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    jeudi 20 juillet 2017

    Bibliothèque des Ombres : Lovecraft : au Coeur du Cauchemar/Collectif (in Psychovision)

    Après un déménagement épique - pas encore tout à fait achevé - je reprend les rênes du blog avec une nouvelle chronique qui poursuit l'exploration du corpus Lovecraftien de fort belle manière. Un livre que se sera fait, néanmoins la récompense aura été à la hauteur des espérances... A un ou deux détails près...
     
    http://www.psychovision.net/livres/critiques/fiche/1350-lovecraft-au-coeur-du-cauchemar
    Pour accéder à l'article, cliquer sur l'image.

    
     

    jeudi 12 janvier 2017

    Ephémérides 2016 : L'année de tous les dangers !

    Comme d’habitude depuis quatre ans, je m’autorise un coup d’œil dans le rétroviseur spatio-temporel pour évaluer l’année écoulée. Une occasion de m’exprimer un peu plus ouvertement sur mes préoccupations, sans le filtre de la fiction.



    1. Le Capitaine Ükbukhak Swenkusu.

    Un capitaine pirate qui devrait apparaître dans la suite des Chroniques de Yelgor. Contrebandier d’esclaves et de reliques anciennes, il appartient aux tribus léoniennes du sud et manipule un sabre sculpté dans un os de denforte, un redoutable prédateur des mers. Un personnage qui donnera du fil à retordre à nos héros.

    2. Les Élections de tous les Dangers !

    J’en avais déjà parlé l’année dernière, mais plus les années passent et plus il devient difficile de faire l’autruche en ce qui concerne l’état pitoyable de notre monde et à la morosité politique répond une question environnementale toujours délaissée par nos merveilleux dictateurs en chef, signe que nous progressons inexorablement vers un abysse conçu de nos mains. La maîtrise du réchauffement climatique repose sur une dure remise en question des philosophies qui guident nos actes aux quotidiens et que ceci est plus de l’ordre de l’éducation, un secteur abandonné par nos gouvernements successifs, car des citoyens éduqués sont à même de distinguer l'énorme fraude que sont ces belles personnes qui se drapent dans de grands maux.

    2017 se profile donc comme une étape décisive vers la catastrophe annoncée. Oh ! Cela ne prendra pas la forme d’un blockbuster hollywoodien et il n’y aura sûrement pas d’homme providentiel, de Jésus Christus capitalisto-compatible pour nous sauver nos faibles couennes. Cela sera graduel et lorsque nous esquisserons un geste — parce qu’inondations, sécheresse endémique, surpopulation et pandémies virulentes —, la maladie aura gangréné tout le système. Trop tard pour les larmes de crocodile. Inutile de prétendre que vous, hommes de pouvoir pathologiquement agrippé à l’accumulation de richesse, vous ne saviez pas. Vous saviez et vous vous êtes lavé les mains sans honte. Nous aurons scié la corde sur laquelle nous nous tenons au bord de l’abîme. En tant qu’espèce, nous serons vaincus par nos fantasmes morbides, nos religions délétères et notre profonde lâcheté.

    Et c’est mieux comme ça.

    Oui, mais toi, que fais-tu pour éviter ça ?

    Bah, en dehors de quelques gestes, le commun des mortels ne peut pas faire grand-chose sans une vraie volonté politique pour coordonner cette grande machine cabossée qu’est notre société moderne. Ce n’est pas en culpabilisant comme le font les nombreuses campagnes de pubs – dont nous pouvons questionner l’utilité et les raisons réelles de leurs mises en place – que les choses avanceront. Car ce sont les entreprises qui polluent bien plus que n’importe quel péquin moyen pourrait le faire durant toute son existence, même en se roulant dans la fange chaque minute que Dieu fait. Le problème étant que le dogme libéral nous a tellement enfoncé dans le crâne que le capitalisme était la dernière des idéologies que nous ne sommes plus capables de penser en dehors des clous.

    Si nous souhaitons devenir pérennes en tant que civilisation, nous devons arrêter de nous foutre la tête dans le sable et nous extraire les doigts du cul. Passez d’un monde dominé par les multinationales et le profit – le pire des scénarios déjà envisagés par les écrivains cyberpunk – pour un autre, soutenu par de nouveaux symboles. De nombreux sacrifices seront réclamés à commencer par le déboulonnage de nos idoles et de nos fétiches. Exorcisons le culte de la bagnole, de la rentabilité, du travail et de la performance… Il y a un grand vide de la pensée mythique à occuper d’urgence, car sans ce socle nécessaire, nous ne pourrons pas changer notre mode de vivre. Nous sommes autant façonner par les mythologies que nous les façonnons.

    Gardon aussi à l’esprit que nos monstres de Frankenstein ne se laisseront pas porter à l'abattoir sans livrer un ultime combat. Glodman Sachs, Disney, KFC… ne mourront pas d’elle-même. Elles sont investies de l’importance que nous leur avons accordée. De fait, elles possèdent une « âme » faite de l’amas de leurs travailleurs qu’elles modèlent selon leurs valeurs et leurs légendes. Ce sont des égrégores terriblement puissants présents partout, au quotidien dans nos plats, dans notre culture et dans les slogans politiques. Nous devrons livrer une bataille sanglante contre des géants que nous avons bâties de nos propres mains.

    Autrefois, nous avons songé que ce type d’organisation nous permettrait d’accéder à un monde de merveilles. Hélas, elles se conduisent en créatures égotistes et perverses, semant la mort et la destruction. Non parce que cela leurs procure du plaisir, mais parce qu’on nous les avons programmés pour ça ! Rien dans leurs actes de naissance ne les oblige à servir l'intérêt général. Ce sont des robots spécialisés auxquels non seulement nous avons oublié d'intégrer les trois lois d’Asimov, mais qui sont aussi à même de ce saisir de tout l’arsenal légal de nos sociétés pour les détourner afin de se reprogrammer de manière encore plus efficiente. Nos dirigeants ne cessent de s’aplatir devant ces golems ventripotents quand ils vaudraient les démanteler et remplir les geôles des organes pourris de ces aberrations.

    Reste qu’il subsiste quelques solutions — pas des centaines — pour sortir de l'impasse où nous nous sommes fourrés, en prenant bien conscience que les bienfaits putatifs de la main invisible d'Adam Smith ont rejoint les rangs des chimères en compagnie de la Terre Plate et de quelques autres notions périmées. D'autre part, les méthodes capables de résoudre les multiples catastrophes enclenchées par la modernité – qu’elles soient environnementales ou humaines — demeurent toutes incompatibles avec le capitalisme, car elle implique de repenser en profondeurs notre rapport avec le travail, l’économie et le temps.

    Une forte réaction d’opposition apparaît d’ailleurs avec des élections de tous les dangers portés la tête haute par la génération du Papy-Boom qui, non content d’avoir sapé tous les acquis de leurs parents — nos grands-parents pour ceux nés dans les années 70 comme votre serviteur —, souhaite continuer de pourrir l’existence de leurs descendances en donnant carte blanche à des régimes néo-fascistes dans les États occidentaux. Ce sera Trump aux États-Unis, l'extrême droite flamande en Belgique et quant à la France… Entre la Droite extrême et l’extrême Droite, le choix équivaut à jouer à la roulette russe avec un revolver chargé de six balles. À tous les coups, tu te prends une bastos dans la tronche.

