Affichage des articles dont le libellé est intellectualisme primaire. Afficher tous les articles
    Affichage des articles dont le libellé est intellectualisme primaire. Afficher tous les articles

    samedi 13 avril 2019

    Bibliothèque des Ombres : Moi ce que j'aime c'est les Monstres/Emil Ferris

    AVERTISSEMENT : Ceci n’est qu’un avis que vous n’êtes en aucune manière obligé de partager. Mon humble but ici est de proposer une lecture de mon ressenti. Si d’aventure vous vous sentez l’âme d’un justicier en déposant une pêche dans la section des commentaires, sachez que cela ne me fera pas changer d’avis et que vous perdrez votre temps. En vous remerciant pour votre compréhension…

    Cet imposant pavé de plus de 500 pages nous est présenté dans un bel écrin par les éditions de M. Toussaint Louverture [1]. Nous suivons les aventures de Karen Reyes – avatar fantasmé de l’auteur – qui enquête sur le meurtre de sa voisine de palier, une certaine Anka Silverberg… Reyes apparaît comme l’une de ces adolescentes complexées, fascinée par les monstres, elle s’imagine souvent en privé « dur à cuire » à la dégaine de lycanthrope.

    Le dessin au bic, vendu comme une des originalités de l’ouvrage alors que la technique a déjà été exploitée plusieurs fois [2], n’est pas dénué de cachet. Les couvertures de faux magazines de cinoche horrifique type « Fantagoria » qui séparent les chapitres sont d’une facture tout à fait appréciable et convoquent une contre-culture à laquelle je ne peux qu’être sensible. C’est d’ailleurs la partie la plus appréciable de la BD. La patte d’animatrice et de publicitaire de l’auteure transparaît dans la composition des planches, dans l’attention accordée à une homogénéité symétrique qui frappe l’œil dès la première vision.

    Si le graphisme est à la hauteur, où est le problème ? Simple ! Emil Ferris ne sait pas réaliser une bande dessinée. La lourdeur pachydermique de son découpage chaotique m’a assommé. En conséquence, la lecture de cette œuvre s’est étirée sur des semaines et des semaines du fait de longues pauses. Revenir à ces pages pachydermiques a nécessité de prendre une inspiration profonde pour essayer de décortiquer ces arabesques nonsensiques comme un Champollion fou.

    La narration écrite se perd dans des circonvolutions abracadabrantesques, fait des nœuds dans sa propre histoire, abuse d’une pénible glossolalie rhétorique qui surligne chaque minuscule détail superfétatoire. On pourrait mes rétorquer à raison que c’est un effet de style littéraire, mais ici cela ne fonctionne pas et procure non l’immersion mais une prégnante migraine après dix minutes de lecture. L’ensemble aurait dû subir une relecture attentive : entre les répétitions, les adverbes et les phrases alambiquées placées de manière gratuite au petit bonheur la chance, c’est un festival d’horreur pour les yeux.

    Je ne pense pas que les traducteurs soient pour quelque chose dans ce massacre. Ce style, je le reproche à l’auteure ! Et si le conditionnement de l’édition française est un écrin à la limite de la flagornerie, je ne subodore pas que ses responsables aient eu un quelconque mot à dire sur le produit d’origine. Mes piques s’adressent surtout à la publication américaine, aux personnes qui auraient pu convaincre Ferris de tailler dans le vif d’un script abscons.

    N’en déplaise aux nombreux laudateurs, une BD transmet ses informations nécessaires à la suspension consentie de l’incrédulité et à la maturation des émotions par le prisme de l’image ; or ici, on est loin du compte : la mise en page sous forme de cahier, qui part d’une bonne idée pour coller au thème de l'adolescence, nuit à la clarté de l'ensemble ; les dessins correspondent avec une remarquable exactitude aux interminables descriptions embrouillées que l’on a lues quelques minutes plus tôt ; le découpage saute d’une séquence à l’autre sans rime, ni raison, se permet des torsions pour flatter l’œil, mais perd en route sa logique événementielle… N’est pas Fred qui veut, etc.… En résumé, l’auteure sacrifie le confort de son auditoire sur l’autel d’une esthétique snobinarde assez insupportable.

