Deuxième fournée d’œuvres en vrac, plus orientée sur la bande-dessinée. Des chefs-d’œuvres et d'autres titres un peu plus anecdotiques, mais qui toutes présentent ce que je cherche en priorité dans n'importe quelle fiction : des choix esthétiques forts et assumés jusqu'au bout. En vous souhaitant une bonne découverte.
Beastars/Paru Itagaki; Ki-Oon
Marginal dans nos contrées, le genre de l’anthropomorphisme demeure pourtant le support idéal des fables, le plus à même d’explorer nos failles humaines par le biaise de la métaphore.
Témoin ce manga qui, sous couvert d’un prétexte classique : l’on y suit les pérégrinations d’un groupe d’adolescents appartenant aux lycées de Cherryton mêlant de manière mixte les herbivores et les carnivores disserte sur la morale et l'éthique. Car c’est dans le contexte placide de la vie scolaire bien rythmée qu’intervient un meurtre atroce.
Loup gris plutôt marginal, Legoshi décide de mener l’enquête, ce qui va l’entraîner dans le labyrinthe des faux-semblants et l’obliger à faire face à sa propre nature de prédateur.
Avec une narration fluide, l’auteur nous emmène dans un écheveau d’intrigues complexes, intriquées les unes dans les autres. Elle se sert de la liberté qui lui procure le genre animalier pour conduire son récit sur des rivages très sombres, n'hésitant jamais à saupoudrer certaines scènes d'un soupçon d'épouvante très efficace.
Du divertissement de grande classe donc, qui allie l’intelligence de son propos à une réalisation brillante. Probablement un des meilleurs mangas de l’année.
Marginal dans nos contrées, le genre de l’anthropomorphisme demeure pourtant le support idéal des fables, le plus à même d’explorer nos failles humaines par le biaise de la métaphore.
Témoin ce manga qui, sous couvert d’un prétexte classique : l’on y suit les pérégrinations d’un groupe d’adolescents appartenant aux lycées de Cherryton mêlant de manière mixte les herbivores et les carnivores disserte sur la morale et l'éthique. Car c’est dans le contexte placide de la vie scolaire bien rythmée qu’intervient un meurtre atroce.
Loup gris plutôt marginal, Legoshi décide de mener l’enquête, ce qui va l’entraîner dans le labyrinthe des faux-semblants et l’obliger à faire face à sa propre nature de prédateur.
Avec une narration fluide, l’auteur nous emmène dans un écheveau d’intrigues complexes, intriquées les unes dans les autres. Elle se sert de la liberté qui lui procure le genre animalier pour conduire son récit sur des rivages très sombres, n'hésitant jamais à saupoudrer certaines scènes d'un soupçon d'épouvante très efficace.
Du divertissement de grande classe donc, qui allie l’intelligence de son propos à une réalisation brillante. Probablement un des meilleurs mangas de l’année.
Grateful Dead/Masato Hisa; Casterman
Chine, fin du XIXe, début du XXe, Ko-Lin est une prostituée qui se métamorphose sur l'ordre d’un maître Taoïste en une redoutable combattante capable d’en remontrer au Jiang-Shi, des créatures mortes vivantes voisines de nos vampires.
Première série de Misato Hisa (Jabberwocky), ces deux albums établissent déjà la maîtrise de l’auteur sur son travail du noir et blanc atypique dans le manga et sa prédilection pour les univers fantastiques mêlant pléthore d’influences. En plus des Jiang-Shi nos héros se frotteront également à d’anciennes terreurs du Far West ou à des insectes intelligents.
Une œuvre empreinte d’un esprit très « série B » mais qui cache sous ses côtés décousus une aisance esthétique et narrative admirable.
Sans prétention, mais néanmoins avec une vraie envie d’exposer son amour de tout un pan de la culture cinématographique et littéraire populaire dans toute sa démesure, Misato Hisa conçoit chacune de ses aventures comme des incroyables melting-pots où les idées les plus farfelues acquièrent une réelle densité.