    Vous pourrez me rétorquer qu’une révolution est toujours possible, mais soyons honnête, voulez-vous ? Pour qu’un soulèvement naisse, il doit être porté par une idéologie claire, efficace, qui remplace les inepties des précédents régimes. Or nous ne sommes jusqu’à maintenant que des voix discordantes incapables de s’entendre et de discuter calmement. Ce n’est pas dans cet état que nous nous nous friterons avec des flics transformés en Robocop – en voilà un film visionnaire qui commence à ressembler à nos actualités – armés de lance-grenades pouvant éjecter deux ogives fumigènes par seconde.

    Et si vous ne me croyez pas, allez jeter un œil aux débats sur la toile…

    3. Bilan du Blog :

    Malgré le fait que cela me fasse un peu mal au derche d’utiliser une plate-forme sponsorisée par une entité que je ne porte pas dans mon cœur, continuer d’alimenter ce coin de Web me satisfait. Comme mon existence risque d’être bousculée durant les mois qui viennent, il se peut que les articles se fassent plus sporadiques, mais nous verrons…

    Le premier chapitre des Chroniques de Yelgor augmente régulièrement ses statistiques. Les autres peinent à le suivre, mais j’ose espérer que vous vous lancerez dans l’expérience jusqu’au bout.

    La seule critique cinéma de l'année : The Bay arrive en deuxième position.

    4. Un Message aux critiques cinématographiques en herbe :

    Si au départ de mon aventure bloguesque, je pensais faire des critiques cinéma de manière régulière, je réalise plus en plus la difficulté de l’exercice. Se confronter à une œuvre plurielle – dans le cinéma, différents artisans travaillent de concert – pour en tirer une lecture qui soit à la fois pertinente et personnelle. Une fois que l’on a omis les quelques scories techniques, il va de soi que séparer les nombreux constituants d’une fiction s’avère bien plus délicat que cela en a l’air, n’en déplaise aux aigris, à ceux revenus de tout, aux moralistes et autres scribouillards du dimanche…

    Cela demande une humilité et une attention de tous les instants à ce que les auteurs nous racontent. Construire une critique, non dans le sens de régurgiter son pédantisme, mais pour tirer d'une impression fugace une réflexion argumentée, dont les bases s'appuient à la fois sur des racines subjectives — notre appétence consciente pour tels ou tels types de style —, mais également sur un tronc d'éruditions et de raisonnement aussi solides qu'une démonstration mathématique nécessite concentration et patience. L'exercice ne consiste pas à plaquer une perception erronée des éléments présentés dans un métrage, mais d'oublier un instant son égo pour procéder à une minutieuse anatomie de ce que l'on voit.

    Les aspirants critiques devraient se dépouiller de toute envie de se faire mousser en réalisant ces articles pute-à-clics qui fleurissent sur le Net comme le chiendent dans un jardin malade. Quels autres intérêts – sinon celui d’attirer le chaland avec un maquillage outrancier – y-a-t-il de tirer sur des ambulances comme Disney et ses multiples itérations, sinon celui de pulvériser le compteur de visites ? Vous voulez vous mettre à la critique de cinéma ? Alors faites-le par passion, compulser d’abord des livres de théories et parler de choses qui vous ont plu, arpentez les chemins de traverse gorgés d’humus de cet art complexe et non ses sentiers boueux que de trop nombreux pas ont achevé de cabosser.

    Le cynisme et le dédain systématique, j’ai connu et j'y ai accordé trop d'importance en d’autres décades. Au final, cela tient surtout d’une posture d'adolescent obsédé sexuel en passe d’avoir sa première relation amoureuse, réalisant, sa triste nouille trop cuite à la main, que tout cela ne ressemble pas aux capsules vidéos regardées compulsivement sur son Aïe-phone, dans le secret moite de sa chambre parfumée aux relents d’Achille. Ce style, j'ai donné – même au début de ce blog –, mais cela trouve très vite ses limites intellectuelles. S’enfermer dans une intransigeance prescriptive est une forme de sclérose trop répandue dans les entrailles du net. En revanche tenter d’expliquer pourquoi l’on apprécie ce cinéaste ou ce film là en particulier – en dépit de défauts apparents – voilà qui est un exercice certes complexe, mais souvent gratifiant.

    Si l’on ajoute par-dessus une lecture politique, on aura atteint un pinacle dans la pratique de la critique, mais cet aspect n’est pas à mettre entre les mains du premier venu et à vouloir greffer de manières absurdes nos obsessions idéologiques sur un donneur incompatible, l’on court à un rejet abominable… Mais j’aurais l’occasion d’en rediscuter…

    4. Les chantiers en cours…

    J’ai pu achever, avec quelques contentements, Rhésus Pub et Les Esclaves de l’Or que vous pouvez toujours lire sur la toile. Le cycle de nouvelle d’Arkady continue à son rythme d'escargot neurasthénique, et les deux prochaines histoires n'en sont qu'au stade de la larve.

    D'autre part, je m’échine sur des romans qui me prennent des mois et il me faudra encore quelques années pour les mener à terme. Ces compositions sont prévues pour être en premier lieu envoyées à des éditeurs « classiques ».

    — Les Chroniques de Yelgor : la Nuit de l’Auberge Sanglante. :
    Donc, le nombre de chapitres est passé de 12 à 26. Une estimation à la louche qui me permettra de boucler la plupart des intrigues lancées sans filet de sauvetage. J’ai quelques idées pour la suite, mais ce ne sont pour le moment que des notes dans mon carnet. Le désir de continuation est là j'aime arpenter ce monde, retrouvant une liberté et d'inventions qui me manque parfois sur mes autres histoires tant le contexte d'un récit peut se métamorphoser en carcan sans qu’on y prenne garde. Yelgor est devenue, je le crois, « mes îles magiques ».

    — Vitallium 450 g. :
    Troisième histoire du cycle de nouvelles d’Arkady, elle a été rédigée dans le cadre d’un appel à texte et je peaufine une deuxième version qui adoptera le point de vue de ma protagoniste fétiche. Le pitch : Ethel Arkady sauve une Dryade des griffes d’une multinationale pharmaceutique… L’occasion de me payer une nouvelle fois la tête des affreux qui se penchent sur « notre bien-être »…

    — Adélaïde. :
    Troisième version en court. Le manuscrit devient exagérément touffu, faisant un énorme détour par l’horreur gothique tendance Hammer. Il faudra que je songe à retomber sur mes pattes, mais il y a tant de pistes à exploiter…

    — Pornopolis :
    La première version du scénario est achevée, mais il me manque des retours. D’autre part, je souhaiterais introduire de nouvelles scènes – issus de quelques recherches sur le sujet —, mais je ne parviens pas à trouver le moyen de les injecter dans le fil de la narration pour le moment. Le dossier graphique est en court et sa réalisation nécessite des coups de scalpel dans la trame pour faire converger les visions du dessinateur et mes propres délires en un tout homogène.