    Puisque l’ouvrage se place dans la catégorie très discutable des « romans graphiques », je reviens un petit moment sur sa narration : si nous emboitons le pas à une adolescente, alors le style ampoulé de l'auteure n’épouse jamais les perceptions de son personnage. On sent le poids de l’adulte qui essaie – sans jamais y parvenir – de retrouver ses sensations de jeunesse. Sans parler de singer l'écriture d’une gamine dans l’Amérique en plein bouleversement des années 60, ce qui est une vraie gageure[3] en soi, il est tout de même possible de créer l'illusion d'une voix intérieure, en usant d'une prose en décalage constant avec les situations rencontrées...[4] Les outils stylistiques existent, encore faut-il avoir l’imagination pour les utiliser. Je ne m'étendrais même pas sur l'apparition des appétences charnelles qu’explore ce pénible monologue et qui n’échappe pas au psychologisme de comptoir. Cette complaisance laudative a poussé de quelques crans supplémentaires ma détestation de cette BD. C’est une appréciation subjective, mais ce sujet n’apporte à mon sens pas grand-chose à l’histoire et il est exposé de manière si prosaïque, avec si peu de subtilité, que cela en devient embarrassant.

    Conséquence de tout cela, le propos initial se délite dans un bric-à-brac incompréhensible. En dépit du marasme ambiant, certaines séquences fonctionnent. J’ai tout de même goûté le passage sur le traitement des prostituées dans l’Allemagne Nazie, qui est raccord avec la symbolique du monstre créé par Ferris, bien que cette séquence soit amenée dans le récit avec la finesse d’un bulldozer aviné [5].

    Mais plus encore que ce qui aurait dû rester un modeste récit à la première personne, un de ces exercices égotiques sans plus d’incidence que nous inflige depuis quelques décennies déjà le milieu de la BD dite « underground », s’est retrouvé par la grâce d’un air du temps délétère propulsé au rang de chef-d’œuvre insurpassable.

    C’est non sans ce que je nomme, de manière péremptoire, une certaine fierté que les rabats du quatrième de couverture nous apprennent qu'Emil Ferris a contracté le virus du Nil lors d’un voyage en Égypte. Conséquence immédiate, notre auteure a dû réapprendre à dessiner, et c’est de cette résurrection miraculeuse qu’est né ce fœtus de BD.

    Qu’on soit bien d’accord, cela est fort dommageable pour elle, mais cela ne contribuera pas à me rendre plus sympathique cet ouvrage qui m’est apparu comme, au mieux, antipathique. Qu’on se le tienne pour dit : on a tous nos problèmes et être malade, handicapé ou même tétraplégique n’est pas ce qui nous dote du talent ultime ! Comme l’époque nous oblige à souligner l’évidence : quels que soient votre condition physique et votre sexe, vous n’excellerez dans votre domaine de prédilection qu’avec une pratique journalière, assidue et une remise en question de tous les instants. Être affecté d'un quelconque particularisme n’est pas et ne sera jamais un sésame pour produire une œuvre de qualité. Je ne dis pas qu’Emil Ferris n’a pas sué sur ce livre, en revanche je maintiendrai qu’avant de passer le stade la publication, le manuscrit aurait dû bénéficier d’un travail éditorial musclé pour éviter des scories et gagner en efficacité tout en perdant des pages superflues dans l’opération.

    Je demande à un auteur de m'entraîner à la découverte, à travers une narration qui respecte les règles de l’art, une vision, une interprétation du monde, une rêverie, quelque chose qui me montre le meilleur de l’humanité, étant donné que nous sommes quotidiennement confrontés à la médiocrité de notre apathique époque. Que la santé de madame Ferris soit défaillante est une donnée biographique qui peut éclairer certaines choses si d'aventure la passion qu'elle nous inspire nous pousse à disséquer ses œuvres, à essayer de comprendre le pourquoi du comment de la formation de ses thèmes de prédilections, mais ce n’en est en aucun cas un argument valable pour adopter une posture de supériorité qualitative. Et cela ne nous dispense pas, en tant que lecteurs avisés et matures, de débrancher notre esprit critique !

