nombreux moments de gêne, même pas justifié par une idée narrative, plombent l’ensemble.

    À la limite du fétichisme pédophile, Valérie… ne parvient pas à combler son ambigüité morale complaisante par une légitimation scénaristique, nous laissant avec un arrière-goût nauséabond dans la bouche.

    lundi 11 septembre 2017

    Bibliothèque des Ombres : Brigitte Lahaie : les films de culte/Cédric Grand Guillot, Guillaume Le Disez

    Un livre de cinoche un peu particulier pour ce mois-ci qui ne se contente de lever le voile sur le grivois, mais aussi sur un tout un pan d'une certaine cinéphilie bis made in France.


    Ce grand livre se propose de faire un état de la carrière de l’actrice Brigitte Lahaie. Ce qui aurait pu être une idée saugrenue se transforme dans ses pages en un voyage dans un cinéma français autre dont peu de cinéphiles soupçonnent l’existence… Mais pour que cela aboutisse, il aura fallu aux auteurs passés par l’étape presque obligée aujourd’hui du crowdfunding. Une aubaine pour Panama Jack qui semble s’être ici approprié le projet lorsque celui-ci s’est avéré viable, alors même que l’éditeur a les reins assez solides pour supporter un projet éditorial risqué. Cela commence à devenir une manie de la part de Panama Jack de procéder à de telles manœuvres mercantiles, cherchant dans les dérivés de l’économie électronique le moyen de se faire plus de beurre en conservant ses billes dans des comptes offshores. Soit exactement l’inverse du métier d’éditeur. Mais passons outre. Brigitte Lahaie a sans doute été une actrice très sculpturale, mais méritait-elle pour autant un ouvrage ?

    Le livre ne revient tant pas sur la personnalité de « la Scandaleuse » que sur son parcours dans les courants souterrains du cinéma français. Tout un monde se divisant entre producteurs fauchés et réalisateurs s’étant trouvés à un moment ou à autre de leurs carrières obliger de tourner de l’alimentaire pour boucher les fins de mois. Un univers d’artisans parfois besogneux, parfois talentueux auquel le porno aura donné l’opportunité de s’exercer sous le masque de pseudonymes goûteux. Car la (re)-naissance en France de la pornographie en tant que genre à part entière aura été l’occasion d’une dizaine d’années d’énergie créatrice dont ce livre se veut – à travers la figure de Brigitte Lahaie – un témoignage non complaisant.

    Le porno dont il est question n’a pas grand-chose à voir avec les capsules filmées à la sauvette que l’on peut trouver par palettes entières dans les boyaux du Oueb 2.0. Ici, l’on parle de mise en scène, de techniques d’éclairage et même de travail avec les acteurs. Oh ! Rien qui ouvre les sésames des festivals cinématographiques guindés, mais une manne qui aura néanmoins permis à des artisans de peaufiner leurs arts et d’accoucher de pellicules dignes d’intérêt autres que masturbatoires. On sera étonné – ou pas – de l’exigence et de l’ambition de certains réalisateurs qui ont œuvré dans cette courte période allant de 1975 à 1981.

    Les films-clés sont à ce titre tous décortiqués, laissant transparaître des scripts réussissant parfois à placer la question de la sexualité — dans son spectre le plus large, tant excitant qu’intellectuel — au sein d’une dramaturgie qui lui aura été adaptée. Nous sommes assez loin du film de boules fade et les ténors du genre chiadent les scénarios qui enrobent les coïts. L’occasion de découvrir que ce cinéma honni par-dessus tous – au point de mériter une taxation disproportionnée avec la fameuse loi X qui mettra in fine un arrêt économique à toute cette aventure – aura attiré des personnalités de tous bords telles Gérard Kikoïne, Jean Rollin (pour des raisons pécuniaires) et des compositeurs émérites comme Alain Goraguer.

    Le livre se penche avec un égal intérêt sur la carrière hors boulard de l’actrice, avec – évidemment – la présence indispensable de Jean Rollin comme tête de proue d’une filmographie bigarrée, naviguant aux franges d’un cinéma français classique qui s’enfoncera, lui, toujours plus profondément dans sa sclérose intellectualisante. Des collaborations érotiques avec l’inénarrable stakhanoviste de la caméra Jess Franco, en passant par les comédies pouêt-pouêt de Jean-Marie Pallardy ou Max Pécas, c’est à un voyage dans une dimension souterraine d'un imaginaire hexagonal que nous invite cet ouvrage rétrospectif. Un cinéma comme on l’aime : outrancier, raté, fauché, fantaisiste et souvent poétique.

    De poésie, il en est question avec Jean Rollin qui fera de Brigitte Lahaie sa muse. Les budgets anémiques dont disposa le réalisateur ne l'auront jamais empêché de créer des séquences suintant d’une aura bizarre et étrange. Au sec cartésianisme, Jean Rollin oppose des ruptures de tons abrupts, des dénudés surréalistes, des femmes vampires mélancoliques et une ambiance autre, exigeant parfois l’impossible de ses acteurs. La collaboration Rollin-Lahaie finira par laisser des traces dans les mémoires de certains cinéphiles, amenant avec le temps à une reconsidération de l’œuvre de cet auteur atypique. N’oublions pas de mentionner le bref attachement entre Lahaie et le distributeur roublard René Château (les films que vous ne verrez jamais à la TV) et quelques participations à des zéderies comme ce film de guerre tourné à l’économie par Jess Franco, produit par firme Euro-ciné célèbre pour sa pingrerie et dans lequel Lahaie croisera le comte Dracula en personne : Christopher Lee.

    Un ouvrage fort épais et distrayant donc, illustré de photographies des différents films et de documents inédit. Ceux qui veulent déflorer une part non reconnue de notre cinéma hexagonal en auront pour leurs investissements. On y dénichera pêle-mêle des parties de jambe en l’air épicées, des proto-giallis, du gore, du polar musclé et des vampires romantiques. Bien plus que l’actrice en elle-même, c’est à un voyage dans un imaginaire passé que nous invitent les auteurs.

    Le DVD accompagnant le livre n’est hélas pas à sa hauteur avec sa conférence dont la prise de son est hélas assez médiocre. Cela n’arrêtera pas les plus motivés, mais cela fut un vrai frein en ce qui me concerne.