    — La Fille des Serpents :
    Ce roman gore a bien avancé, mais je n’ai toujours pas achevé de rédiger le dernier quart qui sera d'un sadisme assez élevé. Je profiterais de la nouvelle année pour donner à ce récit toute la démesure qu'il mérite. Il se peut qu'il y ait des grumeaux de lovecrafteries dedans...

    — Monatos :
    Autres itérations du Cycle d’Arkady dans lequel interviennent des corporations corrompues. J’y remettrais la main à la patte dans les mois qui viennent .

    — L’Ordre Noir : Traquenard à Central Park. :
    Mon Arlésienne personnelle. Le scénario de cette BD que je souhaite réaliser de mes petites mimines est au point depuis des décades, mais il me manque toujours du temps. Cette histoire traîne depuis six ans. Je ne désespère pas de m’y atteler un de ses quatre, d’autant que le découpage a bien avancé, excepter une scène qui me donne du fil à retordre. Ensuite, je pourrais enfin passer à mon Women In Prison avec Arkady dans le rôle principal. Un épisode très douloureux de son existence dont les résonances sont déjà prégnantes dans d'autres récits.

    Tout cela bien sûr si nous ne sommes pas morts d’ici là.

    Bonne année.

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    mardi 27 septembre 2016

    Philosophie de Comptoir : La carotte poivrée dans l'oignon

    Ouverture d’une nouvelle rubrique de ce blog qui me permettra de me lâcher sur un sujet ou un autre. D’habitude, ma crémerie c’est la fiction, mais parfois il faut sortir de sa zone de confort. Je ne me prétends pas journaliste, sociologue ou quoi que ce soit en –ogue… mais certains événements, certaines personnes ont le don de déclencher des réactions épidermiques chez moi ! Cet espace navigant entre humour noir et recherche de sens est un domaine dans lequel je ne mâcherais pas mes mots. Il y aura moult apartés, grossièretés et pis encore… Amateurs de poneys roses et de sorcières mignonnes, passez votre chemin !



    1. L’Origine du mal.

    Un opportuniste – appelons-le Pandor – a signé avec un célèbre éditeur, que nous renommerons Panama Jack, un album jeunesse qui a envahi les bacs. Jusqu’ici rien que de très logique, mais les choses se gâtent quand on connaît les termes du contrat.

    Selon sa propre légende, Pandor aurait présenté l’embryon de cette BD à plusieurs éditeurs qui auraient refusé, faisant saigner son pauvre petit cœur. Ni une, ni deux le bonhomme passe à l’autopublication sur le Oueb 2.3.4.5 – comme beaucoup d’autres artistes, dont votre serviteur – et il rencontre un phénoménal succès outre-Atlantique. Au passage, celui-ci utilise des bénévoles pour corriger et traduire sa BD en plusieurs langues… La solidarité 2.00 m’arrache des larmes de crocodile ! Le bougre arrive à vivre du mécénat de ses lecteurs de manière confortable pour pouvoir pratiquer son activité à plein temps – petit détail à se mettre sous l’oreille pour la suite.

    Comme beaucoup d’autres personnes, Pandor use d’une licence créative, mais — à la différence de ce blog où j’interdis quiconque d’employer mes travaux à des fins commerciales — notre ami, lui, a laissé son ouvrage libre de droits. Tant qu'on le crédite, n’importe qui peut prendre ses images pour les vendre. Sans qu'il n'ait son mot à dire, ni qu'il n’y touche un kopek. Vous avez bien lu. Pandor explicite sa démarche en développant de l’argument de la pub – gratuite – qu’il reçoit de son œuvre. Pour lui, tous les prolongements annexes de son Webcomics ne sont que des produits dérivés. Ce qui en dit long sur l’esprit mercantile dans lequel est conçue cette « œuvre ».

    J’ignore — et à ce stade je m’en fous — si Pandor a fait appel à Panama Jack pour inonder le marché francophone ou si celui-ci, par l’odeur du succès alléché, l’a contacté. Toujours est-il que ni une, ni deux, l’harpagon des livres signe avec Pandor pour un album tiré à la hauteur d’une bagatelle de 10.000 exemplaires.

    Le chiffre donne une idée de l’indicible bêtise de la chose… Mais en plus Pandor, croyant dur comme fer à sa petite morale égotiste — typique de cette génération née avec une cuillère en argent dans la bouche — est rétribué de 350 $ par mois, considérant Panama Jack comme un mécène. Un choix qui a fait hurler les auteurs de BD professionnels qui bouffent déjà du foin à longueur de temps. De nombreuses personnes sont venues essayer de dialoguer, parmi elles du beau linge (Boulet, le scénariste Thierry Gloris et quelques autres…), mais Pandor campe sur ses positions dans une posture quasi autistique, balayant tous les arguments raisonnables avec un cocktail de chiffres et de moraline indigeste.

    Pour Pandor, Panama Jack ne lui offre que le service de « l'impression ».

    Comment t’expliquer, le demi-sel ?

    Ton accord c’est du caca en barre et ça fout tout le monde dans la panade. À part Panama Jack... qui doit en crever de rire à s’en faire exploser la panse ventrue.

    Ma tronche à l'annonce de cette arnaque...

    2. Du rôle de l’éditeur.

    Ça peut surprendre, mais un éditeur n’est pas un imprimeur. Voilà.

    Quelques minuscules recherchent sur le net — puisque tu aimes ça, Pandor — suffisent pour en avoir la preuve.

    Les premiers éditeurs étaient aussi des imprimeurs et des libraires puisque souvent le dépôt de vente était situé près des rotatives. Mais les deux professions sont distinctes. Au fur et à mesure des mutations du métier, le patron de l’imprimerie se mua en éditeur et les deux fonctions se sont scindées.

    Actuellement, l’éditeur fait un parie sur la viabilité de son poulain et il le diffuse pour que les potentiels lecteurs puissent avoir accès à son œuvre. Ce faisant, il apporte une plus-value au travail de l’auteur en l’aidant à revoir sa copie. Il est son premier public critique, celui qui lui donnera un recule nécessaire pour peaufiner son ouvrage.

    Ensuite, l’éditeur propose un service de révision pour éviter les fôtes d’aurtografes. Il fait le maquettage pour que le livre que vous retrouverez dans votre libraire soit agréable à vos petits yeux ébahis. Enfin, il assure la promotion du produit fini et le défend becs et ongles contre les diatribes de la presse. Éventuellement, il paye aussi la traduction pour la diffusion sur le marché étranger. Tout ceci n'est que théorique et valable dans un monde fait de miel, d'abeilles toutes douces et de merveilleuses licornes.

    Sur l’œuvre de Pandor quel aura été le travail de Panama Jack ?