    Comme je m’attaque à un ouvrage qui bénéficie d’une impressionnante aura de légitimité dans le minuscule milieu éditorial, je vais tenter de tirer ici une conclusion de tout cela. Il y a une myriade de points problématiques à soulever sur ce livre, mais d’une part cela aurait étiré au-delà du raisonnable ce texte déjà bien trop long, d’autre part cela aurait nécessité des recherches documentaires que je n’ai hélas, ni le temps, ni les moyens et surtout pas l’envie de mener. Donc :

    J’appuierai ici sur un point que me reprocheront sûrement les idiots de notre merveilleuse époque : je n’ai rien contre les femmes dans les arts. Que du contraire même !

    Cependant, les travaux qu’elles fournissent doivent être à la hauteur de mes attentes. Dans le cas qui nous occupe, j’ai plus l’impression que cet album a été produit pour satisfaire à des desiderata sociétaux plutôt que qualitatifs, ce qui a sur moi un effet émétique foudroyant !

    D'autant que ce type d’œuvres masquent mal une idéologie, qui tend de plus en plus vers la propagande se généralise. Particulièrement dans le monde de la BD francophone et américaine qui me paraît plus perméable aux discours simplistes faisant une part belle aux raisonnements tronqués et autre sophisme. L’ironie dans le cas d’Emil Ferris c’est que celle-ci traite du nazisme en usant d’une symbolique pompière qui maquille à la truelle son sermon implicite et explicite.

    Mais peut-être que je me trompe, que je sur interprète. Peut-être… Il n’en demeure pas moins qu’au final toute cette littérature est survendue à l'excès, car, au risque de me répéter, ce n’est pas vos orientations sexuelles, vos maladies ou vos handicapes qui font votre talent. C’est un travail constant et opiniâtre, quelles qu’en soient les conséquences sur soi et sur les autres qui sont la marque des artistes digne de ce nom… À l’inverse de l’imagerie d’Épinal, pratiquer ce sacerdoce n’est pas enviable et le prix à payer en est souvent élevé que ce soit dans ses relations sociales, amoureuses ou laborieuses. Cela n’a rien de glamour. C’est une répétition ennuyeuse de gestes pour réussir à arracher à la vase une création qui ait un minuscule intérêt.

    Ce qui me fout en rogne c’est de placer sur un piédestal la personne derrière le crayon plutôt que le résultat sur la planche. En l'état Emil Ferris m’a infligé un pensum assommant. Et si je comprends l'idée qui sous-tend ses scènes, la matérialisation sur le papier échoue sur tous les tableaux à être lisible.

    Mais des femmes qui écrivent et qui dessinent avec un peu plus de talent et de faconde, il y en a ! Et il y en aura toujours. Et c'est tant mieux ! Tellement en fait que je ne pourrais pas avoir assez de deux vies pour parcourir les œuvres qu’elles nous ont donnés. Néanmoins, je ne m’adonnerais pas à cette ivresse sur le simple fait qu’elle ait une vulve comme appareil reproducteur, mais bien parce qu’elles ont eu un cerveau et une imagination d'une puissance infinie qui a embrassé tous les paradoxes de la créature humaine.

    D’ailleurs pour certaines d’entre elles qui rentrent dans mon panthéon personnel des auteurs qui m’ont le plus marqué et je serais incapable de de pratiquer la dissection critique sur leurs travaux de peur d’y égarer ma plume dans un océan de richesses. Plus tôt que de perdre votre temps précieux dans la lecture de ces monstres navrants, abîmez-vous dans les mondes d’Ursula K. Le Guin, allez à la rencontre de la féline Omaha auquel Kate Worley a prêté sa voix, goûtez aux vaudevilles survoltés de Rumiko Takahashi, à la science-fiction douce amère de Moto Hagio, explorez les origines de la littérature gothique avec Mary Shelley ou avec les sœurs Brönte, creusez les profondeurs de l’horreur avec Shirley Jackson ou Tanith Lee, frissonnez avec le western cannibale d’Antonia Bird : Vorace… et tant d’autres.

    Quand on cherche, on trouve !

    ____________________________________________________

    [1] — lesquels ont réédité le plus fréquentable Watership Down de Richard Adams, que je vous recommande plutôt…

    [2] — notamment par Cromwell, l’auteur d’Anita Bomba dont je vous conseillerai plutôt la fréquentation. D’autant que les éditions Akileos ont sorti une bien belle intégrale.