Chine, fin du XIXe, début du XXe, Ko-Lin est une prostituée qui se métamorphose sur l'ordre d’un maître Taoïste en une redoutable combattante capable d’en remontrer au Jiang-Shi, des créatures mortes vivantes voisines de nos vampires.
Première série de Misato Hisa (Jabberwocky), ces deux albums établissent déjà la maîtrise de l’auteur sur son travail du noir et blanc atypique dans le manga et sa prédilection pour les univers fantastiques mêlant pléthore d’influences. En plus des Jiang-Shi nos héros se frotteront également à d’anciennes terreurs du Far West ou à des insectes intelligents.
Une œuvre empreinte d’un esprit très « série B » mais qui cache sous ses côtés décousus une aisance esthétique et narrative admirable.
Sans prétention, mais néanmoins avec une vraie envie d’exposer son amour de tout un pan de la culture cinématographique et littéraire populaire dans toute sa démesure, Misato Hisa conçoit chacune de ses aventures comme des incroyables melting-pots où les idées les plus farfelues acquièrent une réelle densité.
Les Mythes de Cthulhu/Alberto Breccia, H.P. Lovecraft; Rackham
La rencontre de deux maîtres ! Pendant cinq ans, l’artiste argentin s’échinera à matérialiser les cauchemars de Lovecraft en BD. Un exercice d’adaptation beaucoup plus ardue qu’il ne le paraît au premier abord. Car si la langue de Lovecraft suscite des images stupéfiantes dans l’imaginaire du lecteur, il est beaucoup plus difficultueux de leur faire franchir la barrière graphique. Décrire n'est pas montrer...
Breccia va donc amener le médium de la BD dans ses derniers retranchements, usant de toutes les techniques à sa disposition pour rendre hommage aux maîtres de Providence : crayons, photographies retravaillées, collages… Les planches sont martyrisées par la plume, le pinceau et les multiples couches de lavis pour rendre au mieux les envolées hyperboliques de l’écrivain.
Et cela marche ! Il se dégage des dessins de Breccia une atmosphère glauque, une noirceur à couper au couteau. Les créatures tentaculaires de Lovecraft, noyées dans la brume d’un sfumato d’encre de chine, à la fois immenses et indiscernables, retrouvent cette aura de terreur que leurs confère le floue des adjectifs et des qualificatifs de l'écrivain.
S’aidant d’extrait direct du texte de Lovecraft, l’œuvre adaptative de Breccia réussit son pari de respecter l’esprit des écrits, conservant l'ambiance si particulière des nouvelles, tout en leur donnant une forme originale ou toutes les techniques de la BD noir et blanc sont mises au service du récit.
Du grand art !
La rencontre de deux maîtres ! Pendant cinq ans, l’artiste argentin s’échinera à matérialiser les cauchemars de Lovecraft en BD. Un exercice d’adaptation beaucoup plus ardue qu’il ne le paraît au premier abord. Car si la langue de Lovecraft suscite des images stupéfiantes dans l’imaginaire du lecteur, il est beaucoup plus difficultueux de leur faire franchir la barrière graphique. Décrire n'est pas montrer...
Breccia va donc amener le médium de la BD dans ses derniers retranchements, usant de toutes les techniques à sa disposition pour rendre hommage aux maîtres de Providence : crayons, photographies retravaillées, collages… Les planches sont martyrisées par la plume, le pinceau et les multiples couches de lavis pour rendre au mieux les envolées hyperboliques de l’écrivain.
Et cela marche ! Il se dégage des dessins de Breccia une atmosphère glauque, une noirceur à couper au couteau. Les créatures tentaculaires de Lovecraft, noyées dans la brume d’un sfumato d’encre de chine, à la fois immenses et indiscernables, retrouvent cette aura de terreur que leurs confère le floue des adjectifs et des qualificatifs de l'écrivain.