    Il s’épargne d’entrée de jeu les risques puisqu’il sait déjà que l’œuvre possède un lectorat, prêt à passer à la caisse de surcroît. De plus, la logique de Pandor est tellement tordue qu’elle en devient flippante. Je cite un de ces commentaires :

    « Donc ce buzz, dit-il la vérité ? En partie, oui, c’est pour ça que ça marche. Il est possible à n’importe qui de faire des produits dérivés de […], de façon commerciale, en suivant un ensemble de règles de la Creative Commons Attribution permissive que j’ai établies. [Panama Jack] qui imprime à 10 000 exemplaires mon webcomic n’est qu’un produit dérivé à mes yeux (comme déjà dit). Pour faire un parallèle, je le considère comme si j’avais un film et qu’ils imprimaient la figurine du héros. Rien de plus. Nous avons eu une collaboration que je décris en anglais sur le blog de […] J’en suis satisfait, c’est super cool un premier album imprimé, mais cliquez sur le bouton « HD » sur le site de […], et vous y aurez plus de détails, plus de couleurs que dans l’album imprimé. Ma BD principale, mon support de choix n’est pas l’album de Glénat. Ce n’est pas le média principal de […]. D’autres projets suivront comme l’éditeur allemand […] qui vient de rejoindre le mécénat de […], le livre de la […] ou une édition régionale en breton de […]. Ce n’est que le début, le projet n’a que deux ans et je ne compte pas tout ça comme un manque à gagner. Je n’y vois que les effets positifs de personnes qui utilisent la base de ressources que j’ai créée, avec respect, dans les règles qui me conviennent pour créer plus de valeur autour de la série. Et ça fonctionne. »

    Par où commencer ? Pandor considère que le seul support viable de sa BD c’est le Web. Pourquoi pas, je n’ai rien à lui reprocher. Par contre, imprimer en 10.000 exemplaires une BD au rendu laxiste en pure connaissance de cause exprès me laisse songeur…

    Une BD c’est du papier — des arbres — de la couleur et de la colle. Ce sont des gens qui empaquètent, une distribution et des libraires en fin de chaînes qui doivent gérer des bacs déjà pleins à craquer…

    Enfin, et tout aussi important à mes yeux, un album relié c’est pérenne. C’est pour ça que moult scribouillards – ne prenez pas la mouche, je m'inclus dans le lot – tentent l’édition classique. Bien traité, un livre se conserve très longtemps ! [1] Ses pages ne se corrompent pas et même si votre électricité disparaît, vous pouvez toujours en profiter. Néanmoins le papier à un coût humain et écologique. Et donc, tous ces efforts et quelques arbres ont été mis au service d’une BD — mal imprimé —, qui sera considéré par son auteur comme un vulgaire flyer de MJC [2].

    Et j’ai très envie de demander à ceux qui encouragent ce mec :
    C’est ÇA l’avenir de la BD que vous défendez ?
    Vous vous foutez de ma gueule ?

    Mon ami le loup-garou est emballé à cette idée...

    Le nombre d’exemplaires de cette pantalonnade est atterrant pour une première publication. En général, le tirage pour un premier album d'un jeune dessinateur atteint un millier d'exemplaires — estimation à la louche en étant très, très optimiste — avec une couverture médiatique qui se résume souvent à peau de zob.

    Ajoutons au dossier déjà bien lourd que Panama Jack possède assez de puissance financière pour assurer lui-même la gestion du stock et la diffusion ce qui est logiquement le travail d’un autre intermédiaire dans l’écosystème du livre : le diffuseur. L’économie substantielle que fait Panama Jack sur les droits d'auteurs ET de diffuseur lui permet de rogner sur les droits d'auteurs et de baisser le prix de l'album. Dans un élan de générosité qui arracherait des larmes à Roger Corman il propose la BD à un très petit prix 9,99 €. Même si inférieur à la moyenne pour une BD [3], c’est très cher pour un flyer…

    Et des gens pourtant très intelligents défendent cette magouille !
    Vous pétez un câble, les gars !
    Vous n’avez pas honte ?

    Ah ! Et au fait, j’ai juste une question… Si ta BD est si géniale, Pandor, pourquoi est-ce qu'on a refusé ton projet ? Parce que jusqu’à preuve du contraire, les petits chats et les sorcières façon Miyazaki, ce n’est pas une thématique sujette à polémique, n’est-ce pas ?

    Tes interlocuteurs n’auraient-ils pas cerné, au-delà de la technique virtuose issue de l’animation, une certaine paresse intellectuelle, Pandor ? Tu vois, il y a des éditeurs qui sont des rats en affaire, mais d'autres possèdent assez d’éthique pour te dire non, et dans la foulée te pousser à réfléchir, te remettre en question avec un bon coup de pied au cul.

    Que tes petits Mickey fonctionnent sur le Web c’est une chose, que cela soit mérite un écrin de papier (à la ramasse) pour te faire une obscène pub géante en est une autre…


    Les vieux de la vieille ne lui disent pas merci...

    3. Les Auteurs de BD, ces doux rêveurs en voie de disparition…

    Réveillez-vous ! On vous le dit, l’avenir c’est le crowdfunding. L’éditeur ? Ce n’est qu’un imprimeur !

    Bon.

    De par mon parcours pluridisciplinaire, j’ai croisé moult personnes sur ma route dont des créatifs. Nombre de connaissances, lointaines ou proches tâtaient du crayon – souvent avec un talent insolent – et se posaient des questions pertinentes sur l'art. Nombre d’entre eux n’ont même pas eu ne serait-ce que l’ombre d’une chance qu’éclore comme ils le méritaient. Vous pouvez me rétorquer qu’ils n’avaient qu’à être meilleurs, à croire en eux, car quand on veut, on peut !

    Sauf que non.

    Mais avant de démêler cet imbroglio, retournons quelques décades en arrière, à une époque où le monde de la BD n’était pas bouché par des kikoolols adeptes des préceptes de Saint-Shônen (la volonté plus forte que tout… Mon cul sur la commode !)

    1/ Dans les débuts de la BD francophone, celle-ci paraît sous forme de magazine [4] et les auteurs sont payés à la planche. Plusieurs magazines de BD ont vécu jusqu’à la fin des années 80 qui est, grosso-merdo, le moment ou ça a commencé à déconner grave. Plusieurs de ses journaux ont mis la clé sous la porte tandis que les ventes chutaient. Bon, eux c’est la vieille garde, la crème. Des artistes au sens noble du terme qui en avaient dans le pantalon et qui ont bousculé les conventions d’un jeune média qui en avait besoin. On pourrait citer en vrac Goscinny, Greg, Franquin, Gotlib, mais aussi la bande de Metal Hurlant qui a contribué à la reconnaissance de la BD en tant qu’art à part entière grâce à des monstres graphiques comme Moebius, Druillet, Caza, F’murr… Ce système de paiement à la planche perdure en Italie, au Japon et aux États-Unis. Cette méthode est bancale, mais permet aux plus besogneux de croûter plus ou moins décemment.