    [3] — Un petit tacle gratuit à Oscar & la Dame Rose d’Eric Emmanuel Schmidt qui est un cas d’école de non-écriture dans le genre, avec ses phrases simple à la naïveté mécanique qu’on croirait jaillir d’une IA qui simulerait l’écriture d’un enfant.

    [4] — L’auteur de SF Jack Womack dans le glaçant Journal de nuit dont la réalité cauchemardesque est à nos portes parvient à simuler le style d’une adolescente de douze ans de manière crédible, avec toutes ses contradictions.

    [5] — Bien que le même sujet a été traité d’une manière beaucoup plus réussie et assez poignante dans la 27e lettre de Will.

    mardi 15 mai 2012

    La BD de Reportage en Question

    Après une très longue absence dû autant à un boulot accru qu'à un monstrueux déménagement (je ne m'en suis pas encore remis d'ailleurs), j'ai très peu posté depuis deux mois et mes nombreux projets en ont pâti. Autant dire que je vais m'y remettre sous peu avec la suite de la nouvelle, et d'autres petites choses. En attendant, une nouvelle critique BD sur un phénomène de plus en plus à la mode mais que je trouve un poil limité...

    GAZA 1956, EN MARGE DE L’HISTOIRE/JOE SACCO

    Pour bien réfléchir autour de la bande-dessinée de reportage, il est important de se poser la question du médium. Est-ce que, à notre époque, la BD est le médium le plus approprié pour rendre compte un événement donné dans toute sa complexité ? Ne vaut-il pas mieux parfois une bonne fiction des familles pour pouvoir embrasser une culture, un événement….



    Non pas que certaines BD de journalisme manquent d’un dessin approprié ou d’un propos mais je m’interroge sérieusement sur la pertinence de celles-ci. La BD journalistique n’a rien à voir avec les anciennes illustrations exécutées par des artistes besogneux pour les quotidiens du 19ème siècle. (comme dans des quotidiens comme "l’assiette au beurre" ou "l’illustration" ). Même si Joe Sacco se rapproche un peu de cette démarche, on doit avouer à la lecture que son œuvre est un peu maladroite.
    

    Je m’explique.

    L’auteur décrit un événement oublié de la guerre du Moyen-Orient (le massacre d’une centaine de Gazaouis en 1956) en appliquant à la BD des méthodes de recherche journalistique. Joe Sacco se réclame d’une BD novatrice, qui serait selon lui ancrée dans la Vérité. Hors cette approche du sujet va induire une maladresse contenue dans la nature même du dessin qui n’est que subjectivité. Poser un trait sur sa feuille de papier traduit déjà une intention et un état d’esprit de manière encore plus vive qu’un simple texte, lequel pourra avoir l’apparence d’un compte-rendu sec. (ce qui n’est jamais vraiment le cas nous sommes d’accord.) Le postulat de départ de Joe Sacco ne tient pas une seule seconde face à une analyse minimale de la chose.

    Prenons la photographie par exemple.

    Lorsque les premières photos de reportage apparurent dans les quotidiens, l’opinion publique perçut cette technique comme un la représentation définitive de la Réalité. Hors n’importe quelle photographie est, au sein de la presse, choisie selon des critères très précis. L’angle de prise de vue, les filtres utilisés pour tirer l’image, le grain de l’émulsion chimique….  sont autant d’artifices qui induisent une sensation, un sentiment et donc de la subjectivité. N’importe quelle photo de reportage trahit les intentions conscientes et inconscientes de son auteur et donc LA vérité (si tant en est qu’il y en ait une). Pourtant, une photo est bien plus « objective » dans sa représentation du réel qu’un dessin…
    

    Dans ce cas, comme nous le voyons bien, le présupposé de l’objectivité ne tient pas une seule seconde quand on emploie un médium comme la BD.

    Joe Sacco, en recherche d’authenticité, va jusqu’à se mettre en scène en train de faire les recherches pour son livre, dans un bel accès d’autosatisfaction. Or cette mise en abîme pour le moins gratuite écorche un peu plus un récit trop fouillé, se perdant dans des considérations souvent inutiles. Alors certes, toute cette sombre histoire mérite bien 500 pages mais doit-on forcément souffrir des doutes de son auteur devenant LE personnage central de l’histoire ?