S’aidant d’extrait direct du texte de Lovecraft, l’œuvre adaptative de Breccia réussit son pari de respecter l’esprit des écrits, conservant l'ambiance si particulière des nouvelles, tout en leur donnant une forme originale ou toutes les techniques de la BD noir et blanc sont mises au service du récit.
Du grand art !
#NouveauContact/Bruno Duhamel; Bamboo
Habitant des Highlands, Doug est un marginal qui aime photographier son environnement et partager ses clichés sur les réseaux-socios. Jusqu’au jour où il tire le portrait d’un monstre qui barbote dans le lac. C'est à cet instant que sa vie tranquille bascule dans le chaos…
Ce récit est que le point de départ d’une satire à l’acide de notre époque et de tous ses épiphénomènes sociaux. Grâce à une narration simple et sans fioriture, Duhamel parvient à rendre compte du pathétique des polémiques à rallonges qui agitent les réseaux.
Militants de tous bords se retrouvent mis dos à dos dans cette histoire qui nous invite à prendre du recul sur nos harangues énervées, (volontairement ?) amplifiées par l'architecture des réseaux sociaux qui facilitent les prises de position extrêmes, l’immédiateté entraînant la surdité et la stupidité. À ce titre, ce n’est pas anodin que l’auteur s’échine à épingler l’Oiseau-Bleu, caisse de résonance par excellence des mauvaises nouvelles.
Une bonne BD donc, divertissante, et qui a le grand mérite de nous tendre un miroir déformant.
Habitant des Highlands, Doug est un marginal qui aime photographier son environnement et partager ses clichés sur les réseaux-socios. Jusqu’au jour où il tire le portrait d’un monstre qui barbote dans le lac. C'est à cet instant que sa vie tranquille bascule dans le chaos…
Ce récit est que le point de départ d’une satire à l’acide de notre époque et de tous ses épiphénomènes sociaux. Grâce à une narration simple et sans fioriture, Duhamel parvient à rendre compte du pathétique des polémiques à rallonges qui agitent les réseaux.
Militants de tous bords se retrouvent mis dos à dos dans cette histoire qui nous invite à prendre du recul sur nos harangues énervées, (volontairement ?) amplifiées par l'architecture des réseaux sociaux qui facilitent les prises de position extrêmes, l’immédiateté entraînant la surdité et la stupidité. À ce titre, ce n’est pas anodin que l’auteur s’échine à épingler l’Oiseau-Bleu, caisse de résonance par excellence des mauvaises nouvelles.
Une bonne BD donc, divertissante, et qui a le grand mérite de nous tendre un miroir déformant.
Les Montagnes Hallucinées/Gou Tanabe; Ki-Oon
Déjà auteur de mangas d’horreur, Tanabe, à la suite de Breccia, relève le défi d’adapter les récits de H.P.Lovecraft. Nouvelle longue et complexe, les Montagnes... ne se prêtent guère à l'exercice tant elle condense toutes les particularités difficultueuses du maître de Providence et il eût été à craindre que le trait trop précis de Tanabe ne le desserve.
Mais le mangaka connaît ses limites. Astucieux, il va détourner son style limpide pour représenter l'indicible. S’il commence pianissimo, les trois quarts de l’histoire narrant l’exploration polaire par le menu, il bifurque ensuite dans le second volume lorsque les créatures antédiluviennes rentrent en scène. C’est là que l’auteur met toute sa technique de dessin au service de l'emphase de son récit.
S’inspirant des peintures naturalistes d’Ernst Haeckel, il noie les planches dans une abondance de détails qui finissent par avoir un effet hallucinatoire sur le lecteur, similaire aux enfilades d’adjectifs et de qualificatifs dont raffole Lovecraft lors de ses plus belles envolées lyriques.
Ici encore le noir et blanc démontre que, derrière son apparente simplicité, une capacité a traité les sujets les plus délicats. Un travail de maître.