    2/ C’est à la fin des années 80 — la datation n’est pas précise, mais cet article n’a pas la prétention de refaire l’histoire de la BD, juste d’expliciter un contexte — que la publication en journal, sauf cas rares, cesse. Les BD seront désormais imprimées sous forme d’album. Autrefois l’album demeurait la récompense pour les séries qui passaient le crash-test de la parution en magazine. L’avantage de l’album est que vous possédez le récit complet (encore que…) L’inconvénient pour les auteurs est que ceux-ci doivent faire un dossier éditorial qui comprendra des planches, des recherches, des découpages… Déjà un bel investissement d’énergie sans avoir la certitude d’être publié. Et quand bien même signent-ils pour un premier recueil, qu’il faut recommencer les démarches d’un projet à l’autre, en admettant que l’album se vende bien. Rappelons aussi pour approfondir le contexte que le ou les auteurs d’un album vivent d’une avance sur droit pendant la confection du bousin. Avance sur droit qu’ils doivent rembourser si l’ouvrage se plante en librairie. De quoi logiquement décourager n’importe qui de vouloir foutre ne serait-ce qu'un pied dans ce marigot.

    3/ Je ne parlerais pas des nombreuses traductions de comics et de mangas dont les mastodontes de l’édition nous inondent. D’après mes observations sur le terrain, le public du franco-belge et des BDs allochtones n’est pas le même et les lecteurs des uns glissent rarement d'un domaine à l'autre. Ensuite je n'entends pas mettre en concurrence des pays dont la sensibilité demeure différente dans l'approche du médium. En nous concentrant sur le Franco-belge, en parcourant les bacs d’une librairie, il est patent que la cadence de publication s’est accélérée jusqu’à atteindre un point limite qui a dévalué le travail fourni sur un album de BD. Combien de ses bouquins ne sont-ils là que pour permettre aux grosses boîtes d’édition de faire du remplissage linéaire ? Une BD de qualité au graphisme inventif et au scénario alerte se retrouvera noyée dans une masse informe de papier. Elle ne sera qu’un dégât collatéral pour mettre en avant un énième épisode d’un milliardaire en blue jeans.

    Avec cette surproduction — et le secteur de la BD n’est pas le seul impacté — comment les auteurs peuvent-ils vivre, puisqu’ils se partagent un public qui n'est pas en expansion. De plus, les écoles d'art forment toujours de petits nouveaux gonflés d’orgueil prés à être dépucelé avec violence par un marché saturé. Il n’est pas étonnant de voir des auteurs – parfois même de vieux briscards — jeter l’éponge.

     
    Attention, pulvérisation sociale en court !

    4. Une erreur d’interprétation.

    Dans un contexte économique dans lequel l’on instaure la loi El-Khomri, Pandor accepte un marché inique, créant un précédent qui ne jouera certainement pas en faveur des auteurs.

    D'un autre côté, les partisans du logiciel libre y voient une révolution, un signe que les choses bougent dans le bon sens. Certes, les licences libres permettent le partage d’information, elles possèdent leurs utilités et je ne renie pas le travail que certaines personnes exécutent pour déblayer le terrain. Je peux même comprendre jusqu’à un certain point leur manière de penser, mais elle ne fonctionne pas dans ce cas précis, car avec Panama Jack en scène, nous ne parlons plus d’un échange, mais de commerce.

    Et cela fausse toute la donne.

    Outre le fait que ceux qui aiment les histoires de Pandor devront passer à la caisse pour avoir l’ouvrage sous un format papier dans une qualité altérée, le côté commercial du projet implique un changement de paradigme. Pandor entraîne, qu’il le veuille ou non, tous les auteurs à sa suite. Croire que les éditeurs n’ont pas les yeux braqués sur ce phénomène relève au mieux de la naïveté, au pire du crime de félonie.

    Gangrené par la culture du gratuit, les futurs auteurs de BD ne devront-ils plus compter que sur l’hypothétique générosité — sujette aux caprices, aux modes et à l’air du temps — des internautes pour pouvoir en vivre ? Car Pandor ne jure que par des systèmes de financement en ligne. Dans certains commentaires qui entourent cette affaire, une statisticienne reprend les chiffres issus de ses sites, et ils font peur. Sur un nombre faramineux d’inscrits, seule une petite poignée arrive à faire leur beurre en marchant sur la gueule des voisins. Violence sociale, que ferait-on sans toi, ma douce ?

    Ces sites, surfant sur le Webeldorado façon Über — dont ils ne sont que la déclinaison pour les artistes — se sucrent au passage d’un pourcentage sur les donateurs. Ne leurs jetons pas l'opprobre, ce sont avant tout des entreprises, pas des organismes de charité. Les sommes captées et reversées par ce système court-circuitent les cotisations sociales et les autres dispositions de solidarité nationale [5]. Au final, nous obtenons un mécanisme encore plus exclusif que celui de l’édition normale assortie d’un individualisme inouï qui laissera pas mal de naïfs sur le carreau quand il faudra se payer les soins de santé. Ajoutons à cela que les auteurs qui dépendent de ce système sont livrés pieds et poings liés aux caprices de leurs publics qui peuvent se détourner d’eux à la moindre tocade.

    En France les études artistiques coûtent assez souvent un bras [6] et une large partie de la population ne peux pas y avoir accès même en se saignant aux quatre veines. Or cet enseignement n’est pas anecdotique, car le dessin, la mise en scène et le scénario s’apprennent comme n’importe quel autre domaine de connaissance. L’école n’est certes pas l'unique moyen d’acquérir ces techniques qui transforment un peintre du dimanche en un artisan accompli, on peut tout à fait se débrouiller en autodidacte, la montagne à gravir n'en est cependant que plus haute… Répétons-le, mais ce n’est pas parce que l’on prend un crayon en main que l’on peut se targuer d’être un artiste du jour au lendemain. Tout cela représente un coût en temps, en argent et en travail.

    Quand Pandor se donne, la gueule enfarinée, à Panama Jack avec pour seul filet de sauvetage un public qui peut l’abandonner aux premiers changements de mode, cela revient à se livrer pieds et poings liés à deux systèmes qui fonctionnent de la manière similaire. L’un possède encore la faible sécurité d’un « choix », d’une prise de risque de la part de l’éditeur tandis que le deuxième est administré par les caprices d’une foule consensuelle. Cela ne devrait pas rassurer Pandor…

    Parce que je ne suis pas certain que Panama Jack ou d’autres de son acabit attendaient de la part d’un auteur un tel renoncement à ses droits les plus basiques. Alors que toutes les actualités montrent que notre système économique cherche de plus en plus à se débarrasser de l'humain, voilà un idiot qui réalise les fantasmes des actionnaires avec un sourire étincelant.

    Je n’ai même pas envie d’épiloguer sur le fait que le bougre se félicite de s’être forgé grâce à sa force de volonté et tout le sempiternel tralala de cette caste de gens imbus d'eux-mêmes. Il retombera sur ses pattes, il a eu le temps et l'argent de se mener une porte de sortie, mais pas les autres, ceux qui rament déjà et ceux qui n’aspirent qu’à éclore.

    Non ! Les licences libres, extraites de leur contexte aux forceps comme cela a été fait ici ne sont pas une solution. Pire, elles peuvent provoquer un dangereux précédent qui va offrir une arme supplémentaire aux gros éditeurs pour accaparer des contrats à moindres frais.

    Que reste-t-il à négocier quand on retire même la paternité d’une œuvre à son auteur ?

    Désolé fils, mais d’autres ont réussi comme-ça, accepte de mettre ton paraphe sur tes petits dessins pour qu’on soit réglo et prend une carotte poivrée dans l'oignon ?