    
    Joe Sacco dans sa propre BD....

    Professer une attitude d’auteur sérieux et remplis de doute (que je ne remets pas forcément en cause) tout en employant LE moyen d’expression le plus subjectif de tous, cela interpelle un peu. L’auteur confesse s’être documenté à l’aide de photos et avoir conçu ses dessins en utilisant ce support, ce qui amène à se poser la question de savoir si la BD était le seul moyen de raconter cette tranche d’histoire et si oui, pourquoi ne pas en tirer une fiction qui aurait eu le mérite de :

    1 – Nous plonger au beau milieu de l’histoire.

    2 – Nous faire oublier toute les lourdeurs narratives dont se rend régulièrement coupable Joe Sacco.


    Au-delà de tout intérêt porté aux événements historiques, malgré un découpage parfois intéressant, les nombreuses tergiversations que l’auteur nous impose finissent par élimer notre bonne volonté de lecteur. Personnellement il m’a fallu 15 longs jours pour venir à bout de ce pavé là où une BD se lit en 30 minutes (disons une semaine pour les énormes pavés…).

    Las, l’auteur avoue ne pas être arrivé à retirer tout le potentiel horrifique du drame qu’il dissèque en long, en large et en travers. Une conclusion prenant la forme d’un tel aveux d’échec a de forte chance de rester en travers de la gorge de nombres de lecteurs (dont votre serviteur). Comme pour se dédouaner, Joe Sacco nous offre donc en toute fin une rapide mise en scène en focalisation interne du calvaire d’une des victimes. Cela ne marche pas.

    Reconnaissons que Joe Sacco se débrouille graphiquement et qu’il posséde les moyens de mettre en scène SA reconstitution. L’ensemble aurait donc gagné à être épuré, l’auteur n’aurait pas dû faire l’impasse sur le choix d’un point de vue, quitte à combler les trous noirs laissés par l’histoire en utilisant son imagination.
    Est-ce vraiment important de savoir si les soldats étaient 40 ou 35 ?? ….

    Une fiction aurait eu le mérite de nous impliquer dans la vie des personnages. On aurait pu s’accrocher à eux et donc charger les silhouettes d’encre de chine de notre compassion….
    Ce choix qui me rend si perplexe peut s’expliquer par un rejet de plus en plus embarrassant d’une part de l’intelligentsia de refuser tout bienfait à la fiction car TOUT aurait été écrit (ou dessiner, comme vous voulez…). Le réel et le présent ne seraient donc devenus l’Alpha et l’Oméga de tout art narratif de qualité. Maintenant et ici deviendrait donc le seul et morne horizon de tout auteur, condamné à tourner en rond autour de son nombril. Cette approche d’un cynisme évident appauvrit considérablement les œuvres actuelles tout en affichant un souverain mépris pour le lecteur lambda (deuxième effet kiss-cool).

    L’AFFAIRE DES AFFAIRES/LAURENT ASTIER ET DENIS ROBERT.


    Un effet que nous retrouvons dans L’Affaire des Affaires, œuvre qui, quoique moins maladroite, manifeste toujours cette volonté de vouloir nier la fonction cathartique de la fiction. Le récit fonctionne mieux, sans doute grâce à un graphisme plus énergique mais on se sent peu à peu gagner par un ennui morose. La faute à une histoire complexe dont les tenants et aboutissants, même s’ils sont graves, ne sont que maladroitement mise en valeur.



    On aurait pu se passer des longues séquences d’atermoiements de son auteur, lesquelles alternent avec quelques métaphores bien plus efficaces que toutes les circonlocutions légales dont nous abreuve jusqu’à la nausée le héros/scénariste. En effet, en laissant de temps à autre les coudées franches à son dessinateur ce qui donnent lieux à quelques bonnes planches qui nous font rentrer de plein pied dans le domaine de l’illustration, ou du strip caricatural acerbe telle qu’on en faisait dans les journaux satiriques du 19ème siècle.


