dimanche 30 mai 2021

    Bibliothèque des Ombres : Pot-pourris de rééditions remarquables...

    Pas encore de de progrès sur les travaux en cours – et ce ne sera pas pour ce début de mois de Juin, mon emploi alimentaire devenant aussi abscons que surréaliste en ces temps d’ouragan sanitaire – mais ce sera pour bientôt. En attendant quelques petites chroniques sur des BD (re)découvertes qui bénéficient de rééditions bienvenues pour des classiques de cette importance. 

    J’attire également votre attention sur Kirihito d’Osamu Tezuka qui, avec son contexte de maladie émergente et ses intrigues politico-médicales, est une parfaite anticipation de ce que nous vivons...

     

     Kirihito / Osamu Tezuka

    Avant d’être mangaka, Osamu Tezuka a suivi un cursus médical et il a observé ce microcosme pour en tirer la matière de ses meilleures histoires, dont la série consacrée au chirurgien marron Black Jack, mais aussi ce terrible récit centré autour d’une maladie, la Monmô, qui déforme les os de ses hôtes, les métamorphosant en lycanthropes.

    Pour découvrir les causes de cette infection, le docteur Kirihito se rendra dans le village isolé d'Inugami-Sawa. À la clé de ce travail peut-être le couronnement de sa carrière universitaire. Mais la jalousie, la malveillance et les accointances politiques de ses collègues ne tarderont pas à l’enferrer dans une machination diabolique. D’autant plus qu’il contracte à son tour la maladie...

    Dans les années 1970, Tezuka abandonne son ton enfantin pour se jeter à corps perdu dans le gekiga (manga pour adultes) afin de concurrencer ses collègues. Un changement aussi drastique que réussi qui offre à ses lecteurs des histoires très sombres dans lesquelles machinations politiques, sexe et violence se mêlent en un tourbillon vertigineux. N’ayant rien à envier aux meilleurs thrillers modernes, ces récits demeurent toujours d’une inquiétante réalité.

    Dans Kirihito Tezuka nous alerte sur les conséquences désastreuses qui résultent de la collusion entre le monde politique et médical. À méditer en ces temps de pandémie...

     

    Anita Bomba intégrale 1 : Journal d'une emmerdeuse / Éric Gratien & Cromwell

    Dessinateur punk, œuvrant dans le domaine de la BD et celui de l’illustration, Cromwell possède un univers déglingué bien à lui dans lequel s’écharpent des personnages aux faciès burinés par les accidents de la vie. En particulier quand ceux-ci s’associent pour leurs plus grands malheurs à la fameuse Anita et à ses bombes artisanales.

    Cette intégrale vous propose de redécouvrir les aventures « No Futur » de cette héroïne à nulle autre pareille. Accompagnée par des compagnons hauts en couleur – un mentor au visage indiscernable et un robot victime d’un syndrome de personnalités multiples –, cette fine équipe se lancera sur la piste d’un trésor faramineux, poursuivi par « La Misère », un super-héros usant d’une horde de piranhas mécaniques pour appliquer sa propre justice.

    La verve d’Éric Gratien, le trait nerveux et la bichromie de Cromwell font des merveilles pour dépeindre cet univers cabossé aux confluences de plusieurs genres comme le western, la SF post-apocalyptique et le récit de casse. Ni hommage servile, ni pastiche, mais quelque part entre les deux, Anita Bomba est un titre unique, et son héroïne explosive en constitue un des atouts de cette aventure dont les tours et détours vous surprendront.

    Pas encore de de progrès sur les travaux en cours – et ce ne sera pas pour ce début de mois de Juin, mon emploi alimentaire devenant aussi abscons que surréaliste en ces temps d’ouragan sanitaire – mais ce sera pour bientôt. En attendant quelques petites chroniques sur des BD (re)découvertes qui bénéficient de rééditions bienvenues pour des classiques de cette importance. 

    Spice & Wolf / Isuna Hasekura & Keito Koume

    Lawrence Kraft, marchand itinérant, accueille dans sa carriole une squatteuse d’un genre très particulier en la personne d’Holo. Cette (jeune ?) fille possédant une queue et des oreilles de canidés n’est autre que la déesse des récoltes en personne.