    La négociation du contrat d'auteur moderne...

    5. Des Licences Libres.

    Que l’on ne se méprenne pas, ce blog et sous licence libre non commerciale. Cela veut dire que je refuse que tout ce qui a été écrit ou montré ici soit vendu sur mon dos. Si contrat il y doit y avoir, je compte bien en retirer un fruit pécuniaire. Je ne méprise pas encore assez mon travail pour tendre le cul et me faire tondre. C’est parce que la mention « non-commerciale » existe que nous pouvons partager de nos talents respectifs sur la toile dans une relative quiétude, sans craindre de nous retrouver exploiter par des margoulins sans scrupules. Le système est bancal, mais au moins fournit-il une corde de sécurité.

    Les licences libres ne sont pas là pour permettre au premier éditeur fainéant de se baisser et de s’emparer de l’œuvre qui aura fait le buzz pour se sucrer dessus. Outre que l’on avait déjà connu le brouillon de cette méthode avec la vague des Blogs-girly de sinistres mémoires, voilà que l’on devrait tout céder aux grands seigneurs des livres et en être reconnaissant, car « ils ont le cœur sur la main ».

    Croire qu’internet fait office de solution miracle c’est se foutre le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Il est loin le temps de l’exploration de ce continent virtuel. Les portes se sont peu à peu fermées et les plateformes collaboratives ont vu l’émergence de société mettant en place leur web artiste, produits aseptisés pour attirer le lambda inculte.

    Avec le système du crowdfunding, il est à craindre que la création ne s’homogénéise encore plus. Les goûts et les allégeances du public sont trop volatiles et consensuels pour que l’on puisse s’appuyer sur un pareil mécénat pour construire une œuvre cohérente qui ne radote pas les derniers succès populaires du moment. Pour preuve, le style de Pandor ne reprend que des motifs déjà vu qui renvoient au Miyazaki de Totoro sans rien paner à l’essence des films qu’il imite maladroitement. Avec cette façon de fonctionner, les œuvres ambitieuses seraient balayées dans les poubelles de l'histoire. Cette méthode fabriquerait à terme un darwinisme social encore plus agressif que celui du monde de l’entreprise au profit des plus habiles à flatter leur audience en débitant en boucle les mêmes thèmes insipides.

    Le système éditorial actuel est certes perclus de défauts, mais il ne faut pas pour autant oublier que de petits éditeurs effectuent un véritable travail, défendent des auteurs qui ne sont pas forcément en adéquation avec les goûts du public. Et l'on a besoin de personnes qui sont prêtes à se mouiller pour donner naissance à des livres qui remettent en cause nos présupposés, nous fassent réfléchir. Le divertissement peut être intelligent et la BD que vous achetez pour lire dans le métro peut aussi vous parler, derrière les images et les phylactères…

    Interroger son époque, choquer, faire sens et rechercher la beauté dans la fange, c’est l’essence même de l’art. Retirez ceci de l’équation et vous n’obtenez qu’un gâchis d’énergie, de talents et au final de papier.


    Toute cette histoire me donne envie de...
    6. En guise de Conclusion…


    Il y aurait encore une pléthore de choses à rajouter. Cette affaire n’est qu’une énième goutte d’eau dans un le vase fêlé du système éditorial qui a largué depuis des siècles les amarres avec la réalité.

    Que va-t-il advenir de la tonne de papier utilisé pour concrétiser son petit rêve de gamin capricieux et égotiste ? Tout cela aboutira-t-il lamentablement au pilon ? Pandor n’a-t-il vu dans ce marché inique que son intérêt à court terme ? Au reste, puisqu’il fonctionne sous licence libre, pourquoi ne pas avoir poussé le concept jusqu’au bout et se servir des outils disponibles pour réaliser son album en impression à la demande ?

    Sans être forcément contre le système des licences libres, je m’inquiète un tantinet des dérives qui pourraient entraîner un tel précédent. Comprenons bien que rien n’est gratuit dans la vie et que tout à un coût.

    Construire une œuvre d'art nécessite une formation, une connaissance minimale de l’histoire de l’art et de la grammaire du médium que l’on choisit pour s’exprimer.

    Personne ne peut accoucher d’une BD lisible sans s’y consacrer pleinement. Les licences libres offrent certes la possibilité de se tailler une maigre fenêtre pour montrer ses travaux, mais elles ne nourriront pas son homme. Le mécénat du crowdfunding peut-être intéressant, mais son usage reste à double tranchant.

    La solution choisit par Pandor demeure épouvantable parce qu’elle créé une brèche dans le droit d’auteur dont les puissants se serviront pour accentuer la lutte entre tous pour une potentielle et éphémère audience.

    Enfin Pandor, de part son discours incohérent, sa fatuité et ses rêves de gloire est devenu l’incarnation de la mentalité de l’époque : irresponsable. Quand quelqu’un vous présente un contrat sur lequel il est écrit en lettres de sang : Sodomie Pour Tous, la décence veut que l’on dise NON ! On peut toujours dire NON ! Pandor a réussi à faire annuler un projet éditorial antérieur, refuser lui était donc possible. Sous-entendre que l’on se sert du système capitaliste pour son propre profit, de quelques manières dont l’on envisage le profit, c’est lui faire une allégeance de fait.

    ____________________________________________

    [1] Oh ! Oui ! Très longtemps ! En travaillant dans les réserves de ma bibliothèque, j’ai mis la main sur les premiers livres de poche importés par les Américains en Europe après la Seconde Guerre mondiale et même des raretés de 1800 parfaitement lisibles… Le volatil support numérique n’a pas encore atteint cette persistance aux outrages du temps (changement de format de fichiers dû aux caprices des entreprises, corruption des mêmes fichiers, plantages de la machine...)

    [2] Je n'ai rien contre les MJC, c'était pour souligner le côté grotesque de la chose.

    [3] Encore que cela reste relatif si on regarde du côté des mangas.

    [4] Dans le cadre de cet article, j’omettrais les strips qui paraissaient dans certains quotidiens qui obéissent à d’autres règles.