    En dehors de ces fulgurances qui prouvent encore une fois qu’un dessin vaut mieux que de longues explications, Denis Robert nous expose d’interminables tunnels de dialogues redondants tour en nous assommant à coups de philosophie de comptoir. Pas forcément le meilleur moyen de s’attirer les bonnes grâces du lecteur.

    On se dit alors que le rythme n’a pas été pensé et que les auteurs ne ce sont pas posés la question de la pertinence du support BD pour leurs histoires. Non pas que la BD doive forcément se cantonner à la fiction mais il faut bien comprendre qu’elle est un médium de communication rapide. Le dessin et le texte doivent se compléter et il faut qu’il y ait une adéquation entre la narration écrite et dessinée pour que cela fonctionne correctement. Les japonais l’ont particulièrement bien compris et leurs mangas informatifs n’oublient jamais la place importante de la dramaturgie dans leurs processus (ce qui explique aussi leurs succès, voir les « Gouttes de Dieu » consacrés à l’œnologie.)


    C’est d’autant plus dommageable que les auteurs avaient ici matière à bâtir un excellent suspens en prenant soin de préparer un montage adéquate tout en nous épargnant de longues scènes de dialogues absolument rébarbatives. Je pense que son auteur, en particulier Denis Robert, s’est improvisé scénariste sur le tas, sans prendre en compte les spécificités de la BD. Alors certes, l’appétence du public français pour le linge sale politique (et dieu sait qu’il y en a) a joué en faveur de son auteur mais cela ne fait pas oublier une construction bancale.


    Je pense que cette voie, tout du moins comme elle est envisagée pour le moment, c’est-à-dire sur des phénomènes de mode évanescent, comporte en elle les germes de sa propre destruction. Finalement ce ne sont pas les sujets qui sont en cause de l’échec de la BD de reportage envisagé en occident (je ne parlerais pas du côté asiatique car ils ont une manière de faire autrement plus performante de ce point de vue.) mais bien la manière de traiter le sujet. Tout se passe comme si les auteurs ne peuvent pas se séparer de leurs imposants égos et que celui-ci devait forcément phagocyter le sujet.

    Que ce soit Joe Sacco ou Denis Robert, les choix de mises en scènes desservent le propos. Si les deux auteurs, journaliste de formation à la base, ont d’indéniables qualités dans leurs domaines respectifs, il est important de remarquer que devenir un auteur de BD demande de s’entraîner tous les jours. Il ne s’agit pas ici de faire du journalisme mais de raconter une histoire par le biais de personnages. Quelque-soit la notoriété gagnée par un journaliste, cela ne fait pas de lui un bon auteur de BD.

    lundi 31 octobre 2011

    Immobilier mon Amour.



    Parce que je me mets à rechercher de nouveaux lieux pour vivre et que je n'ai plus cherché depuis 9 ans à peu près, je réalise à quel point la situation à Bruxelles, ville que j'aime autant que je hais est devenue quasiment similaire à celle de Paris. Alors qu'il y faisait autrefois bon vivre et qu'on pouvait trouver des loyers corrects, les choses se sont compliquées grâce à la capitalisation à outrance dont la violence psychologique autant que physique nous jette les uns contre les autres.

    Outre la Gentrification accélérée, méthode de vente/location à l'arrache, les proprios demandent des garanties, des dossiers et se permettent "de sélectionner" les futurs locataires sur des critères qui empêchent l'accession d'une grande majorité de personnes à un toit.

    Quand les logements ne deviennent pas purement et simplement des biens de locations de vacances pour bourgeois étrangers, voir la vidéo de Seb Musset


    La violence capitaliste envahit tout comme du chiendent. Alors merci à tous les connards qui permettent un tel état d'esprit dans tous les domaines de la vie, merci à tous les enfoirés de faire de notre quotidien une espèce de course de rats perpétuelle. 

    Merci à tous les lâches qui se font sous eux en pérorant des complaisants "c'est comme ça". C'est comme ça parce que VOUS voulez laisser les choses comme ça à travers des renoncements et des bassesses dans votre vie de tous les jours.  

    Et merci aux trous du cul de l'Union Européenne qui s'engraisse sur le sol Belge sans JAMAIS reverser une putain de dîme pour faire vivre l'état, donc la collectivité.

    Je vous Hais Tous.