    Vous êtes-vous demandé comment s’organisait le commerce durant le moyen-âge ? Ce manga va vous donner un début de réponse. Cette fantaisie sur fond de bouleversement religieux exploite un sujet inédit dans la littérature de fantasy, plus axée sur les guerres d’honneur et les rois que sur la réalité matérielle des vilains.

    Pour autant, le voyage de Lawrence et Holo n’est pas un pensum aride, et le caractère volontiers fantasque de la déesse déchue apporte une épice comique qui n’est pas désagréable. Le ton se pare parfois de pointe de mélancolie, de poésie, car le périple d’Holo n’est autre que la révérence d’une divinité séculaire qui abandonne le monde des hommes.

    Une œuvre attachante qui s’éloigne des figures classiques du genre pour donner une autre image du moyen-âge, bien plus proche de nos problématiques économiques que nous ne le supposions.

     

    Promethea / Alan Moore & J.H.Williams III

    Étudiante en littérature, Sophie Bang – qui habite une année 1999 fantasmée, avec super-héros de la science incluent en bonus – base sa thèse de fin d'étude sur Promethea, une héroïne qui ne cesse de poindre dans les récits. Présente dès le VIIIe siècle, elle se sublime dans les strips des journaux dominicaux, puis dans les pulps des années 30… Au fur et à mesure de ses recherches, Sophie est appelée à devenir l’incarnation de la prochaine Promethea

    Alan Moore nous offre ici une nouvelle vision, enluminée par le dessin hyperbolique de J.H.Williams III, qui se centre sur une figure mythologique féminine. Les nombreuses digressions du récit, qui paraissent d’abord superfétatoires ne sont là que pour soutenir le propos de l’écrivain qui s’avère, comme toujours, un vibrant hommage à l’imagination que Moore considère comme la véritable force cachée en l’homme.

    Car Promethea – déclinaison transparente de Prométhée – qui ne cesse de se transcender dans les récits, souvent mise en comparaison avec les fameux « héros de la science », n’est constituée que d’imaginaire et ne peut-être appelée qu’avec le verbe créateur. C’est donc à une véritable initiation occulte que nous invite l’auteur. Ce qui donnera parfois des chapitres touffus, mais néanmoins capitaux pour la compréhension de l’histoire.

    À travers Promethea, Alan Moore nous invite une fois de plus à prendre conscience que c’est l’imagination collective de l’humanité qui meut le monde. Parfois en bien. Trop souvent en mal.

     

    Fear Agent : omnibus / Rick Remender & Tony Moore

    Heath Huston est le dernier Fear Agent de l’univers : un terrien capable de supprimer tous les extra-terrestres malveillants existants. Bâti dans le granit de l’americana la plus pure, il engloutit des litres de whisky sans problème. Il sillonne l’espace dans sa fusée, cigare au bec, à la recherche de nouvelles missions.

    Prenant comme point de départ un hommage aux récits pulps testostéronés des années 20, le scénariste Rick Remender oblique très vite dans une orbite plus satyrique. Si les premières histoires dépeignent les opérations musclées d’Huston, l’armure d’airain de notre protagoniste se fragilise rapidement. Plus clodo de l’espace que héros, Heath Huston ne cesse de réparer son passé en effectuant des sauts temporels… qui ne font qu’aggraver la situation.

    Rejeton tardif du Cannon de Wallace Wood, Fear Agent montre comment un scénariste talentueux utilise un stéréotype usé jusqu’à la corde pour en altérer la perception que nous en avions. D’un récit de SF pétaradant qui n’a rien à envier à une célèbre franchise hollywoodienne, Remender oblique vers le portrait d’un homme hanté par ses remords et tenaillé par une dépendance morbide qui ne cesse de lui faire prendre les plus mauvaises décisions, aux plus mauvais moments. En dépit de tous ses ennemis hauts en couleur, Heath Huston est la pire Némésis d’Heath Huston.

    Un comics qui vaut mieux que n’importe quelle publicité de tempérance. 

    Tu t’es vu quand t’as bu ? Tu détruis l’univers. Littéralement !

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