    [5] Pardon, je traduis en langage MEDEF : les charges sociales…

    [6] En gros deux systèmes coexistent en France : d’un côté les écoles privées dont le diplôme n’est pas reconnu par l’état mais dont le minerval coûte un rein sur E-bay par an ; de l’autre les Beaux Arts qui n’ont d’yeux que pour une approche très « art contemporain » – sur lequel il y aurait beaucoup à dire – de l’art d’où le côté technique est volontairement évacué pour se concentrer sur le concept…

    lundi 16 mai 2016

    Bibliothèque des Ombres : Morwenna/Jo Walton (in Psychovision)

    La Bibliothèque des Ombres rouvre ses portes après une petite mise en sommeil dû, entre autres, à la rédaction des Chroniques de Yelgor qui focalise toute mon attention. Voici donc un roman de Fantasy qui prend le genre à rebrousse-poil tout en parlant de livres. Le genre de roman qui te donne envie de compulser d'autres ouvrages, augmentant de façon exponentielle la taille de la bibliothèque. De plus cette chronique adolescente est à recommander aux jeunes lecteurs de tous horizons... Ami enseignant, si tu m'entends....

    http://www.psychovision.net/livres/critiques/fiche/1342-morwenna

    vendredi 2 octobre 2015

    Une décennie (plus ou moins) au cinéma part 2 : Avalon de Mamoru Oshii (2001)

    Après une longue interruption dans la plupart de mes projets artistiques pour cause de vacances et de flemmingite aiguë, essayons de reprendre cet espace égocentrique qu’est ce blog…

    On continue l’exploration cinématographique des années 2000 en se concentrant sur un film cyberpunk – une branche de la SF dont j’apprécie beaucoup les rares déclinaisons – qui repousse avec virtuosité les limites du genre tout en posant avec finesse la question du réel et du virtuel…


    Esquissons le contexte : le début des années 2000 a été pour moi surtout marqué par l’irruption sur le marché français du cinéma asiatique et particulièrement japonais. Quelques réalisateurs se sont imposés comme des auteurs à la patte très reconnaissable dans un système hiérarchisé à l’extrême, basé sur la production de masse. Moult cinéastes vont trouver la liberté artistique dont ils ont besoin dans le dans le V-Cinéma[1] en dépit de budgets serrés. Certains s’extrairont de cette nasse et acquerront une certaine notoriété, ce qui leur permettra d’avoir les coudées franches sur des œuvres plus personnelles. C’est le cas de Mamoru Oshii qui a travaillé autant dans l’animation que dans le cinéma classique. Cette double casquette lui servira à peaufiner en détail ce projet ambitieux qui le taraudait depuis des décennies : Avalon.

    Quand il entame la production de son dixième film, Mamoru Oshii a gagné depuis longtemps son indépendance d’artiste. Un statut très enviable dans l’industrie tant japonaise qu’américaine grâce auquel il peut monter des métrages se situant en marge des modes et des dictats idéologiques de son époque. Et s'il a montré sa capacité à attirer à lui une vaste communauté avec ses animes — Ghost in the Shell en tête de gondole — il ne s’endort pas encore sur ses lauriers.

    Tourné en Pologne, Avalon est l’un des rares films « live » de son auteur à avoir filtré jusque dans nos contrées. Outre ses incursions dans le monde du dessin-animé, Oshii est avant tout un réalisateur dont les différents opus sont pensés en fonction des possibilités du médium choisi. Avec Avalon, Mamoru Oshii rend un hommage à tout un pan du cinéma européen qu’il admire. L’esthétique des ruines, des guerres civiles et du dépouillement, le tout mêlé à une langueur propice aux doutes existentialistes. Certaines séquences citent les œuvres d’Andrei Tarkovsky, le Septième Sceau d’Ingmar Bergman ou Andrzej Wajda.

    Distribué dans quelques salles par Miramax Films, le métrage rencontre une indifférence critique et publique mortifère. Seules quelques revues spécialisées (dont Mad Movies qui chapeaute l’édition d’un DVD et Animeland) misent sur ce truc lent et pour certains, incompréhensible. Avalon gagne sa notoriété sur la durée grâce au marché de la vidéo.

    Son budget de 8 millions de dollars en fait un poids plume dans la grande famille des films dopés aux CGI, surtout lorsque l’on se rend compte que la moindre production Marvel actuelle coûte la bagatelle de plus de 150 millions de dollars [2]. Techniquement la réussite est totale : là où la majorité des CGI s’écroulent au fur et à mesure des années qui passent, ceux d’Avalon tiennent encore la route, car non seulement ils sont utilisés avec pertinence, mais en plus la réalisation s’appuie sur un tournage en dur n’usant que très peu du fond vert.

    Mais plus que par ses effets spéciaux, Avalon se distingue surtout par un rythme lancinant qui accompagne sa réflexion sur notre rapport aux mythes et à la façon dont ceux-ci pétrissent notre quotidien sans que nous nous en rendions compte : qu'est-ce que le principe de réalité dans un monde modelé par les mythes que les siècles n’ont cessé d’implanter comme un héritage commun dans nos psychés encombrées ? Notre consommation effrénée de médias en tout genre nous empêche-t-elle d’observer les choses telles qu’elles sont, induisant en nous un filtre (comme un voile sépia…) qui transforme notre perception sur le réel ?

    Autant d’interrogations qui sont nichées au sein d’un film-univers singulier. Par exemple, le titre Avalon, même si vous n’y connaissez rien à la légende arthurienne, vous dira forcément quelque chose. Et c’est exactement dans cet acquis grappillé dans le zeitgeist de notre société que se situe tout le discours fascinant de ce long-métrage.

    En apparence, l’histoire est d’une limpidité presque ridicule. Ash est une joueuse invétérée qui gagne sa vie grâce à un programme de réalité virtuelle illégal : Avalon. Ce logiciel puissant peut lobotomiser ceux qui ont la malchance de mourir au cours de la partie. Le défi devient plus élevé quand Ash entend parler d’un niveau secret, mais pour y accéder elle doit former une nouvelle équipe – la sienne ayant été décimé lors d’un assaut désastreux – et donc entretenir des rapports sociaux avec d’autres êtres que son chien [3].

    Avalon appartient à la catégorie des films cyberpunk qui disserte sur le réel et le virtuel, un exercice casse-gueule, mais qu’Oshii a déjà pratiqué dans Ghost in the Shell : dans d’une scène d’interrogatoire les policiers s’aperçoivent que leur suspect a été manipulé par un programme implanté dans sa tête simulant la présence d’une famille alors qu’il est célibataire. L’un des cyborgs constate désabusé qu’une expérience artificielle peut parfois acquérir autant d’importance au niveau neurologique qu’un événement vécu. Une anecdote sur laquelle va se bâtir le fil rouge d’Avalon.

    Les deux films sont perclus à dessein de séquences lentes qui peuvent exaspérer les spectateurs habitués au rythme haché qui est devenu une convention dans le cinéma de divertissement contemporain. Cependant et soulignons-le, ces moments contemplatifs ont une valeur narrative en rapport direct avec le sujet et le réalisateur les manipule avec un savoir-faire d’orfèvre. Dans Ghost in the Shell le commandant Makoto aperçoit entre tous les signes que lui envoi la mégapole un double de sa personne accentuant son vertige existentiel.

    Dans Avalon, Ash — et le spectateur avec elle — constate au fur et à mesure de ses déambulations urbaines l’artificialité de son environnement. Le film distille des indices en répétant certaines séquences. Figurants immobiles, ombres portées désaccordées, bâtiments changeant d’aspect dans le cours de du récit tout donne à croire qu’à l’instar du jeu – qui pour le coup paraît plus vivant – la cité dans laquelle évoluent les protagonistes n’est qu’un simple décor. Le malaise est subtil, mais bien prégnant pourvu qu’on se laisse porter par l’ambiance lancinante. Cette narration singulière qui exige du spectateur une attitude attentive aux détails peut irriter ceux qui sont habitués à ce qu’on leur prémâche la réflexion qui devrait pourtant être nécessaire lorsque l’on aborde des œuvres de l’esprit. Ces choix sont conscients de la part de Mamoru Oshii. Il souhaite des intelligences actives face à son film, à l’affût des signes et des symboles qui la peuplent, refusant la passivité qu’induisent chez nous les produits formatés issus des grands studios.