Déjà auteur de mangas d’horreur, Tanabe, à la suite de Breccia, relève le défi d’adapter les récits de H.P.Lovecraft. Nouvelle longue et complexe, les Montagnes... ne se prêtent guère à l'exercice tant elle condense toutes les particularités difficultueuses du maître de Providence et il eût été à craindre que le trait trop précis de Tanabe ne le desserve.
Mais le mangaka connaît ses limites. Astucieux, il va détourner son style limpide pour représenter l'indicible. S’il commence pianissimo, les trois quarts de l’histoire narrant l’exploration polaire par le menu, il bifurque ensuite dans le second volume lorsque les créatures antédiluviennes rentrent en scène. C’est là que l’auteur met toute sa technique de dessin au service de l'emphase de son récit.
S’inspirant des peintures naturalistes d’Ernst Haeckel, il noie les planches dans une abondance de détails qui finissent par avoir un effet hallucinatoire sur le lecteur, similaire aux enfilades d’adjectifs et de qualificatifs dont raffole Lovecraft lors de ses plus belles envolées lyriques.
Ici encore le noir et blanc démontre que, derrière son apparente simplicité, une capacité a traité les sujets les plus délicats. Un travail de maître.
Chronique de l’ère Xénozoïque : l’intégrale/Mark Schultz; Akileos
Perfectionniste, c’est un terme qui colle à l’illustrateur Mark Schultz qui dépeint dans cette unique BD un monde post-apocalyptique peuplé de dinosaures et dans lesquels les survivants tentent de retrouver, à leurs risques et périls, les techniques que leurs ancêtres (c'est à dire nous...) ont laissés derrière eux.
En dépit de son emballage très décontracté et dont les thèmes sont à même de faire piaffer d'anticipation les amateurs de série Z, Xénozoïque possède un réel propos et l’aventure, si elle est toujours présente, converge vers un objectif : traiter de l’écologie.
Aussi fantasque soit l'univers décrit par le trait et le découpage élégant de Schultz, la découverte de celui-ci nous entraîne dans une éthologie imaginaire dans laquelle les terribles sauriens – de retour en cette époque futuriste – ont leurs rôles à jouer dans un environnement devenu hostile à l’homme.
Hélas pour nous, Mark Schultz n’est jamais parvenu à concocter une conclusion satisfaisante à son œuvre, l’achevant sur un ultime rebondissement qui demeurera une porte ouverte sur une suite fantasmée par le lecteur.
Ce qui n’est pas une raison pour se priver d’un excellent ouvrage, divertissant et plus complexe que son concept de départ ne le laisse supposer.
Perfectionniste, c’est un terme qui colle à l’illustrateur Mark Schultz qui dépeint dans cette unique BD un monde post-apocalyptique peuplé de dinosaures et dans lesquels les survivants tentent de retrouver, à leurs risques et périls, les techniques que leurs ancêtres (c'est à dire nous...) ont laissés derrière eux.
En dépit de son emballage très décontracté et dont les thèmes sont à même de faire piaffer d'anticipation les amateurs de série Z, Xénozoïque possède un réel propos et l’aventure, si elle est toujours présente, converge vers un objectif : traiter de l’écologie.
Aussi fantasque soit l'univers décrit par le trait et le découpage élégant de Schultz, la découverte de celui-ci nous entraîne dans une éthologie imaginaire dans laquelle les terribles sauriens – de retour en cette époque futuriste – ont leurs rôles à jouer dans un environnement devenu hostile à l’homme.
Hélas pour nous, Mark Schultz n’est jamais parvenu à concocter une conclusion satisfaisante à son œuvre, l’achevant sur un ultime rebondissement qui demeurera une porte ouverte sur une suite fantasmée par le lecteur.
Ce qui n’est pas une raison pour se priver d’un excellent ouvrage, divertissant et plus complexe que son concept de départ ne le laisse supposer.
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