Ça faisait un mois que je n’avais plus ouvert ce blog, car je cravache de plusieurs côtés pour achever différents projets liés à Ethel Arkady.
En passant, je remercie encore Tom Larret qui m’a gratifié de cette magnifique concernant ma dernière nouvelle que vous trouverez ICI.
Donc, en attendant, voici un petit pot-pourri de mes récentes lectures.
Eden : it's an Endless World / Hiroki Endo
La nouvelle édition de ce manga nous permet d’en apprécier toute la pertinence. En effet, le monde futuriste décrit par l’auteur est celui d’une humanité à l’agonie, prise en étaux entre un virus qui a décimé 15 % de la population, les problèmes de pollution et la raréfaction des terres arables.
Dire que le genre du « Cyberpunk » a été visionnaire est une lapalissade. Outre les sujets environnementaux, ce manga traite avec un certain brio de thèmes complexes comme le transhumanisme, l’extrémisme sous toutes ses formes, la mainmise de grandes compagnies industrielles sur le politique. Des questions qui appartiennent désormais à notre actualité.
Pour autant cette énorme fresque est loin d’être un pensum assommant. Endo danse sur le fil du rasoir entre la SF cérébrale et les moments d’actions décomplexés typiques du genre dans des envolées de destructions massives ou des joutes dantesques. L’humanité des personnages est tiraillée en permanence et il vaut mieux ne pas s’attacher à eux, car l’auteur fait souvent preuve d’une cruauté ahurissante vis-à-vis de ces protagonistes.
Balançant entre le drame et le grotesque, Endo parvient à infuser une mélancolie prégnante entre ses pages. Bien qu’Endo s’adresse à des lectures matures en raison des innombrables thèmes difficiles qu’il traite, il offre aussi à ceux qui oseront s’y pencher un univers foisonnant, complexe, riche en sujets de réflexions et en drames.
Le Troisième Œil / Olivier Ledroit
Dessinateur talentueux, déjà à l’origine de plusieurs titres cultes comme Les Chroniques de la Lune Noire (avec Froideval au scénario) ou Requiem Chevalier Vampire (avec Pat Mills), Ledroit se lance ici dans une série en solo.
Nantie de sa longue expérience avec différents scénaristes, Ledroit tisse un récit assez lâche, ce qui lui permet de jongler avec les clichés du thriller ésotérique.
Le sujet lui offre l'occasion de tester la peinture numérique pour nous éblouir de planches psychédéliques qui emboîtent le pas aux pérégrinations du héros durant sa course métaphysique dans un Paris transfiguré par les Grands Anciens de Lovecraft. Impossible de ne pas songer aux créatures de la nouvelle « De l’Au-delà » avec la horde de radiolaires, de cnidaires, de myriapodes, chiens de Tindalos et autres zooplanctons qui apparaissent dans ces planches.
Cette palette nocturne articule un récit aussi complexe que les différentes manifestations surnaturelles qui le hantent. L’histoire de la capitale est mise à contribution dans des explosions graphiques très expressives. De ce point de vue, l’album est une réussite et Ledroit lui confère une ambiance à nulle autre pareille.
Complexe dans son texte et la structure de son découpage, surprenant dans son parti-pris radical, cet album solo augure du meilleur pour la suite de la série. Olivier Ledroit, confirme ici son statut d’auteur fantastique complet.
Le Mercenaire / Vicente Segrelles
La BD espagnole est un tout un continent inexploré du 9e Art et Vicente Segrelles en est un des plus brillants représentants. À partir des années 80, il s’engage sur une longue saga d’héroïc-fantasy réalisé à la peinture à l’huile. Une technique unique dans le monde de la bande dessinée, de par sa lenteur d’exécution, mais aussi par sa richesse chromatique.
On y suit les pérégrinations d’un mercenaire sans nom, rappelant par cette absence de dénomination, l’archétype des westerns spaghettis de Sergio Leone. Cet anti-héros déambule dans des paysages arides, des cimes enneigées et d’imposantes gorges escarpées. Peuplé de dragons, de géants et de nefs volantes, ce monde est décrit dans une palette de couleurs d’une rare subtilité. Les pleines pages et les cadres amples invitent à la contemplation.
Le découpage cinématographique épouse à la perfection cette atmosphère languissante, nous menant par la main dans les méandres de cet univers singulier.
Vicente Segrelles n’oublie pas de conférer une portée universelle à son récit et une bonne part de son intrigue repose sur une course à l’armement alchimique, ce qui fait écho à la Guerre Froide qui se déroulait pendant la composition de la première partie de cette saga.
Présenté dans une intégrale réalisée avec soin, Le Mercenaire est une de ses œuvres qui, de par sa technique, sa narration limpide et son sujet, offre le meilleur de ce que la BD. Une série atypique, attachante et qui invite à la contemplation. On appelle ça un chef-d’œuvre !
Une dernière illustration pour la route... |
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