       


    Le rapport entre Avalon — le film — et la matière de Bretagne[4] est dissimulé derrière l’esthétique du jeu dans le film prenant pour cadre les nombreuses guerres civiles qui ont émaillé l’histoire des pays de l’Est. Ce jeu complexe obéit à des règles rappelant celles des jeux de rôle médiéval-fantastique. Les équipes sont souvent constituées par des personnages de différentes classes possédant des capacités spéciales : les guerriers, les prêtres (Bishop en anglais se traduisant par évêque...) qui assurent les arrières, les magiciens et les voleurs. 

    Les dragons et autres monstres sont remplacés par les soldats adverses ou de titanesques forteresses de métal crachant des bombes et des balles dans toutes les directions. De fait, les quelques scènes d’action sèches et rapides qui émaillent le récit, d’une parfaite limpidité, permettent à Oshii de se laisser aller pendant quelques instants à son fétichisme très japonais pour les mécaniques délirantes et les armes à feu sous anabolisant. Tout ceci s’inscrit dans la logique d’une quête épique et n’atteint pas les sommets de grotesques qui sont à présent devenus des standards dans le paysage de l’anime[5] [6].

    Avec l’apparition des neuf sœurs d’Avalon – des fées ayant escorté la dépouille du roi Arthur sur la fameuse île – et la disparition du basset de l’héroïne, ce que nous avons pris jusqu'à présent pour le référent à la réalité dans le cadre de la fiction se déforme. Si le concept du jeu et de la rupture qu’il entraînait avec le monde du film demeurait clair, le climax infirme tout cela. Dans un duel sublimé par une musique intradiégétique – la dernière scène se déroule lors d’un concert – toutes nos perceptions sont remises en doute. En définitive où se situent donc les personnages ? Dans quelle dimension existent-ils ? Comment reconnaître dans ce contexte ce qui différencie le réel de la simulation puisque celle-ci est induite dans le cerveau des joueurs ?

    Imprégné par les obsessions issues de Philip K. Dick et une réflexion sur des phénomènes auxquels nous serons de plus en plus confrontés dans notre société hyper médiatisée, Avalon demeure une œuvre dont l’accès peut laisser ceux qui souhaitent assister à un « simple » divertissement sur le carreau. Cependant, sa beauté formelle intemporelle s'accompagne d’un discours pertinent sur les vertiges et les dangers du virtuel, donnant naissance à un monde dans lequel les individus se désagrègent dans des simulacres qui finissent par occulter toutes leurs perceptions.

    Si Mamoru Oshii et son scénariste ne répondent jamais à toutes les questions, c’est qu’ils estiment que les spectateurs doivent apporter leurs propres réponses. De fait, Avalon ne s’achève pas sur une résolution, mais sur une énorme interrogation, aux antipodes de ce que le cinéma mainstream nous impose. Et si les grandes lignes de l’intrigue peuvent rappeler d’autres longs-métrages influencés par la SF cyberpunk[7], il s’en distingue par un souci constant d’échapper à la facilité d’un divertissement qui n’aurait pour lui que sa beauté plastique. Mamoru Oshii s'adresse à des spectateurs matures, qui pensent et non des êtres infantilisés auxquels il faut prémâcher tout le travail de réflexion.

    Nota Bene : Une question de musique.
    La musique revêt toujours une importance cruciale dans le cinéma. Une mauvaise partition peut mutiler une œuvre par ailleurs bien réalisée tout comme certains films ne sont sauvés que par leur compositeur.

    Mamoru Oshii confie les rênes du projet à son complice musical Kenji Kawaï dont les nappes de sons anxiogènes et la reprise de chants traditionnels bulgares avaient enluminé Ghost in the Shell. Pour Avalon, le compositeur déploie une partition qui se partage entre musiques d’ambiance électroniques et des envolées lyriques dignes des meilleurs opéras. Avalon s’écoute autant qu’il se regarde…

    ___________________________________________________

    [1] — V… pour vidéo ! C’est l’équivalent des films exploités directement sur le marché du DVD chez nous.

    [2] — Pourtant, ce budget pharaonique transparaît peu à l’écran, la faute à une esthétique volontairement cheap qui ne prend jamais de parti-pris fort de peur de s’aliéner un grand public aussi craint que méprisé par des producteurs devenus des banquiers…

    [3] — Le fameux basset qui ne cesse de hanter les films de Mamoru Oshii et dont l’amateur guette les apparitions au hasard des cadrages sophistiqués…

    [4] — On appelle ainsi l’ensemble des mythes et légendes se rapportant à la quête du Graal et au roi Arthur…

    [5] — Comme d’autres réalisateurs de sa génération, Mamoru Oshii déplore les dictats d’une industrie cinématographique qui cherchent de plus en plus à flatter les bas instincts de proto-geeks ne retenant de leurs œuvres vénérées que la pointe émergée de l’iceberg. On observe un exemple de cette dégénérescence poussive dans Patlabor 3, pur produit de publicistes puceaux. Là où Mamoru Oshii limitait au maximum l’apparition des robots géants — préférant se concentrer sur de complexes intrigue géopolitique et les incidences de celles-ci sur les protagonistes – Patlabor 3 singe le style d’Oshii, langueurs comprises, tout en rajoutant des caisses sur les gros plans de machines, de pistons et d’armes. À ce stade ce n’est plus de la science-fiction, mais de la pornographie mécaniste digne des obsessions malsaines de personnages de Crash de J.G.Ballard. Et les rênes des financements des films ayant échus entre les mains de producteurs frileux devant le risque artistique – alors que c’est l’enjeu même de tout bons films – on assiste à une fossilisation d’un certain cinéma japonais sur ses clichés. Et voir un réalisateur visionnaire comme Oshii se coltiner un nouveau Patlabor avec des acteurs en carton pour satisfaire des fans en ruts est aussi pitoyable et inquiétant…

    [6] – « … On en vient donc à produire et consommer des simulacres de simulacres. L’œuvre Otaku à la différence de l’œuvre moderne, n’est donc pas la création d’un artiste défini, puisqu’elle naît à l’intérieure d’une chaîne, constituée de plusieurs imitations ou plagiats successifs… »
    in Génération Otaku : les enfants de la postmodernité/Hiroki Azuma, préface de Michel Maffesoli, traduit du japonais par Corinne Quentin .- Hachette Littératures .- col : Haute Tension. Chap. 2, p. 49.

    [7] – Des longs-métrages comme Tron de Steven Lisberger, Nirvana de Gabriel Salvatores mais surtout Passé Virtuel de Josef Rusnek. Son mélange de thématique issu d’enjeux de la SF cyberpunk et d’une esthétique rétro – l’action se déroule dans les années 30 – et le vertige que ce film génère chez le spectateur attentif le reproche très fort d'Avalon tout en conservant une identité propre. Je ne peux que vous conseiller la vision de cette œuvre dont la distribution a été étouffée par le géant boursouflé Matrix